ENVIRONNEMENT - Plus d'une dizaine de manifestations et rassemblements dénonçant les "violences policières" ont eu lieu lundi dans toute la France après le décès dimanche de Rémi Fraisse, un manifestant de 21 ans, sur le site du barrage contesté de Sivens dans le Tarn lors d'affrontements avec les forces de l'ordre.
A Nantes, où les opposants à l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes se sont plusieurs fois violemment opposés aux forces de l'ordre depuis 2012, plus de 600 personnes se sont rassemblées en fin de journée près de la préfecture pour "exprimer leur colère face à la violence d’État".
Ils ont allumé des bougies et déployé des banderoles, proclamant: "Vos armes non létales tuent. On n'oubliera pas. Résistance" ou "Nantes-Toulouse-Montreuil. Solidarité contre les violences policières".
Les manifestants ont ensuite défilé dans les rues derrière la banderole: "Barrage Testet. Mort de Rémi. Ni oubli ni pardon ACAB" (All cops are bastards, Tous les flics sont des salauds ndlr). Plusieurs vitrines de banque ont été abîmées ou brisées et les policiers ont fait usage de gazs lacrymogènes. Au total, huit personnes ont été interpellées dans la nuit de lundi à mardi pour des "incriminations diverses" selon la préfecture, dont cinq ont été placées en garde à vue.
Barrage contesté du Tarn: violences pendant la...par BFMTV
Poubelles incendiées à Rennes
A Rennes, ils étaient 300 autour d'une banderole sur laquelle était écrit: "La police tue, appel à la révolte", puis ils sont partis manifester dans les rues, jetant des pétards et scandant: "Flics, porcs, assassins!". Vers 20h ils ont rassemblé des poubelles qu'ils ont incendiées à un carrefour du centre-ville.
A Albi, environ un millier d'opposants se sont rassemblés dans le centre où ils ont d'abord scandé dans le calme: "Rémi, Rémi, on ne t'oublie pas". Puis des heurts ont éclaté entre les CRS et plusieurs dizaines de manifestants, pour certains cagoulés et jetant des pavés. Le calme était revenu vers 19h, après plus de deux heures d'un face à face tendu ponctué de salves de gaz lacrymogènes.
Place de l'Hôtel de ville à Paris, une centaine de personnes se sont réunies et ont allumé des bougies. Un pancarte proclamait : "Pour Rémi, ni oubli ni pardon". "On a eu un État qui blesse, un État qui mutile. Maintenant, on a un État qui tue", a déploré sur place Coralie Duby, 29 ans, militante écologiste, présente ce week-end sur le site contesté dans le Tarn.
A Brest, une centaine de manifestants se sont rassemblés place de la liberté et ils étaient une centaine également en fin d'après-midi sur le Vieux Port à Marseille à l'appel notamment d'Europe Écologie Les Verts.
A Chambéry, ils étaient une cinquantaine –parmi lesquels des opposants au projet de ligne ferroviaire à grande vitesse Lyon-Turin– devant la préfecture de Savoie pour "protester contre les mesures répressives disproportionnées à l'encontre des citoyens qui dénoncent des projets inutiles, des conflits d'intérêt et des collusions".
A Bordeaux, une centaine devant l'Hôtel de ville ont dénoncé "les violences policières" avec une banderole : "one mort time!"
A Lyon, environ 130 personnes se sont rassemblées dans le calme et en silence, lundi soir, devant la préfecture du Rhône. A Strasbourg, une trentaine de militants écologistes sont restés en silence devant la préfecture du Bas-Rhin, brandissant une pancarte: "Hommage à Rémi Fraisse".
A Rouen, une petite centaine de personnes ont accroché aux grilles de la préfecture une banderole proclamant: "Testet: l’État tue, Rémi mort pour ses convictions. Ni oubli, ni pardon", tandis qu'à Caen, 80 personnes ont rejoint la préfecture avant de partir en cortège derrière une banderole affirmant "la police tue, halte à la répression".
Ils étaient une centaine à Angers. A Lille, une centaine de manifestants réunis sur la Grand Place ont accroché à la façade d'un des bâtiments une grande banderole au nom de "Rémi" et la date de son décès. Sur deux autres banderoles on pouvait lire "L’État tue La lutte continue" et "Rémi mort pour ses idées. L’État prêt à tuer pour protéger ses intérêts". Les manifestants ont ensuite traversé le centre-ville en criant des slogans très hostiles à la police. "Clément, Rémi, ni oubli ni pardon", a scandé le cortège au cœur duquel ont pouvait lire, sur une pancarte: "Militer sans être exécuté".
Une "tache indélébile sur l'action du gouvernement" pour Duflot
"La mort d'un homme qui se bat pour ses idées dans une démocratie est un drame", a réagi l'ancien premier ministre UMP François Fillon sur Europe 1. Mais le député de Paris a mis directement en cause les "Verts", et tous "ceux qui font de la violence politique une arme désormais systématique".
Justement, sur France Info, l'ancienne ministre écologiste Cécile Duflot a estimé que le décès de Rémi Fraisse est une "tache indélébile sur l'action du gouvernement". Elle a surtout dénoncé le fait que "depuis 48 heures, aucun membre de ce gouvernement (...) ne s'est exprimé pour présenter ses condoléances".
Pas d'accusation avant la fin de l'enquête
Première à sortir du silence, la ministre des Affaires sociales Marisol Touraine. Sur France 2, elle a évoqué "une tragédie" et a présenté ses condoléances à la famille. Mais elle a aussi réclamé d'attendre les conclusions de l'enquête.
Lundi soir, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a condamné les "débordements" intervenus dans la soirée. "Depuis le début du mois de septembre, en marge des mobilisations pacifiques dans le Tarn, des violences inacceptables sont commises", a-t-il déclaré dans un communiqué. "Ces violences n'ont pas leur place dans un Etat de droit et doivent être condamnées, comme doivent l'être les débordements qui sont intervenus ce soir, à Nantes notamment".
Mardi matin, il a pris la parole pour la première fois pour un propos essentiellement politique. Le ministre de l'Intérieur a rappelé que 56 policiers ont été blessés depuis le début des manifestations. Mais il a surtout dénoncé les attaques dont il est l'objet. Il a ainsi jugé "indignes" les propos de José Bové qui l'avait estimé "responsable" du drame. "On ne peut pas procéder à des accusations avant que la justice ne soit au bout de ses enquêtes", a conclut Bernard Cazeneuve.