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Hôpitaux : un groupement pour émettre des obligations et des billets de trésorerie

Jean-Marc Viguier, le directeur des affaires financières du CHU de Bordeaux, également coordinateur de la Conférence des DAF de CHU, planche sur la mise en place d’un « groupement obligataire » destiné à permettre à un ensemble de centres hospitaliers universitaires d’émettre conjointement obligations et billets de trésorerie. Un exemple inspirant pour d’autres secteurs.

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Jean-Marc Viguier, directeur des affaires financières du CHU de Bordeaux et coordinateur de la conférence des DAF de CHU. (Mazars)
Publié le 30 nov. 2012 à 06:00

Comment se financent les centres hospitaliers français ?

Les grands hôpitaux sont des établissements juridiquement autonomes sont qui dotés de fonds propres relativement faibles. Contrairement à une idée reçue, ils ne financent pas leurs investissements par subventions publiques, mais principalement sur leur capacité d’autofinancement et par des emprunts bancaires directs, négociés individuellement par chaque hôpital. Pendant très longtemps, la dette a été concentrée sur quelques acteurs, comme Dexia, les Caisses d’Epargne ou la Caisse des Dépôts et Consignations. Puis, à la fin des années 80, le marché s’est ouvert, avec de nouveaux intervenants, dont les principales banques du marché ou la Banque européenne d’investissement.


Au moyen des plans Hôpital 2007 et Hôpital 2012, l’Etat a entendu relancer l’investissement hospitalier, pour faire face aux évolutions technologiques et au développement de la médecine et de la chirurgie ambulatoires, qui supposent de moderniser les bâtiments, sans oublier la sécurisation et la mise en conformité des lieux d’accueil des patients. Sous l’effet de ces plans, particulièrement le premier, la dette contractée par les hôpitaux universitaires s’est rapidement accrue : passant d’un rythme de 500 millions d’euros de nouveaux emprunts annuels avant 2005 à quelque 1,5 milliard aujourd’hui. Au total, l’encours a doublé au cours des 5 dernières années et aujourd’hui, le capital restant dû par l’ensemble des CHU représente environ 10 milliards d’euros.


Quand avez-vous lancé vos premières émissions obligataires ?

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Comme tous les acteurs économiques, les CHU ressentent depuis 2009 la crise économique et les difficultés bancaires. Tout d’abord à travers l’effacement de l’opérateur historique Dexia. Puis, plus globalement, nous avons constaté un retrait progressif, mais net, des lignes de trésorerie accordées par les banques, en complément de nos emprunts à moyens et longs termes, de même qu’un cantonnement des enveloppes de prêts qui nous étaient accordées. Le modèle de financement a donc été repensé et nous nous sommes tournés vers le marché obligataire, prenant exemple sur les Hôpitaux de Paris (l’APHP) et sur l’association des communautés urbaines de France (l’ACUF), qui y ont recourt depuis longtemps. Les émissions obligataires constituent ainsi une diversification des financements, une « complémentation », pour reprendre un terme de la diététique. Ainsi, en 2009, a été lancée une première opération de 270 millions d’euros sur le marché obligataire, au nom de 24 d’hôpitaux universitaires. Puis, en 2010, une deuxième émission de 170 millions d’euros a réuni une vingtaine d’hôpitaux, y compris certains centres hospitaliers de l’Ile-de-France. Dans les deux cas, nous avons bénéficié de belles notations et obtenu des taux tout à fait dans les standards du marché. Nous avons commencé l’année dernière à préparer une troisième émission, mais il a été nécessaire de conforter l’homogénéité des établissements emprunteurs, en terme d’activités (enseignement, recherche, haute technologie, soins d’urgence et de proximité) et de qualité financière (niveaux d’endettement, liquidité, ratios financiers, etc.) et de régler certains problèmes techniques comme le traitement budgétaire et comptable des émissions in fine.


Nous sommes maintenant prêts pour une troisième opération, de l’ordre de 250 millions d’euros : la note devrait sortir courant décembre, pour une émission début 2013, si les conditions de marché s’y prêtent. Les investisseurs qui nous font confiance sont des institutions qui généralement nous connaissent, et exercent des métiers complémentaires aux nôtres, comme les assureurs ou les mutuelles : nous partageons cette même philosophie d’action sociale et d’intérêt général. Mais il y a aussi parmi les prêteurs des banques, des investisseurs étrangers ou des assets managers, qui recherchent des emprunteurs sûrs dans le cadre de la diversification de leur portefeuille.


Pourquoi vouloir créer un groupement ?

La Conférence nationale des DG de CHU est le point nodal au sein duquel les CHU se concertent, organisent des actions communes et émettent des propositions, mais elle reste un club informel. Le durcissement de la situation auquel nous avons assisté dans la plupart des CHU nous a conduit à envisager la création d’une instance ad hoc, juridiquement identifiée, et qui pourra mieux se faire connaître du marché et des investisseurs. Ce « groupement » pourrait intervenir non seulement sur le marché obligataire, mais aussi sur le celui des billets de trésorerie, auquel nous pourrons accéder dès que l’évolution législative et réglementaire attendue sera officialisée, ce qui devrait être le cas très vite. Une telle instance permanente permettrait même de réfléchir à des outils partagés de liquidité, voire de garantie communautaire. Si nous sommes clairs sur les objectifs, la forme doit encore être discutée avec le Ministère de la Santé, l’Agence France Trésor, Bercy et les juristes spécialisés. Peut-être un groupement de coopération sanitaire, classique pour nous mais inconnu du marché ; ou alors une structure connue du marché, mais inhabituelle pour nous… Le projet n’est donc pas, à ce jour, arrivé à maturité, et des discussions restent nécessaires avec les pouvoirs publics pour en fixer les contours et les détails. Mais nous espérons aboutir dans le courant de 2013.

Cécile Desjardins

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