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Billet de blog 2 avril 2013

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Affaire Cahuzac : J'ai mal à ma carte de presse

"Sidération". Le mot s'est répandu dans les couloirs du Parlement, les rédactions, les salons, les permanences d'élus, les bistrots, jusque sur les bancs du Parc des Princes où le PSG affrontait ce soir le Barça... Sidération, ce mardi 2 avril 2013, le même nom féminin que les Français utilisèrent dimanche 15 mai 2011 lorsque déferla, d'Amérique, la nouvelle de l'arrestation de Dominique Strauss-Kahn.

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"Sidération". Le mot s'est répandu dans les couloirs du Parlement, les rédactions, les salons, les permanences d'élus, les bistrots, jusque sur les bancs du Parc des Princes où le PSG affrontait ce soir le Barça... Sidération, ce mardi 2 avril 2013, le même nom féminin que les Français utilisèrent dimanche 15 mai 2011 lorsque déferla, d'Amérique, la nouvelle de l'arrestation de Dominique Strauss-Kahn. Ce terme, associé à l'anéantissement subit des forces vitales, est rarement employé en politique ; il convient plus à la vision d'un tsunami, par exemple. Pourtant, il apparaît spontanément à nos bouches bées tant il est sidérant de voir un Républicain, ministre, élu du peuple, chirurgien - tout simplement un homme - mentir avec autant d'aplomb pendant quatre mois. Mentir, main sur le coeur, yeux dans les yeux, au Président, au Premier ministre, aux députés, à ses administrés, à la presse, à ses amis, à sa famille. Comment est-ce possible ? Les psychiatres sauront répondre - une histoire de déni de la réalité, sans doute, étayée par ce sentiment de surpuissance qui tant tourneboula la tête de DSK et le perdit. L'affaire Cahuzac sera disséquée par de grands spécialistes, laissons-les démêler "l'écheveau de la vie intérieure" (Mauriac) de Jérôme Cahuzac. Et puis, comme le disent quelques sages, ne tirons pas sur l'ambulance qui roule sur les essieux.

Revenons plutôt sur les journalistes, dont je suis. Nous avons été quelques poignées à soutenir Mediapart et ses reporters, surtout Fabrice Arfi en décembre 2012 ; il était alors bien seul. A croire que Mediapart ne pouvait informer (et non accuser) ses lecteurs sans preuve(s). Dès le premier article, nous avons su qu'il était impossible d'être à la fois titulaire d'une carte de presse et joueur de roulette russe voulant abattre une réputation. C'était trop gros, trop monstrueux, trop stupide surtout : Mediapart allait risquer de détruire sa cinquième année d'existence pour "un coup" basé sur des ragots, sur un enfumage digne des meilleurs communicants ? Allons ! Des dizaines d'autres confrères se sont bouché le nez, ont riposté à grand renfort d'insultes, ont rivalisé de mépris et les plus généreux ont observé "un silence assourdissant", selon la formule consacrée. Quand est tombée la "preuve" de la non-existence d'un compte en Suisse, l'Arlésienne que personne n'a tenue en main, lesdits confrères ont sonné l'hallalli dans un concert de cors triomphants. Edwy Plenel a tenu bon, sur Europe 1 notamment, sur l'air tranquille de "la caravane passe...". Entendons-nous bien : je ne suis pas une amie d'Edwy Plenel et je faisais partie des Français plutôt satisfaits de voir Cahuzac au Budget. Je croyais en son engagement et en sa volonté de refonder le système fiscal sur des bases plus saines (d'où ma sidération, depuis quatre mois). Sans Mediapart (et je me moque que ce soit un site d'informations de gauche, droite, centre, avant-centre ou latéral), jamais il n'y aurait eu "d'affaire Cahuzac" - ou peut-être un jour mais alors par hasard. Cette enquête est une belle leçon donnée à la presse, au-delà de la nausée que provoque son épilogue, ce parjure honteux, indigne d'un serviteur de l'Etat, ces mensonges d'un homme. Ce soir, je suis heureuse de n'avoir pas participé à la chasse à courre contre Mediapart, Edwy Plenel, Fabrice Arfi et tous les journalistes de cette rédaction. Mais j'ai un peu mal à ma carte de presse numéro 51634. Ce doit être parce qu'elle est vieille. 

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