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Face au FN, l'indifférence des électeurs de gauche

Reportage. Une étude inédite, réalisée par "Le Monde" et l'IFOP à Villeneuve-sur-Lot, montre l'usure du "front républicain".

Par  et

Publié le 01 juillet 2013 à 12h26, modifié le 01 juillet 2013 à 17h16

Temps de Lecture 5 min.

Dépouillement au soir du second tour de l'élection législative partielle à la mairie de Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne), dimanche 23 juin.

A peine un électeur de gauche sur quatre a suivi l'appel au "front républicain" en votant pour le candidat UMP contre le Front national, dimanche 23 juin, lors du second tour de l'élection législative partielle de Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne). Tel est le principal enseignement d'une étude inédite réalisée par Le Monde et l'IFOP à partir de l'analyse systématique des résultats de 149 bureaux de vote, représentant 37 143 votants au second tour. Selon cette estimation, qui ne constitue pas un sondage mais un calcul statistique de report des votes, 62 % des électeurs de gauche auraient préféré s'abstenir ou voter blanc, 15 % auraient voté FN et 23 % pour le candidat de l'UMP Jean-Louis Costes, élu député à la place de Jérôme Cahuzac, démissionnaire.

> Lire aussi : Villeneuve-sur-Lot : le candidat UMP l'emporte face au FN

En nous appuyant sur le droit électoral français, nous avons parcouru l'ensemble des listes d'émargement disponibles (149 sur 167) afin de comptabiliser le nombre d'électeurs ayant voté aux deux tours, seulement au premier ou seulement au second. Ajoutées aux scores de chaque candidat dans chacun de ces bureaux, ces données, transmises à l'IFOP, permettent de réduire la marge d'erreur et de procéder à une analyse statistique qui lève une partie du voile sur les comportements des votants.

  • Une arrivée importante de nouveaux électeurs au second tour
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Le collège d'électeurs s'est énormément renouvelé entre les deux tours. Un quart des personnes qui sont allées aux urnes pour le second tour n'avaient pas voté au premier (9 275 "nouveaux électeurs"). Au contraire, 14 % des électeurs du premier tour ont préféré s'abstenir (4 553 "abandonnistes"). Cette mobilisation de "nouveaux électeurs" a profité aux deux candidats, avec un léger avantage pour celui du FN, Etienne Bousquet-Cassagne, face à celui de l'UMP.

La situation est donc plus mesurée que dans l'Oise, où la partielle de mars a vu la victoire au second tour pour quelques centaines de voix du candidat de l'UMP, Jean-François Mancel, face à Florence Italiani, du FN. La candidate frontiste "avait beaucoup plus bénéficié de l'apport de nouveaux électeurs de second tour que M. Mancel", selon Jérôme Fourquet, le directeur du département opinion de l'IFOP.

> Lire aussi : Législative partielle dans l'Oise : l'UMP l'emporte de justesse face au FN

Dans le Lot-et-Garonne, la répartition équilibrée parmi les nouveaux votants implique qu'une part importante de la progression de M. Bousquet-Cassagne, qui a gagné plus de 7 000 voix d'un tour à l'autre, provient d'autres électeurs.

  • L'usure du "front républicain"

Le principal enseignement de ce scrutin réside dans le comportement des électeurs de gauche au second tour. La situation est très éloignée du 21 avril 2002, où les sympathisants de gauche avaient voté massivement en faveur de Jacques Chirac. Selon l'analyse de l'IFOP, dans le Lot-et-Garonne "la très grande majorité des électeurs de gauche – 62 % – préfère s'abstenir ou voter blanc", et ne fait donc plus barrage au FN. "Nous sommes ici en présence de la seconde manifestation de l'usure de la stratégie du front républicain", remarque-t-on à l'institut, après la partielle de l'Oise où un pourcentage similaire d'électeurs de gauche (63 %) s'étaient abstenus ou avaient voté blanc ou nul.

Ci-dessous, le report de voix, calculé par l'IFOP et la société ADN, pour chacun des candidats du premier tour vers les candidats du second tour, le vote blanc ou nul et l'abstention.

La gauche locale n'a donc pas écouté les appels nationaux au front républicain. "Je ne pouvais pas voter pour Jean-Louis Costes, explique Barbara Bellanger, la secrétaire de section PS de Villeneuve-sur-Lot. Un autre candidat de l'UMP, ça ne m'aurait pas posé de problème, je l'avais fait en 2002 pour Jacques Chirac. Mais pas pour Costes, il a été membre du MIL . C'est pareil que le FN."

Dans la section PS locale, secouée par l'affaire Cahuzac, beaucoup n'ont pas donné leurs suffrages au candidat UMP. "Le front républicain, c'est du pipeau, on n'est plus aux ordres", explique un militant souhaitant rester anonyme, qui avoue à demi-mots avoir voté pour le candidat FN, "pour donner un coup de semonce. Mais si Jérôme s'était présenté, il aurait été élu, ici tout le monde le porte au ciel". Plusieurs bulletins nuls avaient d'ailleurs été barrés du nom de Jérôme Cahuzac.

> Lire aussi : Villeneuve-sur-Lot : "Allô, c'est Jérôme Cahuzac"

  • Le report de la gauche sur le Front national

La progression du FN entre les deux tours ne peut s'expliquer que par le report d'une partie non négligeable des électeurs de gauche vers le candidat frontiste. Selon les calculs du Monde et de l'IFOP, environ 15 % d'entre eux ont donné leur vote à M. Bousquet-Cassagne, contre 23 % pour M. Costes. En volume de voix, l'écart n'est pas si flagrant puisque l'UMP attire 2 370 voix, tandis que le FN en grappille 1 560, entre les deux tours.

Les chiffres rappellent ceux observés dans l'Oise, lors de la dernière législative partielle où le report de la gauche vers le FN était estimé à 14 %, ce qui, selon M. Fourquet, "semble indiquer que nous soyons en présence – mais il faudra le confirmer ultérieurement – d'une tendance assez lourde".

  • La victoire de l'ancrage local

Pour faire la différence avec le candidat du Front national, M. Costes a pu compter sur une forte mobilisation dans la ville de Fumel, dont il est maire, et dans le canton où il est conseiller général. "Sur son seul canton de Fumel, M. Costes a en effet engrangé 1 650 voix d'avance sur son rival. Son canton, qui ne pèse que 11 % de la circonscription, lui a fourni 65 % de son avance", analyse M. Fourquet.

Le candidat UMP a su mobiliser les électeurs tentés par l'abstention dans son fief, où le taux d'"abandonnistes" entre les deux tours est moins élevé qu'ailleurs – 8 %, contre 14 % en moyenne sur la circonscription. Face aux nouvelles dynamiques du FN, l'ultime opposition ne vient donc pas du "front républicain" mais d'abord de la résistance d'un notable local qui a ainsi capitalisé au maximum sur son ancrage territorial.

Lire La méthode du « Monde » pour préciser l'analyse du vote à Villeneuve-sur-Lot

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