La loi Taubira vient de passer, et ils n'ont pas l'air troublés. Déterminés, plutôt. " Ce n'est que le début d'un long chemin", explique ainsi Cécile. Cette mère au foyer reçoit en famille, son mari Dominique et cinq de ses sept enfants installés autour de la table du grand salon. Il y a Marie, l'aînée, en classe prépa, Jean, 17 ans, en terminale S, Claire et Pierre, 16 et 14 ans, tous deux en seconde, et Thomas, 13 ans, en quatrième, qui "fait du judo".
Courtois, ils servent le café et veillent à ce que le chocolat soit distribué équitablement. Aux murs, des photos des enfants – en vacances, à l'école, lors des premières communions –, mais aussi des photographies de papes ou une image de la vierge Marie sur le manteau de la cheminée. Mais si elle a l'air calme, la tribu n'en décolère pas moins. "Elisabeth Guigou nous a fait la promesse que si le PACS passait en 1999, il n'y aurait pas le mariage pour les homosexuels", fulmine Cécile, qui essaie de contenir sa colère. "Dans notre famille, la parole qu'on donne, c'est pour la vie."
L'adoption de la loi Taubira marque "la fin de la naïveté". "On a compris qu'en politique, les lois se faisaient étape par étape : le PACS, le mariage, la procréation médicalement assistée", argumente Dominique. "Notre combat va aussi s'inscrire sur le temps long, tant pis si ça dure dix ou quinze ans". Le rythme ne sera peut-être plus le même, le mouvement va peut-être se politiser davantage, mais la lutte continuera.
"BEAUCOUP DE CHOSES À IMAGINER"
"En éveil" depuis l'élection présidentielle, Cécile et Dominique se sont mobilisés dès le mois de novembre contre le mariage pour tous. "On a senti quelque chose de puissant, on s'est dit qu'il fallait qu'on revienne en force", commente la mère de famille. Les enfants ont suivi en janvier : d'abord en tractant sur les marchés et à la sortie des écoles, puis lors des premières manifestations à Paris. Ils parlent fièrement du "premier grand mouvement 2.0", mais n'ont ni comptes Facebook ni Twitter. Cela n'empêche : "Le potentiel de résistance et de réaction des gens est impressionnant."
"C'est la première fois qu'on se mobilise non pas pour défendre nos intérêts, mais pour défendre les autres", souligne Cécile. Mais quels autres ? "Les enfants qui ont besoin d'un père et d'une mère. Les enfants d'homosexuels n'ont pas besoin d'avoir la nationalité française pour vivre ici, et ils peuvent hériter avec les testaments." Jean ajoute : "On n'a pas besoin de rajouter encore plus d'enfants sans repères."
Assurant agir d'eux-mêmes, les jeunes partagent le combat des parents. "Ces projets touchent à la famille : ça va faire partie de nos vies", s'indigne l'aîné des garçons. Marie, la seule en âge de voter, parle d'une prise de conscience de son rôle citoyen. "On a l'âge où tout cela devient concret, y compris le danger que représente la dénaturation du mariage", explique t-elle posément.
L'étudiante veut faire de la pédagogie autour de cette loi, éclaircir les enjeux autour de la filiation. "Sous forme de conférences, par exemple, on pourrait monter une association, il y a beaucoup de choses à imaginer", sourit Marie. Le père renchérit : "Ce n'est pas un combat perdu, ni même un coup au moral : c'est à peine une péripétie dans l'histoire de la défense des enfants. Nous, on est sereins, nous arriverons à nos fins."
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