Publicité

Les jésuites ont leur Pape

Les relations entre la Compagnie de Jésus et Rome ont longtemps été difficiles.

C'est la première fois dans l'histoire qu'un fils de saint Ignace est élu Pape. L'événement est de taille. D'abord à cause de l'importance de cet ordre, vieux de presque cinq siècles, dans le catholicisme, mais aussi parce que la Compagnie de Jésus est longtemps apparue comme une véritable église à l'intérieur de l'Église (son général, vu par certains comme un rival du Souverain Pontife, fut parfois affublé du qualificatif de Pape noir).

Pourtant dès l'origine (1534), Ignace de Loyola avait souhaité pour son ordre qu'il prononce un vœu d'obéissance inconditionnelle au pape et d'engagement loyal à ses côtés au service des missions. «Les Constitutions» disposent: «Il est bon de rappeler dans quelle intention la Compagnie a fait le vœu d'obéir, sans alléguer d'excuse, comme au Souverain Vicaire du Christ; il s'agissait d'être envoyé parmi les fidèles ou les infidèles, partout où il jugerait que ce serait utile pour une plus grande gloire divine et un plus grand bien des âmes».

Ad majorem dei gloriam, l'histoire de l'Église est rythmée par les relations ambivalentes qui se nouent entre la Compagnie et le Saint-Siège. Tantôt le pape s'appuie sur eux, bénéficiant de leur organisation, de leur sens politique et de leur qualité doctrinale (notamment pour la formation des prêtres). Tantôt il se défie de leur puissance et s'évertue à les maîtriser. La canonisation d'Ignace et de François-Xavier intervient en 1622-1623, le Japon est «réservé» à la Compagnie, les premiers jésuites sont faits cardinaux par Clément VIII et investissent la curie, autant de signes positifs de la bonne entente entre le pape et les jésuites durant les premières décennies.

Puis vont surgir les années de tensions entre la Compagnie et le Saint-Office sur fond d'intrigues politiques ou géopolitiques. Au XVIIIe, tout en les soutenant dans leur querelle avec le roi français Louis XIV, Rome tente de limiter leur influence en Extrême-Orient (en Indochine et en Chine où les jésuites sont accusés de désobéissance). En 1773, sous la pression des rois Bourbons qui les expulsent de France mais aussi d'Espagne et du Portugal, le pape Clément XIV édicte la dissolution des jésuites (on assure même qu'il fut élu à condition qu'il prenne cette décision). L'ordre est supprimé pour cause d'«inutilité» comme les templiers…

Vingt-cinq ans plus tard, il renaît d'abord discrètement en Europe centrale, et le 7 juillet 1814 (jour de la Saint-Ignace), est officiellement rétabli. Les jésuites retrouvent très vite leur influence: ainsi ses théologiens prennent part à la préparation du concile Vatican I (1869-1870), ils dirigent deux universités, la grégorienne à Rome et Saint-Joseph à Beyrouth.

Au XXe siècle, de grandes figures jésuites marqueront l'Église: le père Teilhard de Chardin et ses audaces intellectuelles, mais aussi les pères de Lubac, Daniélou, Rahner (ces trois derniers influents dans l'élaboration théologique de Vatican II). Après l'élection de Jean-Paul II, la Compagnie - agitée par la contestation et souffrant d'une crise d'identité - est rappelée à l'ordre. Elle perd de son influence au Vatican.

La voici de retour, avec l'élection surprise de l'un des siens au siège de Pierre.


Lire: Olivier Chaline in Dictionnaire de la papauté, sous la direction de Philippe Levillain, Fayard.

» EN DIRECT - Suivez la première journée du pape François

» TÉMOIGNAGES - Ce que pensent les jeunes du Pape

Les jésuites ont leur Pape

S'ABONNER
Partager

Partager via :

Plus d'options

S'abonner
11 commentaires
    À lire aussi