Le français Cedexis lève 22,8 millions de dollars pour accélérer le Web

Pour son deuxième tour de table, "l’aiguilleur du Web" Cedexis lève 22,8 millions de dollars (21,1 millions d’euros) auprès d’investisseurs internationaux, dont la branche financière du géant taïwanais Foxconn et le fonds d’investissements de Nokia. Un grand coup d’accélérateur pour cette startup française méconnue, spécialiste de l’amélioration du temps de chargement des pages Web, qui rêve désormais de conquérir l’Asie.
Sylvain Rolland
Julien Coulon, le cofondateur de la startup française Cedexis.

Qu'il paraît loin, le sous-sol exigu situé à Cachan, en région parisienne, dans lequel Julien Coulon a co-créé Cedexis, il y a six ans ! Cette startup française méconnue, beaucoup moins médiatique que Blablacar, Sigfox, Deezer et consorts, poursuit pourtant avec succès et aplomb son petit bonhomme de chemin.

Mardi 26 janvier, cette pépite de la French Tech, spécialisée dans l'accélération du temps de chargement des pages Web, annonce une levée de fonds d'un montant spectaculaire, qu'on voit rarement pour une startup française. Après un premier tour de table de 7 millions d'euros en 2011, Cedexis a réalisé, en seulement trois semaines, une deuxième levée de fonds de 22,8 millions de dollars, soit 21,1 millions d'euros. Une somme coquette qui va permettre de donner un grand coup d'accélérateur, espère-t-elle, à sa conquête du monde.

Accélérer le temps de chargement des pages, un enjeu crucial pour les entreprises

Fondée en 2009 par deux amis situés chacun d'un côté de l'Atlantique (Julien Coulon en banlieue parisienne, Marty Kagan à San Francisco), Cedexis s'appuie sur deux piliers. D'abord, plusieurs innovations technologiques dans les domaines du cloud, des réseaux et du big data, concrétisées par sept brevets. Ensuite, la conviction que la performance économique d'une entreprise sur Internet est intimement liée à la qualité et à la rapidité du temps de chargement des pages.

D'où la création de plusieurs outils novateurs. Les solutions vendues par Cedexis comparent en temps réel la qualité de service des hébergeurs et des diffuseurs de contenus, puis aiguillent le trafic vers le plus performant d'entre eux. Du big data au service de la rapidité de l'expérience utilisateur, en somme:

"On exploite 7 milliards de données par jour, collectées sur 50.000 réseaux d'accès répartis dans tous les pays du monde. Cette connaissance approfondie des réseaux nous permet de contourner toutes les dégradations qui ralentissent le chargement des pages, comme la saturation ou une panne d'un hébergeur cloud. C'est un confort pour l'utilisateur, qui a tendance à renoncer facilement lorsque le temps de chargement est trop long. Et cela permet aux entreprises d'améliorer la rétention de leur audience et donc leur taux de conversion et leur chiffre d'affaires", explique Julien Coulon.

Ainsi, un site de e-commerce client de Cedexis indique que l'accélération d'une demi-seconde du temps de chargement de ses pages lui fait gagner une centaine de commandes par jour, soit l'équivalent d'un million d'euros de chiffre d'affaires par an. Ce n'est pas crucial pour cette grande compagnie, mais toujours bon à prendre...

6,6 secondes en moyenne pour charger une page sur Internet en France

Selon le principal syndicat des éditeurs en ligne, le Geste, le temps de chargement médian d'une page en France est de 6,6 secondes en décembre 2015. Ce qui classe l'Hexagone en 16e position en Europe, loin derrière la Suisse (5,1 secondes), et même l'Estonie (5,2), l'Irlande (6,0) ou la Slovaquie (6,3). "A la fin 2015, un internaute sur le sol français met toujours plus de temps à accéder aux journaux français qu'un Letton, qu'un Slovaque, qu'un Allemand, qu'un Tchèque ou qu'un Estonien", déplore l'organisation.

Si le temps d'affichage des pages est trop long, de nombreux internautes abandonnent. C'est d'autant plus vrai pour la navigation sur mobile et pour les formats vidéos. Pour les médias par exemple, la lenteur de l'affichage se traduit par des pertes d'audience, et donc de revenus publicitaires. Les sites de e-commerce, eux, peuvent rater des transactions...

Les géants du net Google et Facebook l'ont bien compris, qui se sont lancés dans de vastes chantiers pour accélérer l'ouverture des pages Web sur mobile. Aux Etats-Unis, le réseau social de Mark Zuckerberg a même adopté Cedexis pour améliorer le temps de chargement de ses publicités. Microsoft, American Express, Total, Samsung, Lenovo, LinkedIn, Nissan ou encore Accor Hotels font aussi partie des clients de la société dans le monde.

L'Asie, un énorme marché en perspective

Cette levée de fonds tombe à point nommé pour Cedexis. "Au début, on avait du mal à faire comprendre aux entreprises l'impact de la performance sur les revenus. On s'est sûrement lancés trop tôt. Mais aujourd'hui, avec la transformation digitale et l'essor du big data, le message passe plus facilement", explique Julien Coulon.

Si la France représente toujours 34% du chiffre d'affaires de la société et les Etats-Unis 22%, les deux fondateurs regardent désormais vers le reste du globe. D'où, aussi, le recours à des investisseurs internationaux, "indispensables" pour lever rapidement de grosses sommes d'argent. Mis à part BPIFrance, qui participe à l'opération sous la forme d'un Prêt Innovation de 800.000 euros, les 21,1 millions d'euros proviennent essentiellement du fonds genevois Ginko Ventures (le bras armé du taïwanais Foxconn Technology, qui fabrique les produits d'Apple), du fonds d'investisseurs de Nokia NGP et de l'éditeur de logiciels américain Citrix Systems.

Ces trois "gros" rejoignent les partenaires historiques de la société, à savoir les fonds américains Advanced Technology Ventures et Madrona Ventures, ce dernier étant connu pour sa participation dans Amazon. "On cherchait 10 millions d'euros, on se retrouve avec 21 millions, cela va nous aider à changer de dimension", espère Julien Coulon.

En plus de mettre sur pied une équipe de R&D à Paris en 2016, Cedexis va "continuer d'investir" en Europe du Nord, au Moyen-Orient et surtout en Asie, où l'entreprise réalise déjà près de 10% de son chiffre d'affaires. L'immense continent en développement se caractérise par un marché potentiel énorme et des réseaux Internet moins performants qu'en Europe et aux Etats-Unis. A ce titre, le rapprochement avec Foxconn représente une porte d'entrée importante.

"C'est comme le périphérique. Plus il y a de trafic, plus le réseau est de mauvaise qualité, plus vous avez besoin de GPS pour éviter les bouchons", résume Julien Coulon. Une logique valable à la fois pour les entreprises des pays en développement, qui ont besoin d'améliorer leurs performances, que pour celles des marchés matures, qui veulent améliorer leur taux de conversion et être mieux référencées sur les moteurs de recherche grâce à leur rapidité. Sauf séisme, le Petit Poucet français Cedexis a donc de beaux jours devant lui.

Sylvain Rolland

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Commentaires 2
à écrit le 26/01/2016 à 9:16
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une emtreprise francaise qui a de l avenir,???

à écrit le 26/01/2016 à 7:41
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La Tribune ferait bien de s'équiper de ce logiciel.

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