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Kosovo : cinq médecins condamnés pour un trafic d'organes international

Des sanctions exemplaires ont été prononcées, lundi 29 avril, contre les instigateurs d'un trafic d'organes hors normes organisé en 2008 dans la clinique Medicus, à Pristina.

Par  (Jérusalem, correspondant)

Publié le 29 avril 2013 à 17h41, modifié le 29 avril 2013 à 18h20

Temps de Lecture 3 min.

Des peines historiques ont été prononcées à Pristina, lundi 29 avril, contre cinq médecins impliqués dans le plus vaste trafic d'organes jamais mis au jour sur le continent européen. La clinique Medicus, au cœur de ce trafic, était située dans la capitale kosovare. C'est donc là qu'a été initiée l'enquête, confiée à Jonathan Ratel, un magistrat international relevant de la mission civile européenne EULEX, qui contribue à l'établissement d'un État de droit au Kosovo.

Le docteur Lutfi Dervishi, entouré de ses avocats le jour du jugement du tribunal européen le 29 avril, est le principal accusé de cette affaire de trafic international d'organes.

Près de cent témoins ont été entendus au cours du procès, qui s'est ouvert le 4 octobre 2011. La peine la plus lourde, huit ans de prison, a été décidée contre l'urologue Lutfi Dervishi, le propriétaire de la clinique où les transplantations étaient organisées. Son fils, également médecin, Arban Dervishi, s'est vu infliger une peine de sept ans et trois mois de prison. Trois autres inculpés dans cette affaire, eux aussi médecins, ont été condamnés à des peines allant d'un an avec sursis à trois ans de prison. Les coupables devront verser 15 000 euros de dommages à sept des victimes.

"L'enquête a été complexe, sensible et longue, explique au Monde par téléphone le procureur spécial Jonathan Ratel. Les condamnations sont significatives. C'est un jour très important pour les victimes du trafic. Cela crée un précédent et envoie un message à l'ensemble du personnel médical qui pourrait être tenté par ce genre d'activité."

UN MARCHÉ LUCRATIF POUR LA MAFIA

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Pour autant, le magistrat n'oublie pas les difficultés rencontrées dans cette enquête hors norme, notamment en raison du nombre de commissions rogatoires internationales envoyées. "Au total, 12 pays sur 14 ont été totalement coopératifs, précise-t-il. Seule la Russie n'a pas répondu dans les temps, ni la Suisse, qui a refusé de livrer des renseignements sur des comptes bancaires. Nous regrettons aussi que la présidence du Conseil de l'Europe ait refusé de lever l'immunité de Dick Marty, pour lui permettre de témoigner devant le tribunal."

Le procureur spécial européen Jonathan Ratel, peu avant la peu avant la décision du tribunal européen à Pristina, le 29 avril.

Rapporteur spécial du Conseil sur les allégations de trafics d'organes au Kosovo pendant la guerre de 1999, le Suisse Dick Marty a publié un rapport explosif, en décembre 2010. Il y établissait un lien entre ce trafic présumé, qu'auraient organisé des combattants de l'Armée de libération du Kosovo (UCK) sur des prisonniers serbes, avec l'affaire Medicus, survenue des années plus tard.

La transplantation d'organes est devenue un marché lucratif pour la mafia en raison du nombre de malades sur listes d'attente. Mais il est très compliqué d'en pénétrer les arcanes. Dans le cas de la clinique Medicus, le hasard a joué. Le 4 novembre 2008, un ressortissant turc s'apprêtant à embarquer pour Istanbul était arrêté à l'aéroport de Pristina dans un très mauvais état. Il venait de subir un prélèvement de rein, au profit d'un malade israélien, dans la fameuse clinique. Le jour même, le docteur Lufti Dervishi et son fils étaient interpellés. L'établissement prospérait sans licence adéquate. Le secrétaire du ministère de la santé, Ilir Rrecaj, était soupçonné d'avoir signé une autorisation illégale d'activité. Mais il a été acquitté au terme du procès.

LE CHIRURGIEN TURC YUSUF SONMEZ, SURNOMMÉ "DOCTEUR FRANKENSTEIN"

Selon l'acte final d'accusation du procureur spécial international Jonathan Ratel, daté du 22 mars, que Le Monde s'est procuré, 24 victimes ont été identifiées. Israéliennes, turques, kazakhes, biélorusses, russes, ukrainiennes ou moldaves, ces personnes vulnérables et dans le besoin dessinent la carte d'un trafic international sans précédent.

Entre mars et novembre 2008, elles ont subi un prélèvement d'organe (reins) à la clinique Medicus. Elles étaient prises en charge à Istanbul, où une somme importante leur était promise mais jamais versée, puis envoyées au Kosovo. Six donneurs ont témoigné devant le tribunal, soit dans la salle d'audience, soit par vidéoconférence. Les clients, eux, déboursaient entre 80 000 et 100 000 euros. Originaires d'Israël, du Canada, de Pologne, des Etats-Unis et d'Allemagne, il s'agissait de personnes aisées, désireuses d'écourter les délais d'attente dans leur pays.

Les enquêteurs ont remonté le réseau jusqu'aux pays sources. Notamment en Allemagne, d'où provenaient les fonds d'origine pour la création de la clinique. Un mandat d'arrêt international a été délivré à l'encontre du chirurgien Yusuf Sonmez, surnommé "Docteur Frankenstein" et déjà interpellé pour des faits similaires en 2005, et de Moshe Harel. Celui-ci a joué un rôle clé dans l'organisation du réseau. Arrêté après le raid contre la clinique, il avait été autorisé à rendre visite à sa mère, prétendument malade en Israël, mais n'est jamais revenu au Kosovo.

Les demandes d'extradition envoyées en Turquie et en Israël pour ces deux hommes n'ont pas été satisfaites, car ces pays ne livrent pas leurs ressortissants. Le médecin turc a cependant été entendu à Istanbul en mars 2011.

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