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Analyse

Les trois erreurs de François Hollande

Le gouvernement s'accroche à la « reprise », mais les chiffres laissent peu de place au doute : sur le plan économique, les divergences vont continuer de se creuser entre la France et l'Allemagne. Il est temps que le chef de l'Etat change de logiciel.

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Par Eric Le Boucher (éditorialiste aux « Echos »)

Publié le 5 déc. 2013 à 01:01Mis à jour le 6 août 2019 à 00:00

Les prévisions de 2014 apparaissent aujourd'hui assez fiables pour que l'on puisse en lire l'inquiétante caractéristique : la divergence va se creuser entre les performances économiques de la France et celles de l'Allemagne. L'inattendue chute de la Bourse cette semaine en est un premier avertissement : les marchés commencent à se retourner et à douter de la France, préviennent les économistes, comme Laurence Boone de Bank of America - Merrill Lynch (1) ou Patrick Artus de Natixis (2). Comme la Grande-Bretagne décolle, le tableau européen met sous une lumière crue une France qui reste engluée dans la crise, qui décroche du nord et rejoint les pays du Sud. Le déclassement récent du pays par l'agence Standard & Poor's sera suivi par d'autres, avec des conséquences difficilement évitables sur les taux d'intérêt de la dette.

Le gouvernement s'accroche à la « reprise ». La croissance française devrait en effet remonter de 0,2 % cette année à « environ 1 % » l'an prochain. Les choses s'améliorent, donc. C'est vrai. En Allemagne, la grande coalition va créer un smic et pousser les investissements publics, autant de débouchés pour la France. C'est vrai aussi. Mais le différentiel de croissance va s'accentuer, l'Allemagne sera à 1,7 % et la Grande-Bretagne à 2,5 %. La France apparaîtra pour ce qu'elle a choisi d'être, à la traîne de la reprise des autres. Surtout, ce résultat n'est pas solide. Il est conjoncturel et cache une situation structurelle de l'économie qui ne progresse pas. Le déficit des comptes publics français sera à peine réduit l'an prochain, il va rester, officiellement, à 3,7 % du PIB (4,2 % en 2013). Notre voisin germanique est, lui, à l'équilibre.

L'autre déficit français, celui du commerce extérieur, va, lui, empirer à -2,4 % du PIB en 2014 contre -2,2 % cette année, selon l'OCDE. Sans évoquer l'énorme excédent germanique de 6,1 % du PIB, ce chiffre démontre que la France a cessé de reculer mais qu'elle ne regagne rien en compétitivité sur les marchés extérieurs, malgré la mise en place du Cice (crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi) et les espoirs gouvernementaux. Il suffit d'ailleurs de voir la panne de l'investissement pour se faire une idée de la difficulté des firmes et de leur manque de moyens - ou d'envie - d'investir en France.

Tout cela se concrétise in fine par l'évolution du taux de chômage : il va grossir encore à 10,8 % en France, selon l'OCDE, et atteindre exactement le double de celui de l'Allemagne. Avec une croissance faible et hésitante, un climat de défiance des entrepreneurs, un repli des investissements et l'angoisse des ménages devant les impôts et les licenciements, le chômage ne peut pas baisser.

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Le rapport Pisa montre combien l'éducation française, en chute, aurait besoin d'une forte remise en cause. L'année 2014 va démontrer la même chose pour l'économie : la criante insuffisance des mesures prises. C'est la première erreur de François Hollande. Elle porte sur le diagnostic du pays, bien plus gravement atteint qu'il ne le croit.

Sa deuxième erreur en découle, elle est politique. Depuis 1983 et le « tournant » de François Mitterrand, le Parti socialiste est déchiré entre une ligne dite « de gauche » et une ligne sociale-démocrate. François Hollande est, à tort, considéré comme l'« as de la synthèse » : il ne l'a jamais faite entre les deux camps. Martine Aubry encore moins, qui a conforté les archaïsmes, la « crise » venant donner des arguments aux militants antilibéraux et anticapitalistes. Mais, en France, une élection à gauche se gagne à gauche : le candidat François Hollande a repris un discours traditionnel. Il a, certes, inversé l'agenda : il faudra d'abord « redresser » le pays et ne distribuer les fruits qu'après. Mais son élection s'est faite sur la ligne « de gauche » : il ne faut pas d'austérité budgétaire, il suffit de taxer les patrons pour redresser les comptes, il faut une relance « européenne » de la demande.

L'élection passée, ce discours s'est fracassé sur la réalité économique, qui demande l'inverse : la France souffre de l'offre plus que de la demande, les entreprises ne gagnent pas trop d'argent, au contraire, elles ont des marges trop faibles. Dès l'été 2012, François Hollande l'a compris. Il a décidé du Cice, d'un assouplissement du marché du travail et il « réforme » les retraites ou le travail le dimanche. Mais, outre que tout cela reste très insuffisant, il crée la confusion en n'expliquant pas clairement la nouvelle ligne pro-entreprise. Il semble hésiter, d'ailleurs, puisqu'il ménage les ministres qui parlent et agissent dans le sens opposé (Arnaud Montebourg, Benoît Hamon, Cécile Duflot) et qu'il laisse des médiatiques députés « anti » occuper la scène. Cette confusion entretenue est à l'origine de la défiance : la ligne du gouvernement n'est pas droite, le chef est incertain.

La troisième erreur est gouvernementale. Le Parti socialiste, réfugié dans les régions depuis 2002, avait perdu la connaissance des techniques administratives. Au pouvoir, il a ajouté une idéologie gouvernementale inadaptée à un noviciat, pour ne pas dire une incompétence, dans l'action. La confusion entretenue à Bercy en est l'illustration. Personne n'y tient avec autorité la nouvelle ligne et le nécessaire discours de l'effort. Dire clairement la stratégie, mettre de l'ordre dans ses rangs, remplacer les ministres incompétents, François Hollande croit pouvoir prendre son temps. Les semaines qui viennent vont très vite lui enseigner qu'il ne l'a plus.


Les points à retenir

La croissance française devrait remonter de 0,2 % cette année à « environ 1 % » l'an prochain.

Mais le différentiel de croissance va s'accentuer, lui. L'Allemagne sera à 1,7 % et la Grande-Bretagne à 2,5 %, jetant une lumière crue sur une France engluée dans la crise.

Le rapport Pisa montre combien l'éducation française aurait besoin d'une forte remise en cause. L'année 2014 va démontrer la même chose pour l'économie : la criante insuffisance des mesures prises.

Editorialiste aux « Echos » Eric Le Boucher

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