Le stade de Lille est baptisé stade "Pierre Mauroy" en hommafe à l'ancien premier ministre.

Le stade de Lille est baptisé stade "Pierre Mauroy" en hommafe à l'ancien premier ministre.

L'Express

Treize jours après la mort de Pierre Mauroy, Martine Aubry a annoncé que le Grand Stade de Lille, inauguré en août 2012 et toujours sans appellation, prendrait le nom de l'ex-premier ministre. Cette décision suscite des réactions très partagées des Lillois. Certains trouvent l'idée bonne: plus qu'une rue ou qu'un square du centre-ville, l'enceinte ultra-moderne de 50 000 places est à la hauteur du grand homme. Mais d'autres font la grimace, car ils se souviennent que la vente du nom du stade à un sponsor devait rapporter entre 30 et 40 millions d'euros en dix ans. "L'émotion et le respect n'empêchent pas la lucidité", a sobrement commenté Eric Quiquet, chef de file local des Verts, pour qui l'ardoise est trop élevée. Réplique de Martine Aubry : "Il y a des moments où il faut prendre un peu plus de hauteur". Et ne surtout pas rappeler l'échec de cette opération.

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En février 2008, pour vendre au contribuable le très beau et fort coûteux stade conçu par le constructeur Eiffage, Martine Aubry avait trouvé une parade : le "naming". La commercialisation du nom de l'enceinte lilloise, à l'image du MMArena au Mans ou de l'Allianz Arena à Nice, devait sensiblement alléger la facture: 324 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 170 millions d'euros déboursés par les collectivités locales pour les travaux de voirie. A l'époque, la maire de Lille est convaincue qu'elle trouvera un partenaire prêt à débourser entre 3 et 3,8 millions d'euros par an. A tel point qu'elle décide de récupérer le contrat au Losc, le club de foot lillois ne promettant "que" 2,3 millions d'euros annuels de redevance. Une erreur fatale.

"Nous cherchons un nom qui vante la grandeur de la région"

Pierre de Saintignon, fidèle lieutenant de Martine Aubry mais sans compétence aucune en la matière, est chargé de dénicher l'oiseau rare. Sa quête sera aussi désespérée que vaine: Decathlon/Oxylane, Sports Direct, Allianz... Une à une, les enseignes pressenties déclinent la proposition. Pour qu'Auchan réagisse, l'entourage de la maire de Lille lance même une rumeur: le concurrent Carrefour serait intéressé! Pas de quoi varier d'un pouce la position du géant nordiste de la grande distribution, dont le patriarche, Gérard Mulliez, s'est toujours opposé aux valeurs du sport-business. En 2012, le casinotier Partouche, déjà sponsor-maillot du Losc, propose 2 millions par an. Nouveau refus de la maire de Lille. Seconde erreur.

Peu à peu, la perspective de voir le nom du Grand Stade demeurer dans le domaine public refait surface. "Pourquoi pas le stade Pierre Mauroy ?" avait suggéré L'Express, en juillet 2012, à Pierre de Saintignon. La réplique - savoureuse avec le recul - avait été cinglante: "Mais il n'aime pas le foot ! Plutôt le stade Jacques Delors, alors... Non, nous cherchons un nom qui vante la grandeur de la région." Et le 1 adjoint PS à la mairie de Lille d'évoquer des appellations plus "vendeuses" à l'international, tels que "Coeur d'Europe" ou "Lille region" (sans accent, à l'anglaise).

Un an plus tard, les dés sont donc jetés: ce sera finalement Pierre Mauroy. Un hommage à près de 40 millions d'euros qui offre surtout à Martine Aubry l'avantage de sortir de l'impasse dans laquelle s'est embourbée... sans trop risquer, espère-t-elle, la polémique.

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