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Après les incidents aux Invalides, le procès en famille d'opposants au mariage pour tous

Mercredi, trois jours après les violences qui ont émaillé la Manif pour tous du 26 mai, treize personnes interpellées étaient jugées en comparution immédiate.

Par  et

Publié le 30 mai 2013 à 11h18, modifié le 31 mai 2013 à 15h05

Temps de Lecture 4 min.

Sur la vidéo diffusée à l'audience, une foule de manifestants encagoulés pilonnent les CRS de bouteilles de verre. Deux commissaires présents commentent et expliquent le déroulement des violences qui ont émaillé la fin de la "manif pour tous", dimanche 26 mai, à Paris, et ont conduit à 174 interpellations. Trois jours après les faits, mercredi 29 mai, treize d'entre eux étaient jugés en comparution immédiate. Des peines de quatre mois de prison avec sursis et de 30 jours-amende ont été prononcées, ainsi que des relaxes.

Ils sont arrivés la mine défaite, l'air anxieux et, pour beaucoup, les yeux rougis. Dans le public, des jeunes femmes bien mises ont pris place sur les bancs. Les parents de plusieurs prévenus sont dans la salle. Comme la manifestation, le procès se vit en famille. Car les "casseurs" jugés ce jour-là ne sont pas des petits délinquants connus des services de police, mais, pour beaucoup, des étudiants des beaux quartiers, venus manifester avec leurs parents conter le mariage homosexuel.

On en avait eu le spectacle surréaliste, dimanche 26 mai au soir, sur l'esplanade des Invalides. Pendant trois heures, des jeunes militants d'extrême droite avaient affronté les forces de l'ordre et s'en étaient pris violemment aux journalistes. Mais, quelques dizaines de mètres en arrière, des pères de famille, bien sous tous rapports, regardaient la scène, assis sur les pelouses, hors de portée des gaz lacrymogènes. Très rapidement, il est apparu que c'étaient leurs rejetons qui étaient à l'action. S'improvisait même une sorte de base arrière en loden. Un homme d'âge mûr distribuait ainsi du collyre aux combattants qui refluaient les yeux rougis par la fumée.

PASSAGE DE TÉMOIN ENTRE GÉNÉRATIONS

Sporadiquement, des jeunes spectateurs prenaient leur courage à deux mains et se mêlaient à leur tour aux affrontements au milieu de nervis aguerris, puis revenaient très vite, fiers de leur audace, accueillis par leur famille ou leurs amis. Des parents au téléphone ou en conversation disaient tout le mal qu'ils pensaient de la " dictature socialiste " tandis que les enfants lançaient rageusement des bouteilles et des fumigènes. On sentait dans l'ancienne garde le regret de ne pouvoir en découdre.

Puis quand les forces de l'ordre procédèrent à l'évacuation, vers onze heures, on vit plusieurs parents attendre patiemment leurs enfants dans les rues adjacentes, derrière le cordon de CRS, et pester quand certains d'entre eux étaient embarqués. Il y avait quelque chose d'un passage de témoin entre générations, ce dimanche là.

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Dans l'enceinte du tribunal, la jeune génération doit désormais s'expliquer. Pierre-Marie, longiligne étudiant barbu de 25 ans, affirme "être quelqu'un de respectable et d'honnête". Ce serait l'euphorie de l'alcool et de la fatigue, explique-t-il, qui l'aurait conduit à jeter une bouteille de bière sur les CRS. Alors que la procureur requiert 4 mois dont deux avec sursis, assorti d'un mandat de dépôt, Pierre-Marie dit regretter son geste : "Je n'ai rien contre les forces de l'ordre ".

"MOUVEMENT D'HUMEUR"

Quentin aussi a jeté une bouteille sur les policiers. Cet étudiant en science politique, qui doit passer les concours administratifs dans peu de temps, redoute l'inscription d'une condamnation à son casier. S'il est venu de Vendée, où il réside, "ce n'est pas que pour cette manifestation", ajoutant : "je n'avais pas l'intention d'en découdre". C'est sur cette ligne que son avocat, Me Jérôme Triomphe, poursuivra : "C'est un mouvement d'humeur, ce n'est pas celui d'un casseur." Puis il fustige la répression inouïe qui selon lui s'abat sur les manifestants depuis plusieurs mois. "Ces gens ont l'impression d'être réprimés parce qu'ils manifestent leur opinion", accuse-t-il.

La présidente le recadre, le priant de ne pas confondre le tribunal avec une tribune politique. Mais Jérôme Triomphe n'a de cesse de brocarder cette "dictature policière qui procède à des arrestations arbitraires". Pendant une suspension d'audience, il déclare vouloir porter plainte dans les prochains jours, avec un collectif d'environ 25 avocats, contre les "arrestations arbitraires" qui ont lieu depuis le début des manifestations.

Jennifer, jeune étudiante de 19 ans, fait une capacité en droit à l'université d'Assas. Elle se tortille d'inquiétude dans sa marinière, dit regretter son geste, qu'elle a agi par mimétisme. Elle manifeste contre le mariage gay depuis plusieurs mois, et si elle a continué à scander des slogans si tard dans la soirée, c'est qu'elle "n'a pas eu l'impression d'avoir été entendue dans la journée ". Elle sera relaxée pour vice de procédure.

Le frêle Guillaume, lycéen versaillais de 18 ans au visage anguleux, affiche un air plus défiant. Il nie tout en bloc : il n'aurait pas frappé un policier qui interpellait un manifestant. Comme les autres, son profil ne colle pas avec les nervis de l'extrême droite les plus violents, comme ceux qui ont tabassé un photographe de l'AFP. Il n'est qu'un jeune et sage militant incompris venu s'offrir un peu d'adrénaline. De l'adrénaline également pour son père, ce moustachu visiblement angoissé venu soutenir son fils – qui sera finalement relaxé.

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