Affaire Mediator : reprise du procès, en présence de Servier

Quelque 700 parties civiles reprochent au fondateur des laboratoires Servier de les avoir "délibérément" trompées sur la composition du médicament.

Le Point.fr (avec AFP)

Le Mediator, commercialisé de 1976 à 2009, pourrait à long terme causer en France entre 1 300 et 1 800 morts par valvulopathie.
Le Mediator, commercialisé de 1976 à 2009, pourrait à long terme causer en France entre 1 300 et 1 800 morts par valvulopathie. © AFP

Temps de lecture : 4 min

Le premier procès pénal du Mediator, un médicament accusé d'avoir déjà causé des centaines de morts en France, a repris mardi à Nanterre après un an d'interruption, en présence du patron du groupe pharmaceutique Jacques Servier. Quelque 700 parties civiles demandent réparation pour "tromperie aggravée" à Jacques Servier, 91 ans, et aux laboratoires du même nom devant le tribunal correctionnel, sans attendre l'instruction menée parallèlement au pôle santé du parquet de Paris sur les mêmes faits.

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Jacques Servier, qui comparaît dans l'affaire du Mediator devant le tribunal de Nanterre, a quitté l'audience deux heures après la reprise du procès, ont constaté des journalistes de l'Agence France-Presse. "Mon client peut-il quitter la salle ?" a demandé, sans plus de précisions, Me Hervé Temime, conseil de Jacques Servier. Le fondateur des laboratoires pharmaceutiques du même nom, qui comparaît pour "tromperie aggravée" dans l'affaire du Mediator, est sorti quelques minutes plus tard de la salle où ont lieu les débats, soutenu par deux personnes et entouré par des policiers en civil.

Jacques Servier avait pris place quelques heures plus tôt sur le banc des prévenus, sans faire de déclaration à la presse. Il avait répondu d'une voix éraillée à la présidente du tribunal, Isabelle Prévost-Desprez, qui lui avait demandé de décliner son identité.

1 300 à 1 800 morts

Selon un rapport d'experts judiciaires rendu public en avril, le Mediator, commercialisé de 1976 à 2009 en France, pourrait à long terme causer 1 300 à 1 800 morts uniquement par valvulopathie. Ces victimes présumées ont misé sur une procédure rapide : une citation directe pour "tromperie aggravée" dans laquelle leur revient la tâche d'apporter les preuves, sans avoir accès aux investigations parisiennes.

Elles reprochent à Jacques Servier de les avoir "délibérément" trompées sur la composition de ce médicament destiné aux diabétiques, mais largement prescrit comme coupe-faim. Les malades n'auraient pas été informés de "la nature anorexigène" de son principe actif, le Benfluorex, à l'origine du développement de valvulopathies (déformation des valves cardiaques) et d'hypertension artérielle pulmonaire, une pathologie rare actuellement incurable.

Bâton dans les roues

Me Charles Joseph-Oudin, conseil d'une centaine de parties civiles à Nanterre, espère que "les laboratoires Servier n'essayeront plus de mettre des bâtons dans les roues de la machine judiciaire". Le procès, qui avait débuté le 14 mai 2012, avait en effet très vite tourné court. Le tribunal avait accepté de transmettre à la Cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), soulevée par la défense. Jacques Servier contestait qu'il puisse être jugé à Nanterre alors qu'il est parallèlement mis en examen pour des faits similaires à Paris. La haute juridiction a toutefois refusé de transmettre cette QPC au Conseil constitutionnel.

"Il y a un risque que l'affaire ne soit encore pas jugée au fond cette fois-ci", estime Me Juliette Nattier, avocate d'une trentaine de victimes présumées. La défense de Servier va en effet engager une nouvelle bataille procédurale, susceptible d'entraîner un nouveau renvoi du procès. "Nous souhaitons qu'une expertise judiciaire autonome soit faite à Nanterre ou à défaut la communication de tous les éléments recueillis dans le cadre des expertises en cours à Paris", indique Me Hervé Temime. Il va aussi demander "un complément d'information permettant au tribunal d'apprécier le rôle des autorités sanitaires dans la tromperie dénoncée à Nanterre".

"On s'en fout du procès" (J. Servier)

L'Agence du médicament a en effet été mise en examen en mars dernier pour "homicides et blessures involontaires", les juges d'instruction parisiens la soupçonnant d'avoir négligé les alertes sur la dangerosité du Mediator. Interrogé sur la présence de Jacques Servier à l'ouverture des débats, son conseil n'a pas souhaité répondre. Le fondateur des laboratoires, dont l'état de santé reste fragile, avait répondu la semaine dernière à BFM TV qui l'interrogeait près de son domicile : "On s'en fout du procès", avant de s'excuser pour cette déclaration.

Certains conseils de victimes présumées préféreraient aussi que le procès soit renvoyé dans l'attente de la fin de l'instruction parisienne. "Je ne suis pas là pour défendre Servier, mais il est dommage de se priver d'une instruction de qualité qui devrait être bouclée rapidement", estime Me Jean-Christophe Coubris. Mais, pour la plupart des parties civiles, il y a urgence à statuer, notamment du fait de l'âge du principal prévenu.

Elles disposent de plusieurs pièces maîtresses comme les annexes du rapport accablant de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) qui estime que le retrait du Mediator "aurait pu être décidé dès 1999", soit dix ans avant sa disparition du marché. Jacques Servier ainsi que les quatre anciens cadres de Servier et sa filiale Biopharma jugés à ses côtés à Nanterre encourent quatre ans de prison et une amende de 75 000 euros ; Servier et Biopharma, en tant que personnes morales, une amende de 375 000 euros ainsi qu'une interdiction d'exercer.

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Commentaires (6)

  • Maritche

    On ne prend pas n'importe quel médicament sans se préoccuper des conséquences, il convient donc de séparer les prescriptions pour les patients atteints d'un diabète et ceux qui ont voulu des prescriptions de confort...
    Et où sont les condamnations des membres de l'AFSSAPS ?

  • seynois

    Je crois surtout qu'il faut différencier deux sortent de plaignants.
    Ceux qui étaient traités pour du diabètes ont réèllement subit un préjudice. J'èspères
    qu'ils auront gain de cause et seront largement indemnisés.
    Pour les autres qui se faisaient prescrire du Médiator pour maigrir il faut nuancer
    leurs revendications. Vouloir maigrir aux frais de la sécu en avalant un médicament
    prévu pour le diabète n'est pas trés correct. Donc, si je compatis aux désagréments sérieux causés, je me dis aussi qu'il y a eu tromperie de leur part
    vis a vis de l'assurance maladie. Comme d'ailleurs pour les médeçins complices
    de ces fausses prescriptions.

  • Sy

    Ce n'est pas l'ordre des pharmacien qui autorise la MIse sur le Marché des médicaments et il n'intervient à aucun niveau sur ce sujet. Renseignez-vous sur internet. L'ordre des pharmaciens règle les problèmes des pharmaciens pas la mise sur marché des médicaments.