reportage

A Lille, l'évacuation d'un grand camp de Roms inquiète les associations

Trois «réductions du campement illicite» ont eu lieu dans ce bidonville de Lille-Sud où vivaient 750 Roms. Malgré une préparation de l'expulsion en amont, les solutions de relogement demeurent limitées.
par Stéphanie Maurice, correspondante à Lille
publié le 11 septembre 2013 à 16h17

Les mots changent, mais les expulsions restent. Le bidonville de la rue de Carvin, à Lille, le long du périphérique, où vivaient 750 Roms – ressortissants roumains, bulgares, macédoniens, ou serbes – a été réduit à une portion congrue. Trois «réductions du campement illicite» se sont succédé : la dernière en date a eu lieu ce mercredi matin, à 7 heures. «Cette opération a permis de déplacer environ 30 caravanes hors du terrain. Aujourd'hui, la surface occupée illicitement représente moins du dixième» de la surface totale, précise la préfecture dans un communiqué.

Un homme, accompagné de sa femme, bébé de un an dans les bras, et de sa petite fille, cherche une voiture avec boule à l’arrière. Car sa caravane, déglinguée, avec toutes les affaires de la famille à l’intérieur, est stationnée le long du trottoir, et il doit trouver une solution pour partir. Il est le dernier encore là, à 11 heures et demi.

Expulsion prévue

Les bulldozers nettoient la zone, avec ses déchets de vie, matelas éventrés, chaises cassés, et jouets. «Quand les gens entendent parler d'une expulsion de Roms, ils imaginent des méchants, des gros moustachus. En fait, la moitié sont des enfants», témoigne un associatif. Bientôt, la friche va être à nouveau occupée : la base-vie du chantier d'un grand centre commercial, Lillenium, doit s'y installer.

L’expulsion s’est passée en douceur : on a filé, sans demander son reste. Il faut dire qu'elle était prévue. Martine Aubry, présidente de la communauté urbaine de Lille, propriétaire du terrain, en parlait depuis un an déjà. Insalubrité, main mise de réseaux à tonalité maffieuse, les arguments ne manquaient pas, les associations le reconnaissent. Bruno Mattéi, du collectif solidarité Roms et gens du voyage, raconte avoir vu deux hommes, dans un autre campement, racketter les familles : si elles n’acceptaient pas de payer, elles devaient partir. D’autres bénévoles évoquent des cas de prostitution.

Impasse

Mais les associations s'inquiètent du respect de la circulaire du 26 août 2012, qui oblige l'Etat à proposer des solutions de relogement aux personnes expulsées. «A proposer, pas à trouver», ironise un bénévole. «Les pouvoirs publics font semblant d'anticiper et d'accompagner les gens», rebondit Bruno Mattéi. Une réunion en juillet a servi à annoncer l'expulsion au collectif, et la ville a organisé un diagnostic social, avec la distribution d'un questionnaire. D'après la préfecture, 98 familles ont répondu, et «une dizaine devraient être en mesure de rejoindre un des logements identifiés en dehors de l'agglomération lilloise», précise-t-elle.

La marge de manœuvre est limitée : les hébergements d'urgence sont saturés, et trouver un autre terrain, viabilisé avec des douches et des poubelles, se heurte à l'hostilité des maires concernés, surtout à six mois des municipales. Bref, les Roms se retrouvent sans solution. «J'étais à Croix [une autre ville de l'agglomération lilloise, ndlr], où un autre camp a ouvert, et on a vu débarquer les caravanes expulsées ce matin de la rue de Carvin», témoigne Bruno Mattéi. Une impasse, donc, alors qu'il y a urgence de mettre en place un vrai suivi social, selon les associations, car «il empêche le développement de la mafia».

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