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Récit

Les états généraux de la PMA se préparent

Le Comité consultatif national d'éthique rendra un avis sur l'assistance médicale à la procréation avant la fin de l'année, après des états généraux sur le sujet organisés à l'automne.
par Anaïs Moutot
publié le 22 mai 2013 à 16h38

C'est un personnage clé pour l'ouverture de l'assistance médicale à la procréation (AMP, ou PMA) aux couples homosexuels qui s'est exprimé ce mardi. Un mois après l'adoption du projet de loi ouvrant le mariage et l'adoption aux couples de même sexe et cinq jours après sa validation par le Conseil constitutionnel, la parole de Jean-Claude Ameisen, président du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), était attendue. Cette autorité indépendante s'est auto-saisie pour réfléchir à l'AMP «hors du champ médical» en janvier dernier. Mardi, le professeur d'immunologie a été interrogé par 36 parlementaires dans le cadre très formel de l'Office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, un groupe chargé d'éclairer l'Assemblée nationale et le Sénat sur ces questions. Il n'a pas fait de nouvelles révélations, mais a ouvert le débat en mettant les sujets brûlants sur la table. En vue : la préparation des états généraux qui auront lieu «en octobre et novembre». Le CCNE rendra ensuite un avis avant la fin de l'année.

Cela arrange bien le gouvernement, qui s'abrite derrière le comité pour reporter le débat sur cette question le plus tard possible. Les tergiversations sur ce sujet ont été légion : Matignon avait d'abord songé à inclure la question de l'AMP dans le projet de loi sur le mariage et l'adoption pour tous, avant de l'exclure. Le PS a fait pression pour qu'un amendement soit rajouté, avant de faire marche arrière. Des parlementaires écologistes et communistes ont alors déposé des amendements en décembre, rejetés en février. Le gouvernement a ensuite promis que l'AMP sera discutée dans le cadre d'une «loi famille». Celle-ci a été annoncée en mars... puis reportée à la fin de l'année. Le gouvernement se cache depuis derrière l'attente de l'avis du CCNE. Un avis qui n'est pourtant que «consultatif», comme a tenu à souligner le professeur de 61 ans devant les micros. «Le Parlement décide librement», a-t-il insisté.

Opposition à la GPA

La question de l'AMP a squatté les débats sur le mariage pour tous, les opposants l'agitant comme un chiffon rouge, alors que celle-ci n'était pas inscrite dans le projet de loi. Dans ce contexte, Jean-Claude Ameisen a rappelé avec une certaine ironie que l'élargissement de l'AMP n'était pas lié au mariage pour tous. A l'heure actuelle, cette assistance est réservée aux couples formés d'un homme et d'une femme mais ils n'ont pas forcément à être mariés. Ils peuvent simplement attester d'une vie commune d'au moins deux ans. «On aurait pu réfléchir à ouvrir l'AMP pour des couples de femmes indépendamment du mariage», a-t-il affirmé. Avec un air dubitatif, il a également pointé certaines incohérences : «Une personne célibataire peut adopter mais n'a pas le droit à l'AMP, alors qu'un couple non marié a droit à l'AMP mais ne peut pas adopter...»

Répondant à la question d'un député, Jean-Claude Ameisen a de nouveau laissé transparaître son opposition à la gestation pour autrui (GPA). Rappelant l'avis défavorable du Comité d'éthique en 2010, il a réduit la GPA à «une instrumentalisation d'une femme au détriment d'une autre», la mère porteuse, leitmotiv de l'opposition. Mais il a démonté un autre cheval de bataille des détracteurs de la PMA, qui estiment qu'autoriser l'insémination artificielle mais pas la gestation pour autrui briserait l'égalité entre les couples d'hommes et les couples de femmes homosexuels. Car seules les femmes peuvent recourir à l'insémination artificielle. Les hommes doivent, eux, demander l'aide d'une mère porteuse. Le président de la CCNE a rejeté cet argument, rappelant que certaines femmes n'ayant pas d'utérus – et ne pouvant donc pas être inséminées artificiellement – n'avaient pas non plus le droit de recourir à la GPA.

Assistance à la procréation non médicale

La question de l'ouverture aux couples homosexuels n'est pas la seule que le CCNE mettra à l'ordre du jour lors des états généraux à l'automne. Le comité réfléchit à faire perdre le M de «médical» à l'AMP. Une évolution qui interroge «le rôle que la société entend donner à la médecine : corriger et prévenir les maladies ou répondre aussi à des demandes sociales ?». Aujourd'hui, la loi bioéthique de 2004, régissant le recours à l'AMP, limite cette assistance à deux motifs médicaux : «remédier à l'infertilité» ou «éviter la transmission à l'enfant d'une maladie d'une particulière gravité».

Si l'assistance médicale à la procréation devient l'assistance à la procréation tout court, il faudra réfléchir non seulement à l'ouverture aux couples homosexuels et aux célibataires, mais aussi à la demande des femmes de «conserver leurs ovocytes» pour pouvoir faire des enfants, même ménopausées. Au programme également : la fin de l'anonymat des donneurs de gamètes et le remboursement de l'assistance à la procréation pour des raisons non médicales. «On risque d'arriver à une discrimination par l'argent», si la collectivité ne rembourse pas, a mis en garde Jean-Claude Ameisen. Tout en soulignant, qu'en période de crise des finances publiques, ce ne serait peut-être pas une décision bienvenue.

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