Radioactivité record à la Hague

Les derniers relevés réalisés près du centre de stockage de déchets radioactifs de la Manche font état d'une forte présence de tritium.

 Radioactivité record à la Hague

    «C'est vous qui avez trouvé de la radioactivité dans la mer? Ã?a fiche la trouille quand même! » Sur la plage d'Ecalgrain (Manche), vacanciers et promeneurs font part de leurs craintes aux membres de l'Association pour le contrôle de la radioactivité de l'Ouest (Acro). Facilement reconnaissables avec leurs parkas bleues flanquées d'un large logo jaune, ces bénévoles sillonnent régulièrement depuis trente ans la péninsule du Cotentin, armés de pelles, de seaux et d'éprouvettes, pour prélever des échantillons de sol, de sable ou d'eau de mer.

    Un taux de tritium record a été relevé en octobre dernier. Certes, depuis, les deux relevés suivants ont fait état de résultats plus faibles. Il n'empêche, l'inquiétude demeure dans les environs. « Le tritium, c'est de l'hydrogène radioactif très rare à l'état naturel, explique Pierre Paris, vice-président de l'association, dont le laboratoire est agréé par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). D'habitude, le taux ne dépasse pas 0,5 becquerel par litre (bq/l). Là, on était à plus de 110 bq/l, soit encore quatre fois plus que la moyenne relevée les dix dernières années dans la baie! » La faute à l'usine d'Areva de la Hague, située à quelques kilomètres, qui retraite le combustible utilisé par les 58 réacteurs français. Le processus produit lui-même des déchets, dont une partie est déversée directement en mer. « Le pipeline débouche au nez de Jobourg, à 4 km de là, reprend le bénévole, où passe le raz Blanchard, l'un des courants les plus puissants d'Europe. Ã?a leur sert tout simplement de chasse d'eau! »

    L'annonce des relevés a fait grand bruit. Et pour cause : la région est sans doute l'endroit le plus nucléarisé au monde! Outre Areva, s'y trouve également le premier site de stockage de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), le futur réacteur EPR de Flamanville et l'arsenal de Cherbourg des sous-marins à propulsion atomique. « Sans oublier les milliers de tonnes de déchets radioactifs balancés dans la mer pas loin des côtes, reprend Pierre Paris. Si les Français ont préféré se débarrasser de 14000 fûts dans l'Atlantique à la fin des années soixante (NDLR : comme l'indique le dernier inventaire national de l'Andra, publié en mars), les Anglais n'ont pas hésité, eux, jusqu'en 1982, à jeter leurs fûts par-dessus bord dans la fosse des Casquets, à 15 km au nord-ouest de chez nous. » Rongés par la rouille, ils reposent aujourd'hui encore à quelques dizaines de mètres de profondeur, alors que les chalutiers passent juste au-dessus!

    Mais le danger ne concerne pas seulement la mer. Les équipes de l'Acro, mais aussi d'autres associations, comme Greenpeace, surveillent également l'intérieur des terres, notamment autour de l'Andra, où les éleveurs font paître leurs troupeaux. « Le site fuit comme une passoire, s'inquiète un habitant d'un village en contrebas. Dans le ruisseau du Grand Bel, qui passe directement dans mon jardin, on a trouvé jusqu'à 500 bq/l! Les responsables nous assurent que l'eau est potable, mais on préfère acheter des bouteilles. »

    Pendant ce temps, de l'autre côté de la France, à Bure (Meuse), une partie des riverains continue de se mobiliser contre la création du nouveau site d'enfouissement des déchets nucléaires. Pour couper court à toute contestation, les prochains débats publics auront lieu à partir du 11 juilletâ?¦ sur Internet!