Inverser la courbe du chômage : histoire d'une promesse phare

 

Inverser la courbe du chômage : histoire d'une promesse phare

    S'engager sur une baisse du chômage, qui plus est en donnant un calendrier... Autant de risques

    et

    . Mi-avril 2012, le candidat socialiste, François Hollande, ne raillait-il pas son concurrent UMP, le président sortant Nicolas Sarkozy, qui avait «déclaré en 2007 que sa présidence serait un échec si le taux de chômage ne revenait pas à 5% en 2012»?

    Installé à l'Elysée, il prend le pari d'inverser la courbe du chômage avant la fin de l'année 2013. Depuis plus d'un an, François Hollande s'accroche à ce leitmotiv de plus en plus improbable,

    Décryptage d'une promesse ambitieuse.

    L'inversion de la courbe, c'est quoi ?

    Très concrètement, une diminution du nombre de chômeurs. A ne pas confondre avec une... baisse de son augmentation

    (lire ci-dessous)

    . Quand saura-t-on si François Hollande a rempli son objectif ? Puisque le président de la République a promis une inversion de la courbe avant la fin de l'année, ce sont les chiffres de fin décembre 2013 qu'il faudra regarder. Ils seront connus le 27 janvier 2014. Il s'agit du nombre des inscrits à Pôle emploi publié chaque mois par le ministère du Travail, et en particulier du nombre de demandeurs sans activité (catégorie A).

    Autre indicateur, le taux de chômage, calculé chaque trimestre par l'Insee. Celui-ci sera connu le 6 mars 2014, soit quelques semaines

    .«Il y a une très grande proximité entre les deux courbes», fait valoir le ministère du Travail pour prévenir toute «querelle sur les chiffres».

    Attention : si la promesse est encore statistiquement tenable (il suffit d'un mois de baisse), un bon chiffre sur un mois est bien évidemment insuffisant pour parler d'une inversion de tendance, le chômage étant en hausse quasi-ininterrompue depuis plus de trente mois. Michel Sapin en est d'ailleurs bien conscient, lui qui s'était montré d'une grande prudence après les bons chiffres d'août dernier.

    Histoire d'un leitmotiv politique...

    Tout a commencé pendant la campagne présidentielle. Le candidat François Hollande pilonne le bilan de son concurrent UMP, le président sortant Nicolas Sarkozy, en matière d'emploi. Le 15 avril 2012, alors que

    , François Hollande fait cette déclaration

    : «Le chômage n’est pas une fatalité. Et j’inverserai la courbe.» Dix jours plus tard, en plein entre-deux-tours, il assume. «Le prochain mandat doit en effet permettre d'inverser la courbe,

    , ajoutant : «J'accepterai d'être jugé sur cette promesse.» Il ne se donne alors aucun délai pour remplir le contrat.

    Il faut attendre le 9 septembre 2012, soit quatre mois après son élection, pour que le chef de l'Etat précise son objectif dans le temps. «Nous devons inverser la courbe du chômage d'ici un an», lance-t-il sur le plateau du 20 heures de TF1. Trois mois plus tard,

    , il se donne un peu d'air en repoussant l'échéance à fin 2013. «Toutes nos forces seront tendues vers un seul but : inverser la courbe du chômage d'ici un an. Nous devrons y parvenir coûte que coûte», déclare-t-il lors de ses premiers vœux de président de la République.

    Voeux Hollande

    Fin février, François Hollande semble préparer les esprits à l'abandon de cette promesse phare,

    . Mais officiellement, l'objectif est maintenu. Et le président continue de le marteler,

    . «Mon premier objectif, c'est d'inverser la courbe du chômage avant la fin de l'année», répète-t-il

    . Comme lors de

    -«Je m'y tiens»-,

    -«On est tout près du but»- ou encore fin novembre.

    Il faudra attendre fin janvier 2014, à la veille de l'annonce des chiffres de décembre, pour que l'exécutif ne concède un échec...sur le plan statistique : «On n'aura pas, au chiffre prêt, inversé la courbe en 2013», prévient le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll,

    .  Ainsi va la promesse «d'inverser la courbe du chômage».

    ... malmené par l'implacable réalité économique 

    Ce pari, la réalité économique l'a vite transformé en lubie. Force est de constater que depuis 2012,  jamais la tendance ne s'est réellement inversée

    . La première année du quinquennat ressemble même à une chute inexorable vers le triste record historique de 1998,

    . Ce record a depuis été repoussé chaque mois jusqu'à aujourd'hui, à l'exception du mois d'août,

    -amplifiée par un bug de l'opérateur SFR- a été enregistrée.

    Comment comprendre alors cet acharnement du gouvernement à promettre une inversion de courbe? La réponse est simple : si la tendance ne s'est pas inversée, la hausse du chômage a tout de même nettement ralenti depuis le printemps dernier, entretenant l'optimisme élyséen. En mai 2013, pour la première fois depuis 25 mois,

    , avant d'augmenter légèrement

    et

    ,

    (+0,3%). Il est plus représentatif de lisser les chiffres de ces deux mois, en raison du fameux bug SFR qui a amplifié une baisse en août (-1,5%)

    Reconnaissant un net coup de frein dans la progression du chômage, plusieurs économistes ont admis l'été dernier

    , grâce aux emplois aidés.

    L'emploi aidé à la rescousse, l'emploi marchand au point mort

    En promettant l'inversion de la courbe d'ici la fin de l'année, nul ne peut soupçonner le gouvernement d'avoir fait un vœu pieux. Afin d'atteindre cet objectif, un véritable combat a été mené, notamment sur le front des emplois aidés, qui ont fini par décoller

    Destinés aux jeunes peu ou pas qualifiés, les emplois d'avenir ont dépassé la barre des 70 000 en octobre dernier. Le gouvernement en attend 100 000 d'ici la fin de l'année et cet objectif pourrait être dépassé.

    En plus de ces contrats, dopés par l'Etat et principalement pourvus dans l'administration publique, le gouvernement a rallongé l'enveloppe des emplois aidés classiques (de 92 000, en plus des 390 000 prévus), et budgétisé 50 000 emplois d'avenir supplémentaires pour 2014. Seul hic, et de taille: une récente étude du ministère du travail a montré qu'une majorité des titulaires d'un contrat aidé se retrouvait au chômage moins de six mois après la fin de celui-ci. Une tendance d'autant plus forte dans l'administration.

    Là est bien tout le problème du gouvernement : les contrats d'avenir, en plus d'être coûteux, ne concernent que trop peu le secteur privé. Les contrats de génération, qui sont adressés aux entreprises, font d'ailleurs un flop notoire. Or, une inversion durable de la courbe du chômage ne saurait être atteinte sans une embellie de l'emploi marchand. Certes,

    permet d'assurer du pouvoir d'achat et de préparer le retour de la croissance, mais seule cette dernière permet aux entreprises de créer des emplois. Il faudrait ainsi environ 1,5% de croissance pour faire vraiment repartir l'emploi, selon les économistes. Or, au troisième trimestre, le PIB s'est contracté de 0,1%. Sans surprise, l'économie française a détruit dans le même temps 17 000 emplois (- 0,1 %).

    L'exécutif complètement isolé

    Et l'avenir immédiat n'est pas plus rose : les restructurations tombent en rafale, comme le récent dépôt de bilan du transporteur Mory Ducros, et

    . 12 790 redressements et liquidations judiciaires ont été enregistrés au troisième trimestre 2013,

    .

    Au final, l'Insee prévoit au mieux une stabilisation du taux de chômage fin 2013, à 10,6% en métropole, mais certainement pas un renversement de courbe. Pis, plus aucune organisation internationale ne table sur un recul prochain du chômage en France. OCDE, FMI, Commission européenne : toutes prévoient même un chômage en hausse en 2014.

    , ne voit pas le bout du tunnel avant au moins un an.

    Peut-être François Hollande réussira-t-il à renverser la courbe, sur un plan statistique. Mais pour une chute durable du nombre de demandeurs d'emploi, il faudra certainement encore attendre.