Publicité

Mariage gay : les anti réinventent la contestation

Les «veilleurs debout» se sont à nouveau rassemblés, lundi, devant le Palais de justice, place Vendôme, à Paris. Sébastien SORIANO/Le Figaro

« Veilleurs debout », « Tour de France pour tous », grande marche… Revue de détails.

Ils ne scandent aucun slogan, ne déploient aucune banderole, n'arborent aucun signe de ralliement. Ils n'ont l'air de rien comme cela, impassibles, les mains dans les poches, une cigarette aux lèvres ou un livre sous le bras. Mais contre la loi Taubira, contre la «justice à deux vitesses» qui a envoyé l'un des leurs en prison, ils sont vent debout. Depuis une semaine, des dizaines d'opposants au mariage gay se relaient place Vendôme ou devant le Palais de justice de Paris. Ils ne manifestent pas ; ils «veillent» tout simplement. Debout.

C'est place Taksim, à Istanbul, où un jeune chorégraphe a inventé il y a quelques jours cette forme de contestation, que le premier «veilleur debout» a puisé son inspiration. Il a vite été rejoint par de nombreux anonymes. «Chacun reste le temps qu'il veut, explique Éléonore, libraire à Boulogne, immobile sur la place Vendôme. Cela peut être dix minutes avant d'aller travailler, une demi-heure, comme ces cadres en costume cravate qui mangent leur sandwich parmi nous, deux heures, comme un retraité de 70 ans, hier après-midi, ou toute la nuit, comme plusieurs mères de famille.» Le record étant détenu par le jeune Arthur, qui aurait veillé trente-quatre heures d'affilée…

«C'est une force irrépressible, affirme Jean, médecin. On ne s'exprime même pas, on existe, c'est tout. Qui peut empêcher quelqu'un de se tenir debout, de se dresser devant l'injustice?» Pour les autorités, voilà qui est très irritant: impossible de disperser ce qui n'est pas un «attroupement non autorisé», puisque les veilleurs restent toujours espacés de plusieurs mètres! «J'avoue que ça a de la gueule!», sourit un policier.

«Du militantisme alternatif»

Intrigués, de nombreux passants s'arrêtent. «Pour éviter les fourmis, il faut bouger les pieds!», recommandent deux vieilles dames compatissantes. «En première ligne, on met les bilingues, pour répondre aux touristes», raconte Olivia, 15 ans, qui profite de ses veilles pour lire Le Discours de la méthode. Au pied d'un réverbère, des sympathisants ont déposé des sacs remplis de victuailles: des madeleines, de la tapenade, des bouteilles d'eau… et même des petites plantes, offertes par un fleuriste. «Hier à l'aube, des éboueurs nous ont apporté une boîte de chocolats!», s'émeut Jean. Une moto passe en klaxonnant au rythme du fameux slogan «Hollande! Ta loi, on n'en veut pas!» Jusqu'à quand comptent-ils «veiller debout»? «Au moins jusqu'à la libération de Nicolas, répond Pierre, lycéen. Mais après, si ça se trouve, ils mettront quelqu'un d'autre en prison!» En province, les «veilleurs debout» se multiplient: ils sont déjà apparus à Lyon, Caen ou Strasbourg…

«Ils sont dans le même esprit que nous», commente Madeleine, l'une des organisatrices des «veilleurs» de Paris, qui, eux, se retrouvent tous les mercredis soir et qui ont essaimé dans plus de 150 villes. Cet été, les «veilleurs debout» rejoindront sans doute la «grande marche» qui rassemblera, du 10 au 31 août, les «veilleurs» de toute la France, «en vue d'un réveil national des consciences». «Nous longerons la côte atlantique, avec chaque soir des veillées dans un lieu différent, précise Madeleine. Histoire de clamer, après Émile Zola, que “la vérité est en marche et rien ne l'arrêtera”.»

Les plus sportifs, eux, ont choisi le Tour de France pour s'exprimer. Pour «profiter de la visibilité maximale qu'offre le Tour», les opposants au mariage gay ont mis en place le «Tour de France pour tous». De «On ne triche pas en roulant, on ne triche pas avec les enfants», à «French democracy in danger», pancartes, drapeaux et slogans chocs «alerteront l'opinion internationale» - le Tour est retransmis par 80 chaînes de télévision dans le monde - sur «l'atteinte aux droits de l'enfant» que constitue selon eux la loi Taubira, ainsi que sur la répression du pouvoir.

«C'est l'occasion d'aller à la rencontre des Français qui sont au bord de la route - l'an dernier, ils étaient onze millions -, explique Éric, chargé de la communication. Il y aura des drapeaux de la Manif pour tous au passage des coureurs, des animations dans les champs, mais le mot d'ordre est de ne perturber en aucun cas ni la course ni les remises de maillots.» Après «de nombreuses surprises dès mardi, quand le Tour aura rejoint le continent», «une action d'une plus grande envergure» se prépare pour la dernière étape, sur les Champs-Élysées.

Des «veilleurs» et des «mères veilleuses», indique Éric, viendront aussi «s'intégrer au Tour pour tous». «C'est du militantisme alternatif, souligne-t-il. Cette initiative permet aussi de calmer nos jeunes, très remontés par l'arrestation de Nicolas, et qui trouvent qu'ils ne sont pas entendus par le pouvoir.» Enfin, pas sûr que les militants se calmeront, quand ils apprendront que deux jeunes, interpellés dimanche en train d'écrire sur les routes, sont convoqués au commissariat de Bastia pour «dégradations»…

Mariage gay : les anti réinventent la contestation

S'ABONNER
Partager

Partager via :

Plus d'options

S'abonner
398 commentaires
  • manilain

    le

    Si j'ai l'occasion j'irai veiller avec eux
    car je suis de tout coeur pour cette opposition pacifique.

À lire aussi