Chevaline : la piste roumaine

Les enquêteurs s'intéressent à d'intrigants appels téléphoniques émis et reçus par la famille Al-Hilli peu avant le massacre en Haute-Savoie. Point commun: la Roumanie.

 Chevaline : la piste roumaine

    L'enquête sur la tuerie de Chevaline a pris, selon nos informations, un tournant inédit depuis quelques semaines vers la Roumanie. Les enquêteurs français et britanniques ont épluché les relevés téléphoniques de la ligne privée de la famille Al-Hilli, qui résidait à Claygate (Royaume-Uni). Et ils ont découvert que de nombreux appels ont été émis vers la Roumanie depuis le téléphone fixe des Al-Hilli, mais également reçus à leur domicile en provenance de ce même pays. Elément troublant, cinq numéros reviennent de façon récurrente, puis cessent brutalement d'apparaître sur les relevés.

    Un héritage important très convoité

    L'ensemble des appels remontant à trois semaines avant le séjour de la famille sur les bords du lac d'Annecy. Des vacances qui se sont terminées par un massacre. Partie en promenade, la famille Al-Hilli a été exécutée par balles le 5 septembre 2012 au milieu de l'après-midi sur le parking du Martinet, lieu très fréquenté de départ de randonnées au-dessus du bourg de Chevaline : Saad al-Hilli, 50 ans, ingénieur anglais d'origine irakienne, son épouse Iqbal, 47 ans, dentiste, et sa belle-mère Suhaila al-Saffar, 74 ans, Irakienne disposant d'un passeport suédois. C'est là aussi que Sylvain Mollier, 45 ans, cycliste de passage dans la forêt de la Combe-d'Ire, a été abattu en même temps que la famille irako-anglaise. Preuve que cette piste roumaine suscite l'intérêt des enquêteurs, les deux juges d'instruction ont délivré une commission rogatoire internationale dès 16 janvier dernier. « Il convient d'identifier les numéros suivant émis ou reçus sur la ligne filaire +44 13 72â?¦ » écrivent les magistrats dans leur demande qui ciblent les fameux numéros roumains, toujours en cours d'identification. L'exploitation téléphonique a aussi mis en évidence qu'un autre membre de la famille a été en contact avec la Roumanie. Il s'agit de Fadwa al-Saffar, la belle-sÅ?ur de Saad. Les relevés du téléphone fixe de son domicile, à Reading (Grande-Bretagne), ont révélé des appels entrants et sortants avec le pays de l'Est. Et certains numéros seraient communs avec ceux répertoriés chez les Al-Hilli.

    Fadwa al-Saffar est la tante maternelle des deux filles du couple Al-Hilli, Zainab et Zeena, uniques rescapées de la tuerie. Des enfants actuellement placées en famille d'accueil en attendant la fin de l'affaire et leur majorité. Deux fillettes qui sont aussi les héritières de leurs parents. Un héritage très convoité et que disputait notamment Ziad à son frère Saad. Dans le patrimoine, il y a la demeure de Claygate estimée à 1 Mâ?¬, un compte bancaire appartenant au père de Saad et Ziad, Khadim al-Hilli, décédé en août 2011, saisi à Genève avec 965000 â?¬. Cette histoire d'héritage pourrait en cacher une autre.

    Une famille aux liens complexes

    Selos nos informations, les membres de l'équipe commune d'enquête, qui réunit gendarmes de la section de recherches de Chambéry et police cantonale du Surrey, s'intéressent à l'autre branche de la famille, celle d'Iqbal, et notamment à l'héritage de sa mère Suhaila, dont le mari est lui aussi décédé. « Une famille du Moyen-Orient aux liens complexes et entremêlés », selon une source proche de l'affaire. La situation financière de certains membres a révélé des dettes importantes. Les enquêteurs veulent aussi comprendre s'il y avait un lien d'intérêt entre les Al-Saffar et les Al-Hilli.

    Récemment, le procureur chargé des affaires financières au tribunal de Genève, Dario Zanni, qui a gelé le compte secret de Khadim al-Hilli à la demande de la justice française, déclarait que « l'absence de dispositions testamentaires » pour gérer la situation familiale après décès pouvait engendrer « une guerre de l'héritage ». Un conflit d'autant plus acéré que Khadim, père de Saad al-Hilli, et Abdul al-Saffar, défunt mari de Suhaila, n'avaient pas préparé, ni l'un ni l'autre, leur succession.