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Cafouillage autour des baisses d'impôts

Le chef de l'État présidera dès ce jeudi à l'Élysée le premier conseil stratégique de la dépense publique. François BOUCHON/Le Figaro

INFOGRAPHIE - Après les déclarations de l'entourage du président sur un geste pour les ménages dès 2015, le gouvernement tente de relativiser ces propos.

C'est le genre de confidences qu'il vaut mieux distiller lorsque l'on est sûr de son coup. Surtout sur un sujet aussi sensible pour les Français que la fiscalité. L'un des plus proches conseillers de François ­Hollande s'est sans doute montré imprudent en indiquant mardi que l'Élysée allait essayer «de se mettre en capacité dès 2015 de pouvoir avoir une première baisse d'impôts». Un «petit geste» qui concernerait non seulement les entreprises - en plus du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) -, mais aussi les ménages.

Il ne s'agit pas d'une petite phrase sortie de son contexte ou grappillée entre deux portes. Ces propos ont été tenus lors d'une réunion de décryptage «off», devant une vingtaine de journalistes, après le discours du président aux acteurs économiques. Face à l'étonnement de l'assistance, ils ont même été répétés plusieurs fois, tout en étant assortis de multiples conditions.

Si ce «geste» est envisagé, il est loin d'être acquis, tant il ­dépendra d'un éventuel sursaut de la croissance et de la réalisation d'économies colossales. Il était donc périlleux de l'annoncer à ce stade. «Je ne suis pas certain que François Hollande souhaitait lire cela dans les journaux mercredi. Cela crée un effet d'attente un peu prématuré», estime un ténor de la majorité.

Le collaborateur de François Hollande s'est peut-être laissé emporter par son volontarisme. Il s'est d'ailleurs fait «remonter les bretelles», explique une source. Un conseiller de l'Élysée regrette cet «emballement», à partir d'«un raisonnement économique et non d'une annonce», et estime que cette gaffe «ne mérite pas» autant d'attention. Et d'insister: «Il n'y a que les propos du président qui comptent, or les siens ont été très clairs dans son discours.»

François Hollande a promis aux entreprises de définir une «trajectoire» de leurs prélèvements jusqu'en 2017 «avec la perspective d'une harmonisation avec nos plus grands voisins européens à l'horizon 2020» et une «première étape» en 2015. Il avait, lors de ses vœux à la presse, indiqué qu'il souhaitait alléger la pression fiscale sur les ménages en fin de quinquennat. «Si la croissance atteint 1,4 % en 2014 et non 0,9 %, le président pourrait certes se poser des questions, mais on n'en est pas là», poursuit-on à l'Élysée.

Dans les rangs du gouvernement, on confirme que «cette confidence a mis mal à l'aise l'Élysée». Que celui qui l'a faite «ne pensait pas que cela prendrait une telle ampleur». Que «s'il fallait faire cette annonce à ce moment-là, c'est le président qui devait le faire». Néanmoins, poursuit un conseiller ministériel, «c'est une évidence économique qui a été affirmée: si on fait plus de croissance que prévu, si l'État est irréprochable sur les économies, alors il est normal que les Français en profitent». Un autre, plus sévère, qualifie cet imbroglio de «couac qui manquait». Le chef des députés socialistes, Bruno Le Roux, s'est d'ailleurs engouffré dans la brèche, estimant qu'il fallait «montrer un signe le plus rapidement possible» aux «salariés les plus modestes» par une baisse de l'impôt sur «les premiers déciles» dès 2015.

Effort colossal à réaliser

Au lendemain des déclarations de l'entourage du président, le gouvernement s'est surtout efforcé de les relativiser, de façon à ne pas enfermer François Hollande dans une promesse. Ce qui crée une impression de flou, alors que le message était censé être positif. «Si une baisse est possible rapidement, évidemment que nous le ferons», a déclaré Najat Vallaud-Belkacem, ajoutant: «Nous nous donnons tous les moyens pour le faire.» La porte-parole du gouvernement a rappelé que l'objectif du quinquennat était pour l'heure de baisser le taux des prélèvements obligatoires, de 46,1 % du PIB sur 2014-2016 à 45,8 % en 2017.

Même prudence du côté de ­Bercy. «La formule c'est: plus d'économies plus vite, c'est moins d'impôts plus vite», a souligné Bernard Cazeneuve, sans plus de précision. La semaine dernière, il n'avait pourtant pas hésité à ­évoquer une diminution possible à partir de 2016. Pierre Moscovici a adopté la même ligne: «S'il y a - du fait de la croissance et du fait des économies, des marges de manœuvre supplémentaires - ça permettra d'agir plus vite sur les impôts», a-t-il indiqué. Cela fait beaucoup de si.

François Hollande fait tout d'abord le pari que son pacte de responsabilité - qui passe notamment par une baisse du coût du travail de 30 milliards d'euros à horizon 2017, en incluant les 20 milliards du CICE - dopera la croissance par rapport aux prévisions sur 2014-2017, en créant un choc de confiance. Encore faut-il que les recettes fiscales suivent. En 2013, les recettes ont été de 14,6 milliards d'euros inférieures aux prévisions initiales. L'autre paramètre de l'équation, c'est la baisse des dépenses publiques. Le président s'est engagé à réaliser au moins 50 milliards d'économie - par rapport à la hausse tendancielle - sur 2015-2017. Or, en plus de ce montant déjà prévu, il faudra sans doute rajouter «5 à 10 milliards» pour financer la fin annoncée des cotisations familiales d'ici à 2017, estime-t-on à l'Élysée. François Hollande a bien évoqué des pistes d'économie, en désignant les «excès» et les «abus» de la Sécurité sociale et en appelant à une réduction du nombre des départements et des régions. Mais toute la difficulté consiste à présent à entrer dans les détails.

Le chef de l'État présidera dès ce jeudi à l'Élysée le premier conseil stratégique de la dépense publique. L'objectif est de permettre à Jean-Marc Ayrault de fixer en avril aux ministres le montant des économies à atteindre de 2015 à 2017.

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