Un ex-administrateur belge du FMI coupable de blanchiment?
Jacques de Groote, ancien administrateur du Fonds monétaire international (FMI), répond de blanchiment devant le tribunal pénal fédéral de Bellinzone (Suisse). Les sommes saisies dépassent les 500 millions d'euros. Le Belge conteste être impliqué dans ce dossier.
- Publié le 13-05-2013 à 18h59
Cinq Tchèques et le Belge Jacques de Groote, ancien administrateur du Fonds monétaire international (FMI), répondent dès lundi de blanchiment et d'autres infractions devant le tribunal pénal fédéral de Bellinzone (Tessin). Tous sont suspectés d'avoir orchestré de 1997 à 2003 le détournement des actifs d'une société minière tchèque. Dans un communiqué transmis à l'agence Belga, Jacques de Groote "tient à affirmer de la façon la plus formelle qu'il est totalement étranger aux transactions incriminées, ce que confirment les autres accusés".
Le ministère public, qui a lancé la procédure en 2005, a fait saisir des montants colossaux dont le total atteint près de 660 millions de francs suisses (quelque 531 millions d'euros). Parvenus à contrôler 97% des actions de la société tchèque MUS après sa privatisation, les prévenus sont accusés d'avoir procédé à une réduction du capital pour rembourser des fonds précédemment détournés.
Long de plus de 300 pages, graphiques à l'appui, l'acte d'accusation dresse une liste d'innombrables transactions financières opaques. Certaines passaient par Fribourg, où l'un des accusés avait ses bureaux. "Ces transactions ont eu lieu avant que la mine ait pris l'initiative de m'approcher", assure l'ancien administrateur du FMI.
Selon le ministère public, les prévenus ont fait du blanchiment leur principale activité professionnelle pendant des années. Administrateur du FMI de 1973 à 1994, Jacques de Groote ne ferait pas exception et aurait aussi tiré des revenus réguliers de l'argent blanchi.
"Estimant que mon cas est différent puisqu'il n'est pas couvert par les chefs d'accusation, le Ministère Public suisse m'a d'ailleurs proposé de disjoindre mon cas dans une procédure simplifiée à condition que j'admette que j'aurais dû m'informer davantage. J'ai refusé cette proposition estimant que je n'avais aucune raison de plaider coupable, ni hier ni aujourd'hui", explique encore Jacques de Groote dans son communiqué.
Le procès occupera plusieurs semaines la cour des affaires pénales de Bellinzone. Dans un premier temps, il devrait durer jusqu'au 24 mai prochain, puis reprendre mi-juin et se terminer le 12 juillet. Le jugement sera rendu ultérieurement. La République tchèque n'est pas partie plaignante dans cette affaire. La procédure pourrait déboucher sur le paiement de lourdes indemnités en cas d'acquittement.
Jacques de Groote déjà cité dans une affaire d'influence aux Etats-Unis
L'ancien administrateur de la Belgique au FMI et à la Banque mondiale Jacques de Groote, dont le procès pour blanchiment a débuté lundi en Suisse, a déjà été cité dans une affaire d'influence aux Etats-Unis. D'après des jugements civils rendus entre 2004 et 2006, envoyés à l'agence Belga par le Comité pour l'annulation de la dette du Tiers Monde (CADTM), M. de Groote a aidé un associé à remporter un contrat pour la construction d'un oléoduc en Inde en échange de paiements substantiels. M. de Groote a représenté la Belgique au FMI et à la Banque mondiale pendant plus de 20 ans (1973-1994). Au cours de cette période, il "a joué un rôle important en faveur des privatisations", notamment en Tchécoslovaquie, selon Eric Toussaint, le président du CADTM. A la fin de son mandat, "il a profité du rôle joué préalablement pour la gestion directe de ses affaires".
Le procès relatif aux malversations liées à la privatisation de la société minière tchèque MUS, qui s'est ouvert lundi, s'inscrit dans ce contexte, ajoute M. Toussaint. Les jugements rendus entre 2004 et 2006 par la District Court of Columbia dans un dossier civil semble accréditer cette version. L'affaire oppose M. de Groote à la société de conseil Alain Aboudaram au sujet d'une dette non remboursée par l'ancien administrateur belge. Bien que celui-ci soit finalement sorti vainqueur du litige, le texte du jugement établit clairement qu'il a monnayé son influence.
"de Groote a introduit Aboudaram à divers contacts professionnels dans le monde du développement et à la communauté financière internationale. Selon Aboudaram, lui et de Groote avaient un arrangement informel en vertu duquel, en échange d'introductions et d'informations sur des opportunités professionnelles, Aboudaram aiderait périodiquement de Groote à rencontrer ses obligations financières personnelles", indique le texte.
M. de Groote a notamment aidé, en faveur de la société de conseil Alain Aboudaram, une société tchèque à alléger sa facture fiscale et à obtenir un contrat pour un oléoduc en Inde via la Banque mondiale. "Sans doute grâce à ses contacts, de Groote a obtenu une copie du l'étude de la Banque mondiale sur la question, a exploré le statut du projet, a déterminé combien d'argent avait été alloué, a identifié les concurrents potentiels de (la société tchèque) SkodaExport et a introduit M. Aboudaram auprès de l'officiel de la Banque mondiale en charge du projet", selon le jugement.
Les montants versés à M. de Groote sont importants. M. de Groote a fait valoir au procès avoir droit à presque 3 millions de dollars pour ses services. Il aurait reçu au moins un million de dollars. Bien que la Banque Mondiale ait fait de la lutte contre la corruption l'une de ses priorités pendant les années 2000, elle ne s'est pas saisie du dossier, note Eric Toussaint.
Pour le président du CADTM, l'affaire est reliée au dossier MUS dont le procès s'est ouvert lundi devant le tribunal pénal fédéral de Bellinzone (Tessin). Cinq Tchèques et M. de Groote y répondent dès lundi de blanchiment et d'autres infractions. Tous sont suspectés d'avoir orchestré de 1997 à 2003 le détournement des actifs de la société minière tchèque. Le ministère public, qui a lancé la procédure en 2005, a fait saisir des montants colossaux dont le total atteint près de 660 millions de francs suisses (quelque 531 millions d'euros).
Dans un communiqué transmis à l'agence Belga, Jacques de Groote a tenu "à affirmer de la façon la plus formelle qu'il est totalement étranger aux transactions incriminées, ce que confirment les autres accusés". Du côté du CADTM, l'enrichissement personnel n'est pas le seul grief adressé à M. de Groote. Le Comité lui reproche aussi d'avoir manoeuvré au FMI jusqu'aux années 1990 pour maintenir les flux de financement en faveur du régime de Mobutu.