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L’ONIAM et les parties civiles : bataille d’experts en perspective…

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Entre les experts de l’ONIAM (Office national des indemnisations des accidents médicaux) et ceux désignés par les parties défendant les victimes du Mediator des laboratoires Servier, une bataille va s’engager où les méthodes des uns vont s’opposer à celles des autres.

En lisant un article publié dans les colonnes du Cercle Les Échos à propos de la lenteur du travail de l’ONIAM dans l’affaire du Mediator de Servier (), en écoutant les commentaires diffusés le vendredi 12 avril suite à la médiatisation des conclusions du rapport d’experts diligenté par le parquet de Paris, en consultant les différents avis exprimés dans les médias en ligne ou non, il convient de prendre du recul et de se demander, si, en France, nous n’assistons pas à une bataille sans fin entre les différents corps d’experts, et, si la question, in fine, n’est pas celle de la légitimité. Sujet au cœur des préoccupations de notre démocratie actuelle où tout est dit au premier degré, où les invectives succèdent aux jugements de première main, où l’urgence devient un précepte de gouvernance et où le citoyen n’a le choix qu’entre le "j’ai raison, vous avez tort".

Nul doute que les crises sanitaires à répétition depuis quelques années ne conduisent qu’à des batailles d’experts ou des batailles juridiques. Entre le principe de précaution, les responsabilités industrielles et économiques des laboratoires, les prises de décision ou non des responsables politiques en charge de la santé, il est difficile de trouver une issue claire pour les citoyens. Les crises sanitaires engendrent systématiquement des réactions émotionnelles fortes et compréhensibles. "Je prends un médicament qui doit me soigner. Comment accepter des effets indésirables ?", même si tous les effets secondaires sont largement détaillés dans des notices, hélas souvent illisibles, pour le commun des mortels. Émotion donc, raison par ailleurs.

Dans l’affaire Mediator commercialisée par les laboratoires Servier, il apparaît assez clair que le procès qui doit s’ouvrir en mai sera le théâtre d’une farouche lutte d’experts. En effet, comment comprendre des chiffres aussi différents que ceux annoncés le 12 mai dernier et ceux des dossiers traités par l’ONIAM ? D’un côté des probabilités (1 300 à 2 000 morts sur 40 ans), de l’autre plus de 7 000 dossiers dont à peine 80 ont été retenus par l’ONIAM validant le rapport de cause à effet entre la prise du Mediator et des valvulopathies. Ou encore le bruit fait autour du docteur Frachon et le silence réfléchi des cardiologues.

Face à cette distorsion d’appréciation, les experts de l’ONIAM sont depuis plusieurs mois dans le collimateur des commentateurs et des avocats des victimes. Cependant, les informations sont ouvertes à tous et comment mettre en doute des médecins scientifiques qui prennent le temps d’analyser tous les dossiers ? Pêle-mêle, chacun peut lire leur incompétence, leur manque de formation, les conflits d’intérêts qui les lieraient aux laboratoires Servier, voire le trucage de dossiers analysés sur de simples photocopies. Il suffit pourtant de regarder les déclarations publiques d’intérêt pour s’assurer que tous les experts désignés sont blancs de tous soupçons. Tous sont des experts dans leur domaine et le lecteur peut aisément consulter les biographies de chacun. Leur faire procès, c’est céder à l’émotion, c’est avoir une réaction épidermique, tronquée, mais il est vrai que nos médias nous poussent à réagir de telle façon.

Les experts de l’ONIAM sont des experts reconnus, sérieux, qui demandent à faire leur travail en toute objectivité. Faudrait-il remettre en cause le cardiologue Jean-Jacques Blanc du CHU de Brest ? Faut-il douter du cancérologue Vincent Cottin des Hospices Civils de Lyon ? Doit-on suspecter le docteur Vorhauer, membre du conseil d’administration de l’ordre des médecins ? Et j’en oublie. Évidemment que non. Si ce n’est que ce simple travail de connaissance, bien peu de journalistes l’ont fait.

Il est donc aisé de comprendre le mutisme relatif de l’ONIAM et de ses experts, des gens sérieux qui conduisent une mission difficile bien loin des supposés conflits d’intérêts… Ils reprennent à leur compte la déclaration de la juge Isabelle Prévost-Desprez qui rappelait l’année dernière que la justice ne céderait pas aux injonctions médiatiques.

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