Semaine 12 : l’Italie et la Grèce.

Cette semaine, avec le verdoyant Eros Ramazzotti, dans le ferry qui nous trimbalait de Bari vers Igoumenitsa,

Le ferry.

Le ferry.

on a fait un bilan rapide de notre expérience italienne avant d’aller, avec délectation, s’empiler dans la cabine 4 places qu’on squattait à 6,

Comme  ça, la cabine. Et là, on n'avait pas encore déplié le lit de Bubulle.

Comme ça, la cabine. Et là, on n’avait pas encore déplié le lit de Bubulle.

mais que c’était trop bien et trop confortable parce qu’il y avait des couettes et une douche, et où on a remarquablement bien dormi (ce qui constitue déjà un sérieux progrès par rapport à ce qu’on aurait eu comme avis en voyant ladite cabine il y a quelques mois encore). Et on se disait plusieurs choses.

La première,  c’est qu’on est donc nettement plus adaptables, tous, qu’avant. Ca fait, par exemple, que notre dernière nuit sur le territoire italien, on l’a passée dans un hôpital psychiatrique sans que ça nous traumatise (oui oh, ça va hein, garde donc ton trait d’esprit que je ne vois pas du tout venir).

C'était grand. Avec des gens qui ont toujours des pantalons trop courts.

C’était grand. Avec des gens qui ont toujours des pantalons trop courts.

Il était tenu par des sœurs, et on est tombés sur une sœur qui a dit « oui on a de la place », comme ça, alors qu’on savait pas où on était.

Sr Santina. Qui a dit 'oui, on a de la place pour vous'.

Sr Santina. Qui a dit ‘oui, on a de la place’.

Et c’était dérangeant, mais dans le bon sens du terme. Ca nous a gentiment bousculés : les pensionnaires inoffensifs sont laissés en liberté complète dans la grande enceinte, et donc nécessairement,  sont venus tourner autour de la voiture, de la remorque,  du bébé. Les 3 autres enfants les regardaient avec appréhension, parce que les trognes sont étranges, les comportements inattendus, et que ça nous mettait tous en relative insécurité (tous sauf Bubulle, très à l’aise, qui distribuait son nouveau mot « Kakèè » (Grazie) à foison). Et puis ils se sont habitués, et nous aussi. Un peu. C’était une curieuse parenthèse, on a touché une autre humanité, fragile. Des pauvres. Et des sœurs qui mettaient le Christ dans tout ça. En fait, j’ai eu honte d’être dérangée par cette humanité-là. Ca devrait pas être le cas : ils sont mes frères.

La deuxième, c’est qu’on a beaucoup plus recours au Ciel pour les petites choses du quotidien. Seigneur, aide-nous à trouver l’abri que Tu nous as préparé pour ce soir, Seigneur j’y comprends rien à cette ville de merde, dis-moi par où je dois passer, Seigneur empêche cette dame de remarquer que je n’ai rien pigé à ce qu’elle vient de me dire, et que je ris comme une gourde uniquement par mimétisme, Seigneur, Merci pour ce champignon trouvé là au bord de la route, Seigneur, si mon fils – qui est aussi le tien – continue de prendre une tête de gros parpaing pour m’expliquer qu’il ne sait plus comment on construit le  plus-que-parfait qu’on a étudié en détail hier, je le pulvérise, ou je lui demande de manger la page de son livre, ou je lui hurle qu’il est un incapable débile et paresseux, qu’il finira clodo ou chez Pôle Emploi AAAAH la belle perspective d’avenir quelle joie pour tes parents qui se sont saignés aux quatre veines pour que tu grandisses et t’épanouisses et apprennes des choses, dont un voyage d’un an vers la Terre Sainte et que rien qu’à cause de ta bêtise crasse, de ta nullité, de ta flemme tu vas finir avec rien du tout et on aura honte de toi et tu seras la lie de l’humanité, une loque humaine et juste, juste, un gros blaireau parce que tu sais même pas ton plus-que-parfait, Seigneur je disais donc, fais quelque chose je T’en prie.

La  troisième, c’est qu’on est franchement moins stressés quant au déroulement de tout ça, ce qui est probablement une conséquence directe du constat précédent. Une fois que tu déposes ton fardeau devant Celui qui peut tout en lui disant en gros : « Démerde-toi, moi, j’y arrive pas », et que tu as confiance dans le fait que les choses vont trouver une solution parce qu’Il s’en occupe, oui, c’est sûr, eh ben ça marche tout de suite vachement mieux. En Italie, l’avantage, c’est qu’on est passés de sanctuaire en lieu saint,

Dernier en date, à Bari, la tombe de St Nicolas, qui nous est très cher.

Dernier en date, à Bari, la tombe de St Nicolas, qui nous est très cher.

et qu’on a aussi reçu une bonne dose d’irradiations. C’est important, parce que ça te porte. Ca donne la pêche. Sur cet aspect, l’Italie, c’est un pays incroyable.

La quatrième, c’est que le rythme est bien rodé, maintenant, depuis un bon moment. On ne se pose plus trop de questions sur comment faire quoi, on connaît les incompressibles de nos journées, les capacités des enfants à encaisser une matinée de vélo puis 2 à 3h de boulot scolaire, et quelle nourriture on a besoin d’ingurgiter pour avoir la frite. Le matin, on sait ce qu’il faut faire et dans quel ordre, et quand on monte le camp, c’est en sortant le minimum (qui est quand même beaucoup, je te rassure). Enfin, il faut bien le dire, aujourd’hui, 30km de vélo, même avec de la montée, ça passe plutôt pas mal. La moyenne est passée de 10 petits km/h à 15, pauses incluses. Les pauses, parlons-en, sont plus courtes, et ce qu’on y mange est plus rustique aussi (2 biscuits, 3 bonbons, quelques chips, en fonction de ce qu’on a à portée de la main).

La cinquième, c’est qu’on aura eu un running-gag tout au long de la traversée du pays, dont je n’ai jamais pris la peine de te parler, sans doute en raison de sa haute teneur humoristique. Il s’agit d’une série de calembours tout à fait vaseux sur le supermarché qui a le bon goût de s’appeler CONAD. Comme tu dis.

Bref, la conclusion, c’est qu’avec l’arrivée en Grèce, sur le littoral,

Arf, que c'est laid.

Arf, que c’est laid.

avec du soleil, des plages vides, la mer chaude, des paysages complètement ravissants, on a du mal à se sentir pèlerins, en fait. On se dit qu’on est rien que des gros touristes en vacances, ce que ne démentent pas les retraités Allemands qu’on croise dans le coin et qui se font des petits séjours pépère hors-saison dans des coins enchanteurs et vides.

"- Eh, Hareng, vu qu'on a pédalé 50 bornes aujourd'hui, si on se faisait un petit footing ? - OK."

« – Eh, Hareng, vu qu’on a pédalé que 50 bornes aujourd’hui, si on se faisait un petit footing ? – OK. »

La vie, qui est nettement moins chère ici (pas comme chez GO CONAD), fait qu’on a plus facilement recours aux installations qu’au camping sauvage, car le budget quotidien en est beaucoup moins affecté qu’en Italie, où on a eu tendance à s’endetter (un jour, il est possible que je te fasse une notice sur le coût d’un tel voyage, mais comme c’est chiant, je ferai peut-être ça à la fin, quand on sera rentrés). Moyennant quoi, si tu vires le rustique et le retour à Neandertal, c’est plus vraiment un pèlerinage.

Tu peux arrêter de lire ce blog. On est des charlots, des pèlerins du dimanche. Voilà.

Des gros touristes en vacances, oui, mais qui ont mal au dos.

Des gros touristes en vacances, oui, mais qui ont mal au dos.

On pensait être des héros, mais en fait, pfff, on est juste des petits bourgeois qui s’encanaillent. On s’est habitués à notre condition.

Donc, on se dit qu’il va être temps pour nous de passer à pied, ce qui va se faire dans 2 semaines : arrivés à Athènes, on lâche voiture et vélos, on passe un moment avec le Frère G. qui nous rendra sa première visite depuis le départ (et un autre avec la famille de la meilleure amie de Sardine, qui va donc jacasser jusqu’à plus soif), on transforme la carriole à vélo en poussette, on monte sa sœur jumelle qui poireaute dans le coffre de toit  de la voiture depuis le début du voyage, on reconfigure les sacs-à-dos avec encore un poil moins de trucs, on trie les indispensables de la remorque, on laisse une place pour un bidon d’eau, un peu de bouffe et surtout du lait pour le dernier, et en avant, on prend le bateau pour la Crête. On a du mal à croire qu’on va avoir fini la partie vélo de l’aller. Déjà. Punaise.

En attendant, quelque chose me dit qu’ici, malgré la barrière de la langue, les messes orthodoxes en grec de plus de 3h (on lit les petits mails quotidiens du Frère G. avec une concentration renouvelée  je peux te dire), les colonies de moustiques qui font croire que Bubulle a la rougeole

Non. Pas rougeole. Moustiques.

Non. Pas rougeole. Moustiques.

(et aussi l’absence de CONASSD), ça va être chouette. Il me plaît bien, ce pays, avec ses petites vieilles chenues tout en noir et leurs fichus sur la tête.

Comme notre hôte du 2ème jour.

Un fichu noir. Comme notre hôte du 2ème jour.

Merci Seigneur pour la Grèce.

***

Alors, maintenant qu’on est en Grèce, l’Italie, ça t’a plu ?

Sardine

Sardine

N1 : Oui beaucoup. J’étais triste d’en partir, je m’étais habituée à la langue, au relief, du coup c’était un peu dur.

Le Thon

Le Thon

N2 : Oui, beaucoup. C’était super, y a plein de choses qui m’ont plu, c’est un beau pays.

Hareng

Hareng

N3 : Oui. C’était impressionnant tout ce qu’on a vu, comme la Basilique St Pierre de Rome ou St Paul-hors-les-Murs, ou Ste Marie Majeure, toutes les basiliques, en fait.

Les bons points de l’Italie ?

N1 : La nourriture (les pâtes, le pain, les gressins, les pizzas, les glaces, tout ça), les gens super qu’on a rencontrés (il y en avait beaucoup), les plages, la richesse culturelle, la météo qui a été très clémente.

N2 : Les glaces au Nutella, à la noisette, au Kinder Bueno et tout. Les gressins, les spaghetti carbonara, bolognese, huile-fromage, y avait aussi les plages, surtout la plage de galets en marbre avec des énormes vagues. Le beau relief : les montagnes.

N3 : Les spécialités (les pâtes), les paysages.

Les mauvais ?

N1 : Le relief, les râteaux, et voilà.

N2 : Quand il a plu, quand on était à l’intérieur des terres et qu’on pouvait pas aller se baigner après les devoirs, quand on a mangé la soupe aux crevettes qui piquait, le pesto (c’est dégueulasse), et voilà.

N3 : La route pour entrer à Rome. Y avait des embouteillages, c’était pas super.

Le plus bel endroit ?

N1 : Je pense que c’était en face des montagnes de Carrare, le week-end où on était près de Pise.

N2 : Rome. Les Alpes italiennes aussi c’était trop beau, le Lac de Vico, San Giovanni Rotondo, et… ben stop, voilà.

N3 : A côté du lac avant d’arriver à Rome (ndlr : le Lac de Vico)

Le plus moche ?

N1 : Je sais pas ; Y en a pas.

N2 : Y en avait pas. Tout était beau.

N3 : Le village des vieux (ndlr : Castevettere, chez Alessio)

La langue ?

N1 : Au début, je comprenais rien, c’est un vrai charabia, mais on s’habitue vite. A la fin, j’arrivais même à parler un peu. En fait, c’est pas trop difficile.

N2 : Ca ressemblait beaucoup au français, on comprend les gens quand ils parlent pas trop vite, et parfois même on pouvait comprendre les discussions des autres gens.

N3 : Ca m’a un peu impressionné la première fois, quand j’ai commencé à pédaler avec Papa, parce qu’il parlait parfaitement bien, et il savait demander son chemin. Alors que moi, je faisais des gestes et c’est tout.

Le truc le plus dingue ?

N1 : La fontaine naturelle chaude qui sentait le soufre à Saturnia.

N2 : Le Suaire de Turin et Saturnia. Et être juste devant la tombe de St Pierre, à Rome. Et voir Padre Pio.

N3 : Quand je me suis gamellé à 40km/h.

Et Dieu dans tout ça ?

N1 : De plus en plus présent. Presque dans toute ma journée, c’est devenu plus régulier de prier, c’est facile de réciter le chapelet le matin sur le vélo, on chante beaucoup aussi, ça fait partie de mon quotidien. Et puis en Italie, ça ne manque pas d’églises.

N2 : Beaucoup plus présent dans tout. J’arrive beaucoup mieux à me recueillir pour la messe, et voilà.

N3 : C’est mieux qu’avant. Parce qu’en France j’étais moins recueilli. Maintenant je me recueillis (sic) plus.

Et maintenant, le pèlerinage, ça va comment ?

N1 : C’est plus dur depuis qu’on est en Grèce niveau langue et pratique de la religion, mais la vue est toujours aussi belle. Ce qui est étonnant, c’est que depuis qu’on a quitté Rome on n’a pas beaucoup été en tente, on trouve plus facilement des abris en dur pour la nuit.

N2 : Ca va mieux, c’est plus facile de pédaler, mais quand tu penses que dans 10 jours on arrête de pédaler, tu te dis que c’est trop rapide.

N3 : Bien.

Et l’école ?

N1 : Beaucoup plus facile, on est habitués, ça se fait plus facilement, je suis toujours la première à avoir fini. On est motivés pour terminer parce que comme ça on a le reste de l’après-midi libre, et on s’est faits au fait de travailler un peu tout seuls.

N2 : Je suis beaucoup plus rapide, je sais me prendre en main et être autonome, et je finis plus vite. Et c’est trop bien de se rendre compte que tes petits copains sont à l’école 8h par jour, et que moi j’en fais juste 3.

N3 : Je trouve que c’est un peu plus difficile qu’en classe, parce qu’on doit faire plus de travail.

T’as envie de continuer ?

N1 : Ah oui oui, je pourrais faire  ça toute ma vie. Quand j’y réfléchis, je me dis que quand on va rentrer à la maison, je vais me dire « C’est tout ? C’est déjà fini ? », et ça me fait peur, j’ai peur de m’ennuyer.

N2 : En vélo, non. A pied, oui.

N3 : Oui. Je veux pas rentrer.

Un truc à ajouter ?

N1 : Non. Pas spécialement.

N2 : Le pèlerinage c’est trop bien, c’était une bonne idée, on rencontre plein de gens gentils, on mange plein de choses différentes, et maintenant en Grèce, en goûtant le yaourt au concombre (ndlr : le Tzatziki), on se dit « Pourquoi j’avais envie de rester en France alors que c’est trop bon ? ». Et aussi le relief en Grèce il est trop beau.

N3 : Non. Ca va.

Voilà. A la prochaine.

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13 commentaires pour Semaine 12 : l’Italie et la Grèce.

  1. David dit :

    A la prochaine. 🙂

  2. David dit :

    deux précisions…
    j’ai rien compris aux connad, y avait un calembour? 0:)
    NE PAS PERDRE CETTE PRIERE: http://edmondprochain.wordpress.com/2010/01/06/priere-a-notre-dame-des-relous/ 😉

  3. Cette Grand dit :

    Oui, il est temps de passer à pied, sinon avec la hausse du rythme, ici ça va finir par s’appeler sixmoisversjerusalemetquestcequonfaitapres.com (quelle déCONAD).
    On vous embrasse, on pense à vous, et tout et tout.

  4. Ed dit :

    Et l’avis de n°4 ?

    P’inaise, il aura fallu ttendre 21h30 dimanche pour le post : l’attente a été longue !
    Bon derniers coups de pédales et belle continuation !

  5. lyralintern dit :

    Haha, loviou you all ! Arrivée à Jerusalem prévue pour le 20 janvier. Je t’écris ce soir ma baleine 🙂

    • Tante Moyü dit :

      Je crois que j’ai bien failli te detester de ne donner aucune nouvelle, je te rappelle que tu as interdiction d’etre heureuse en mon absence. Espece de grosse vache immonde.

  6. Je me réjouis de voir des photos de la Grèce, je ne connais pas ce pays.
    Quelle joie de voir que vous prenez un bon rythme, et que vous profitez pleinement de votre expérience !

  7. je ne savais pas que baleine et baleineaux venaient s’échouer sur les plages grecques, pour un peu on se croirait sur la très chic île de Ré ! Bon courage

  8. la representante de la fepjm dit :

    Avons pense à vous tout le we et bien sur vous avez du entendre nos incantations pour vous ?
    profitez bien de fr G et embrassez le pour nous . God bless you

  9. TM (record du commentaire le plus court) dit :

    Kalimero.

  10. Emeline <3 dit :

    Tenez bon
    Au debut les jambes font mal mais apres vous vous habituerez
    Attention si vous rentrer trop tard vos jambes vont êtres….
    Gros Bisous
    Emeline 🙂

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