Pourquoi le procès des prothèses PIP pourrait faire pschitt

Le gigantesque procès du scandale des prothèses mammaires frelatées s’ouvre enfin ce mercredi, à Marseille. Mais il pourrait ne pas déboucher sur les indemnisations espérées par les plaignantes. Ni suffire à prévenir de nouvelles fraudes d’industriels peu scrupuleux.

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Pourquoi le procès des prothèses PIP pourrait faire pschitt

Plus de 5 000 plaignantes représentées par 300 avocats, des frais d’organisation estimés par certains à près d’un million d’euros (réglés par le ministère de la Justice)… Le procès qui s’ouvre ce mercredi au Palais des Congrès de Marseille s’annonce hors normes.

Sur le banc des accusés : Jean-Claude Mas, fondateur de la société varoise Poly Implant Prothèse (PIP), liquidée en mars 2010, et quatre anciens cadres, jugés pour "tromperie aggravée" et "escroquerie" en correctionnelle jusqu’au 17 mai.

Un rendez-vous attendu de longue date par les porteuses de prothèses mammaires PIP, dont le gel aurait été frelaté. En France, 30 000 femmes étaient porteuses de ces implants lors de la découverte du scandale en 2010, et la moitié depuis ont décidé d’être explantées. Elles espèrent donc obtenir une indemnisation pour le préjudice subi. Mais risquent de ne rien obtenir, craint l’avocat Luc Castagnet, qui représente des patientes implantées dans le cadre d’une chirurgie reconstructrice suite à un cancer, ainsi que le syndicat des chirurgiens plastiques.

Car l’avocat de Jean-Claude Mas va tout faire pour obtenir le renvoi du procès. Et surtout, les qualifications pénales retenues ne permettront sans doute pas de statuer sur les dommages et intérêts, croit savoir Luc Castagnet. "Le grief de 'tromperie' couvre un aspect juridique, mais ne prouve pas que les prothèses frelatées pouvaient être nocives pour la santé des patientes".

L’impact des prothèses PIP sur la santé des patientes difficile à démontrer

En effet, l’Institut national du cancer et les experts de la Commission Européenne n’ont conclu à aucun lien entre des lésions tumorales et les prothèses PIP. Le procès pourrait donc déboucher sur une condamnation de Jean-Claude Mas - et éventuellement des autres cadres - à deux ans de prison pour tromperie aggravée (peine qu’il a déjà en grande partie accomplie) et 37 500 euros d’amende, voire cinq ans pour escroquerie. Mais le tribunal pourrait renvoyer l’indemnisation des plaignantes à un autre procès. En raison de l'insolvabilité des prévenus de Marseille, elles seraient alors contraintes de se tourner vers des fonds publics d'indemnisation, plafonnés.

Car elles ne pourront pas non plus se retourner contre TÜV Rheinland, l’organisme allemand qui a certifié les prothèses : il s’est porté partie civile dans le cadre de ce procès, tout comme l’agence sanitaire (ANSM), tous deux estimant avoir été trompés par PIP lors de leurs contrôles et avoir été victimes d’une gigantesque escroquerie.

"L’objet de ce procès sera donc de permettre aux victimes de voir comment un chef d’entreprise, confronté à des difficultés économiques, a pu trafiquer des dispositifs médicaux, affirme Luc Castagnet. Car en Europe, il n’y a quasiment pas de contrôle. On peut mentir allègrement à l’organisme certificateur."

Une réglementation toujours très souple des dispositifs médicaux

TÜV, pour sa part, attend de ce procès que "les responsables de cette escroquerie soient jugés et condamnés et qu’une telle fraude ne puisse plus se reproduire à l’avenir, explique Olivier Gutkès, l’avocat au pénal de l’organisme allemand. TÜV a subi un gigantesque préjudice d’image qui pourrait se chiffrer en millions d’euros, mais demande seulement un euro de dommages et intérêts, afin de laisser la priorité de l’indemnisation aux patientes."

Mais comment espérer qu’un tel scandale sanitaire ne se reproduise à l’avenir, alors que la très souple réglementation européenne encadrant ces produits – le marquage CE - n’a été que révisée à la marge, suite à cette affaire ? "C’est la pédagogie du procès pénal : si les cadres de l’entreprise prennent conscience qu’en participant volontairement à une fraude et à une dissimulation vis-à-vis d’un organisme certificateur, ils peuvent être jugés et condamnés en correctionnel, cela peut avoir un effet dissuasif", espère Olivier Gutkès. Beaucoup en doutent encore.

A moins que cela n’incite l’Union Européenne à se pencher à nouveau sur la réglementation, malgré le poids des lobbyings industriels ?

Gaëlle Fleitour

D’autres procès à venir dans l’affaire PIP
Outre le procès en cours, deux autres procédures pénales sont à l'instruction à Marseille dans l'affaire des prothèses PIP. Une information judiciaire contre X pour "blessures et homicides involontaires" a été ouverte en décembre 2011, après le décès d'une femme atteinte d'un cancer en 2010 dans le Gers. Une autre a été ouverte en mai 2012 pour banqueroute frauduleuse et blanchiment, visant à retracer les flux financiers générés par la fraude présumée et vérifier le patrimoine des dirigeants de l'usine avant et après le dépôt de bilan. C’est dans ce cadre que Jean-Claude Mas et son numéro deux avaient été mis en examen en juillet 2012.
PIP ayant été liquidée, six distributeurs étrangers et plus de 1 600 porteuses de prothèses, essentiellement sud-américaines, ont assigné l’organisme TÜV devant le tribunal de commerce de Toulon le 22 mars, lui réclament plus de 50 millions d'euros. La décision est attendue le 7 octobre.

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