L'avenir de Vincent Peillon se joue dans les heures qui viennent.

François Hollande et Vincent Peillon sont revenus sur de nombreuses mesures prises pendant les années Sarkozy. Un "fonctionnement à la gomme" qui agace les recteurs disparus: "S'il y a un domaine où l'on ne devrait pas revenir systématiquement sur les réformes menées par la majorité précédente, c'est bien l'éducation."

L'Express

Votre mouvement est-il une démarche politique?

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Le cercle des recteurs disparus: Nous ne nous inscrivons pas du tout dans une démarche politique. Dans un premier temps, nous avons voulu réagir à la remise en cause de la fonction et des missions de recteur. Ce que nous dénonçons c'est l'ouverture de la fonction de recteur à des non-docteurs, désormais à hauteur de plus de 20% du corps, à des gens qui n'ont jamais été actifs au coeur du système éducatif, qui ne sont pas des pédagogues.

La vraie question est là et c'est le sens même du nom "cercle des recteurs disparus". Un recteur doit être un homme, une femme, de terrain; il (elle) doit être expérimenté(e). Demain, le risque est grand qu'un administratif puisse diriger un rectorat. Les recteurs ne sont plus que des gestionnaires. Les inspecteurs, réduits à des fonctions d'inspection classique, c'est-à-dire d'expertise de ce qui se passe en classe, n'existent plus. L'éducation deviendrait juste une affaire d'administration et de gestion financière. Nous avons, nous, une autre ambition.

Quel est votre objectif?

Par notre action, nous voulons souligner que la politique gouvernementale en matière d'éducation relève d'une forme de mensonge. Vincent Peillon parle de refondation de l'école, nous y voyons plutôt une déconstruction! Mais notre but est avant tout de proposer des solutions et des pistes de réforme sur les questions éducatives. Nous sommes convaincus qu'en matière d'école il ne devrait pas y avoir une politique de droite ou une politique de gauche, mais une volonté de consensus. Pour les républicains que nous sommes, s'il y a un domaine où l'on ne devrait pas revenir systématiquement sur les réformes menées par la majorité précédente, c'est bien l'éducation.

Vous parlez de "mensonge". Avez-vous des exemples?

Oui. Le ministère ment sur les créations de postes: on ne crée pas de postes, on se contente de remplacer des gens qui partent en retraite. Tous les postes évoqués à la rentrée ne servent en réalité qu'à financer les décharges des stagiaires: on va aller chercher des étudiants de Master 2 pour les occuper, quand c'est possible. D'où ce constat: dans les zones rurales, par exemple, c'est une catastrophe.

Combien êtes-vous?

Hier nous étions 10, aujourd'hui nous sommes 25, ce qui atteste d'une dynamique indéniable et d'un intérêt croissant pour les idées que nous défendons. Le groupe est constitué de hauts-fonctionnaires de l'Education nationale et de l'Enseignement supérieur. Nous comptons également des représentants du secteur privé.

Comment et pourquoi avez-vous décidé de lancer le cercle des recteurs disparus?

Nous nous sommes rapprochés au moment du lancement de la "refondation" de l'école républicaine parce que nous étions attentifs à ce qui passait dans une période charnière. Répétons-le, nous sommes dans une logique de proposition. Nous ne sommes pas des hauts fonctionnaires revanchards ou aigris. Nous faisons simplement l'amer constat que la pédagogie n'est plus au coeur des priorités politiques, et nous voulons attirer l'attention du grand public sur ce point. Navis Rector est notre signature: le capitaine du bateau en latin!

Quel a été l'élément déclencheur et pourquoi ne pas avoir lancé ce mouvement plus tôt ?

Les initiatives visibles prises par les ministres ont constitué des éléments déclencheurs: la loi sur l'école de Vincent Peillon, ou la loi sur l'Enseignement supérieur et la Recherche de Geneviève Fioraso. François Hollande n'a eu de cesse d'expliquer pendant sa campagne qu'il voulait accorder sa priorité à la jeunesse. Mais dites-nous ce qu'est devenue l'égalité des chances dans la loi sur l'enseignement supérieur? Où est le passage aux actes?

Quant à la refondation de l'école, elle a donné lieu à une vaste opération marketing. Les recteurs n'y ont pas été associés, les inspections générales non plus. Qu'est-ce qui est sorti de cette réflexion? La réforme des rythmes scolaires? Seuls 15 à 20% des élèves vont être touchés par cette mesure. Le ministère accouche d'une souris. Et à l'inverse, on met fin de manière précipitée à des expériences pédagogiques ambitieuses comme les internats d'excellence, sans même attendre que les lycéens concernés passent le bac, comme l'apprentissage dès 14 ans, comme les établissements de réinsertion scolaire, et tant d'autres expérimentations initiées par la précédente direction de l'enseignement scolaire.

Concernant l'enseignement supérieur, la ministre et son cabinet détricotent méthodiquement la loi LRU dite loi Pécresse, mais pour la remplacer par quoi? Bref, en matière d'éducation, il faut se donner du temps. La pédagogie ne relève pas de l'instantané. Les grands mots et l'incantation ne peuvent se substituer à une vraie politique éducative et étudiante, pour l'heure cruellement absente du paysage.

Retrouvez les prises de positions du cercle des recteurs disparus sur L'Express.

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