Ayrault suspend l'application de l'écotaxe

Ayrault suspend l'application de l'écotaxe

    Le gouvernement va-t-il réussir à calmer la colère des Bretons et, dans le même temps, s'extraire d'une énième crise qui fragilise un peu plus François Hollande et sa majorité ? A l'issue d'une réunion sur le dossier épineux de l'écotaxe avec les élus bretons et les ministres concernés, Jean-Marc Ayrault a annoncé ce mardi la suspension de cet impôt, sur fond de grogne fiscale généralisée.

    Cette taxe, qui cristallise une bonne part de la colère bretonne, est une mesure du Grenelle de l'environnement mise en place à l'initiative de Nicolas Sarkozy en 2009. Prévue pour entrer en vigueur en janvier 2014, elle doit être payée par tous les poids lourds français ou étrangers de plus de 3,5 tonnes, roulant sur certaines routes (hors autoroutes payantes). Censée rapporter plus d'un milliard d'euros par an, elle vise à inciter les entreprises à utiliser, pour le transport de marchandises, des modes moins polluants.

    La réunion avait débuté vers 10h20 ce matin en présence d'élus de gauche et du centre, ainsi que des ministres de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, de l'Agroalimentaire, Guillaume Garot, des Transports, Frédéric Cuvillier, du Budget, Bernard Cazeneuve, des Relations avec le Parlement, Alain Vidalies, et des ministres bretons Marylise Lebranchu et Jean-Yves Le Drian. Les élus UMP ont boycotté la réunion.

    «On attend un moratoire» avait déclaré à son arrivée le sénateur PS des Côtes-d'Armor, Ronan Kerdraon. Thierry Benoit, député UDI d'Ille-et-Vilaine, vient demander «une suspension immédiate» de cette taxe. Avec cette réunion, «il s'agit de calmer les esprits, de temporiser», avait expliqué Joël Labbé, sénateur EELV du Morbihan. Jean-Jacques Urvoas, député PS du Finistère, avait dit espérer, sur BFM TV, « que le premier ministre fera le geste d'apaisement qu'il est nécessaire pour pouvoir discuter des problèmes de la Bretagne dans le calme. Le gouvernement doit prononcer l'ajournement de l'écotaxe».

    Copé : «L'héritage à bon dos»

    A droite, l'écotaxe constituait un nouveau cheval de bataille contre un gouvernement et un chef de l'Etat très affaiblis dans les sondages et dont la politique fiscale est contestée par une majorité de Français. « Il y a urgence absolue à décider son report», a déclaré ce mardi matin sur RTL Jean-François Copé, président de l'UMP. «Le problème, c'est que cette écotaxe, c'est la goutte qui fait déborder le vase. Il faut un pacte fiscal avec les Français, a-t-il ajouté. Nous voyons ici tout ce qu'il ne faut pas faire. Nous nous engageons a deux choses : la stabilité fiscale et la baisse des dépenses inutiles.» Quand on lui fait remarquer que l'écotaxe est une idée de l'ancienne majorité, il rétorque : «On me dit la droite elle a voté l'écotaxe. Elle n'était pas en application, c'était un autre contexte.» Et d'ajouter : «L'héritage a bon dos.»

    VIDEO. Jean-François Copé sur RTL

    Bayrou : la droite et la gauche sont «coresponsables»

    En pleine préparation de son mariage avec l'UDI de Jean-Louis Borloo, François Bayrou, patron du Modem, renvoie dos à dos la gauche et la droite. Selon lui, l'écotaxe «a été inventée, mise en place et votée sous le gouvernement précédent. Qu'on puisse dire On y est pour rien c'est de votre responsabilité, c'est une idée qui ne résiste pas une seconde à la réflexion», a-t-il déclaré sur iTélé. Si on avait un peu d'esprit de modération, on dirait que les deux majorités sont coresponsables de cette taxe.»

    Le Pen : «une mauvaise taxe»

    Marine Le Pen, elle, est catégorique. «L'écotaxe est une mauvaise taxe dans sa conception et ses conséquences,qui intervient au moment où les Français n'en peuvent plus et où les entreprises sont en très grande difficulté, particulièrement celles de l'agro-alimentaire qui vivent un dumping social très féroce», a-t-elle déclaré sur France Inter. Elle a souligné que cette taxe avait été construite «par l'UMP.»

    La mise en garde des Verts

    Après les récentes reculades sur la taxation de l'excédent brut d'exploitation (EBE) ou sur les Plans épargne logement (PEL) et Plans d'épargne en actions (PEA), l'exécutif renonce à une mesure attendue par son partenaire écologiste. «Si ce gouvernement cède (sur l'écotaxe), il ne faudra pas qu'il s'étonne qu'il n'y ait plus d'autorité sur rien», avait ainsi mis en garde le chef de file des sénateurs écologistes, Jean-Vincent Placé. Selon lui, l'écotaxe «va coûter 42 millions d'euros à la Bretagne mais va lui en rapporter 135» en matière de «transport routier, qualité des routes...». La région, qui avait massivement voté pour François Hollande en 2012, bénéficie déjà d'exonérations (filière lait).