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Crise ouverte à l’IUT de Saint-Denis, après des menaces de mort contre son directeur

Deux plaintes ont été déposées, sur fond de double conflit entre l’établissement, une association musulmane et un des chefs de département.

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Publié le 20 mai 2014 à 14h58, modifié le 21 mai 2014 à 11h21

Temps de Lecture 4 min.

Une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Bobigny après des menaces de mort reçues par le directeur de l'IUT de Saint-Denis. Depuis plusieurs mois règne dans cet institut universitaire de technologie un climat délétère. Les lettres de menaces reçues par le directeur, Samuel Mayol, interviennent alors que deux conflits empoisonnnent la vie de l'établissement, l'un avec une association d'étudiants musulmane, l'autre avec un chef de département soupçonné d'avoir embauché des enseignants pour des vacations fictives. Réunis en assemblée générale, mardi 20 mai, 150 enseignants et administratifs sur 180 ont témoigné leur solidarité envers M. Mayol et sa famille. Et appelé « les médias à l'apaisement et à ne pas faire d'amalgame » entre ces menaces et les conflits au sein de l'établissement.

Guillaume Bordry, président de l'assemblée des directeurs d'IUT, et Elisabeth Belmas, vice-présidente de Paris XIII-Villetaneuse, université de rattachement de l'IUT, avaient fait le déplacement, tandis que Benoît Hamon, ministre de l'éducation nationale, a affirmé sur RTL son soutien au directeur de l'IUT.

Depuis le 4 février, M. Mayol est victime d'une campagne d'intimidation allant crescendo. Après des pneus dégonflés et crevés à plusieurs reprises, ce furent quinze lettres adressées à son bureau, avec des menaces comme « Arrête tout, tu vas mourir ». Le directeur a aussi reçu sa photo, une tête de mort dessinée sur le front et les yeux crevés. Les quatre dernières lettres étaient rédigées dans un arabe approximatif. La toute dernière, adressée à son domicile et reçue jeudi 15 mai, est la seule à invoquer la religion : « C'est bientôt la fin. Tu vas mourir, toi, ta femme et tes enfants. C'est une fatwa. On appelle tous les musulmans à la respecter. » Chaque lettre a fait l'objet d'une plainte distincte au commissariat.

L'université Paris-XIII a aussi porté plainte. M. Mayol paie-t-il là son combat contre l'association étudiante, L'Ouverture, contre laquelle il lutte depuis septembre 2012 ? Le directeur avait d'abord exigé qu'elle cesse de vendre, sans l'autorisation du Crous, ses sandwiches halal dans le hall de l'IUT, puis qu'elle restitue le local qu'elle occupe, afin que d'autres associations y aient également accès.

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« CETTE ASSOCIATION EST UNE FAÇADE POUR DES AFFAIRISTES »

Le 3 février 2013, les représentants de L'Ouverture, convoqués à l'IUT pour rendre les clefs, prévenaient par SMS qu'ils ne viendraient pas, tandis qu'une alerte à la bombe obligeait, au même moment, la police à intervenir. Celle-ci a découvert, en fouillant le bâtiment, des tapis de prière dans le local. Une concomitance qui ne prouve évidemment pas le lien entre les deux faits. L'association L'Ouverture, confessionnelle mais sans prosélytisme, a pignon sur rue à l'université Paris-XIII. Elle compte plusieurs élus au conseil de la vie étudiante, et un au conseil d'administration. A ce titre, elle a droit à des locaux, à Villetaneuse comme à Saint-Denis.

« Cette association est une façade pour des affairistes qui vendent ainsi leurs sandwiches en toute franchise d'impôts, témoigne un bon connaisseur de l'université Paris-XIII. Ses militants utilisent l'islam comme un argument électoral, apostrophant les étudiants musulmans afin d'obtenir des voix, des sièges, des financements. » « L'Ouverture a les mêmes droits que les autres associations et ce ne sont pas deux tapis de prière qui font d'un local une mosquée », tempère Jean-Loup Salzmann, président de Paris-XIII, qui apporte son total soutien à M. Mayol et à son action.

Pour lui, « il ne faut pas faire l'amalgame entre les menaces, émanant sans doute d'un déséquilibré, et ce différend. » Un autre conflit oppose la direction et un enseignant, Rachid Zouhhad, chef du département « Techniques de commercialisation », que M. Mayol a d'ailleurs dirigé jusqu'en 2012. Avec 600 étudiants, c'est l'un des plus importants de l'IUT. Tout commence, en novembre 2013, par des graffitis dans les escaliers : « Zouhhad dégage ! » ou « Zouhhad FDP » (« fils de pute »). Puis c'est Donia Droui, présidente de la Confédération étudiante, qui se plaint dans un courrier, auprès de la direction de l'IUT et de la présidence de l'université, « des dysfonctionnements » de ce département.

« NOUS SOMMES LA PROMOTION SACRIFIÉE »

Interrogés, mardi 20 mai, à la sortie de l'IUT, plusieurs étudiants confirmaient les emplois du temps instables, les cours annulés au dernier moment, la valse des enseignants… « Nous sommes la promotion sacrifiée. Nous n'avons qu'une envie, nous barrer ! », résumait Lisa, étudiante en deuxième année. « Nous sommes les victimes d'un conflit entre deux clans d'enseignants », s'insurge Youssef, un autre étudiant.

« Nous avons découvert que beaucoup des enseignants et vacataires recrutés par M. Zouhhad ne faisaient pas tous leurs cours, facturaient trop d'heures. Nous estimons à 4 852 heures ces vacations contestables, soit un coût de 200 000 euros », confie Patrick Vassallo, président de l'IUT, par ailleurs élu (divers gauche) à la municipalité de Saint-Denis, dirigée par le Parti communiste. La destitution de M. Zouhhad en tant que chef de département (il reste maître de conférence) a été votée, le 11 mars, par le conseil de l'IUT : « C'est une cabale », rétorque Rachid Zouhhad, qui a attaqué cette décision devant le tribunal administratif.

« Cela fait vingt-huit ans que j'enseigne, plus de dix ans que je suis élu à l'université Paris-XIII et membre du Conseil national des universités, et tout cela me crée un tort considérable. » M. Zouhhad est à ce jour le seul enseignant de l'IUT entendu par les enquêteurs au sujet des menaces reçues par M. Mayol. De son côté, l'université a ouvert une enquête administrative.

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