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Un député ne pourra plus exercer un métier qu'à titre d'« exception »

À l'Assemblée, les députés vont devoir légiférer sur leur propre situation. Jean-Christophe MARMARA/Le Figaro

Les députés et les sénateurs se prononceront sous le regard de l'opinion, guère portée à la bienveillance envers eux actuellement.

Voilà un débat houleux en perspective à l'Assemblée et au Sénat. François Hollande veut interdire aux parlementaires les activités professionnelles «qui peuvent appeler un conflit d'intérêts». Plus catégorique, Jean-Marc Ayrault a affirmé que «toute activité professionnelle, sauf exceptions mentionnées dans la loi», sera prohibée pour les parlementaires.

Étrange cas de figure. Les députés et les sénateurs vont devoir légiférer sur leur propre situation. Ils seront ainsi juges et parties. Il est vrai qu'ils se prononceront sous le regard de l'opinion, guère portée à la bienveillance envers eux actuellement.

Comment faire le tri entre une activité professionnelle qu'il est loisible à un parlementaire d'exercer et une autre qui lui sera interdite car elle l'exposerait à un conflit d'intérêts? Hollande s'est bien gardé de dresser une liste des métiers à proscrire.

Le président a toutefois pris un exemple. Un parlementaire qui serait médecin, a déclaré l'hôte de l'Élysée, «pourrait soigner, mais pas travailler pour un laboratoire». Une allusion évidente au cas de Jérôme Cahuzac. En charge des relations avec les laboratoires pharmaceutiques au cabinet de Claude Évin, ministre des Affaires sociales de 1988 à 1991, Cahuzac est suspecté d'avoir pris ses décisions dans le but d'obtenir un renvoi d'ascenseur ultérieur de certains laboratoires. Vingt-quatre députés ont déclaré être médecins, selon les chiffres fournis par l'Assemblée nationale.

Les députés avocats d'affaires sont aussi dans la ligne de mire du gouvernement et préparent leurs arguments. Mis en cause par l'UMP dans l'affaire Cahuzac, Pierre Moscovici, ministre de l'Économie, a choisi cet angle pour contre-attaquer. «Ce n'est pas sous notre gouvernement qu'on trouvera des avocats d'affaires qui sont en même temps députés!, s'est exclamé Moscovici mardi à l'Assemblée pendant les questions d'actualité. Moi qui suis avocat, j'ai démissionné en 2007 quand j'ai été élu!»

Inégalité public-privé

On ignore combien d'avocats d'affaires siègent à l'Assemblée nationale et au Sénat. Trente-cinq députés au total ont déclaré être membres du barreau, mais leurs spécialités respectives n'ont pas été rendues publiques. En outre, il peut arriver que d'anciens ministres issus de la haute fonction publique, qui ont ensuite rejoint le barreau - en vertu d'une procédure dérogatoire qui suscite l'ire des avocats de métier -, soient comptabilisés comme des hauts fonctionnaires et non comme des travailleurs indépendants.

Pour leur défense, les parlementaires qui exercent une profession libérale arguent qu'ils n'ont pas, eux, de «parachute», à la différence de leurs collègues fonctionnaires. Ceux-ci, placés en disponibilité pendant leur mandat, sont assurés de retrouver leur emploi en cas de défaite aux élections législatives. En outre, pendant qu'un fonctionnaire est parlementaire, son ancienneté continue à progresser dans son corps d'origine et ses droits à la retraite sont préservés. Les agents publics peuvent donc briguer des mandats électifs dans des conditions beaucoup plus confortables que leurs homologues issus du secteur privé.

La question de l'égalité de traitement entre parlementaires issus du public et du privé sera au cœur des débats. En Grande-Bretagne, depuis le Hatch Act de 1949, un fonctionnaire qui souhaite briguer un mandat doit démissionner avant même de se porter candidat. Dans son programme pour les législatives de 2012, l'UMP s'était engagée à instituer la même règle: les fonctionnaires «devront démissionner de leurs fonctions lorsqu'ils choisissent d'exercer des responsabilités politiques». Cet engagement était resté lettre morte.

Voilà quelques mois, Bruno Le Maire, qui a lui-même démissionné de la fonction publique, en a fait son cheval de bataille. Sur LCP, il a invité le chef de l'État, membre de la Cour des comptes, à donner l'exemple et à «remettre sa démission de la fonction publique».

Un député ne pourra plus exercer un métier qu'à titre d'« exception »

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47 commentaires
  • b ubu Roi

    le

    Aucune profession n'est à l'abri, même pas les instituteurs car ils pourraient privilégier leur caste et ministère ! Il ne restera comme parlementaire que des "apparatchik" qui n'exerceraient que comme politique. Nos braves énarques sont sûrs de ne pas être au chômage. De plus avec une loi de 2006 leur garantissant 5 ans d'indemnités parlementaires s'ils ne sont pas réélus, quel fromage !

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