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Le chômage, clé de la réussite ou de l'échec de François Hollande

FIGAROVOX/ANALYSE- Le chômage a encore fortement augmenté en février. Pour l'historien Christophe de Voogd, il ne faut pas chercher ailleurs que dans l'impuissance à conjurer ce fléau les raisons de la débâcle socialiste. Pour y remédier, il faut qu'Hollande renonce à l'esprit partisan et accepte l'union nationale.


Christophe de Voogd, ancien élève de l'École normale supérieure, est docteur en histoire et enseigne à l'Institut d'études politiques de Paris. Il anime le blog Trop libre de la Fondapol. Il s'exprime ici à titre personnel.


La hausse continue du chômage constitue la synthèse de tous les défis et de tous les échecs du gouvernement

La forte hausse du chômage en février (+31.500), connue mercredi dernier dans l'entre-deux-tours des municipales, n'est-elle pas le facteur décisif de la déroute de la gauche, et en particulier du PS, au soir du deuxième tour? Certes, tous les commentateurs ont relevé l'effet négatif que ce résultat n'allait pas manquer d'avoir. Mais il ne se réduit pas, comme on l'a souvent présenté, à un «élément parmi d'autres», comme le matraquage fiscal, l'impopularité du pouvoir, les couacs gouvernementaux, le manque de cap clair, etc. En fait, la hausse continue du chômage pourrait bien constituer la synthèse de tous les défis et de tous les échecs du gouvernement.

Il faut tout d'abord bien mesurer la force du phénomène: tous les indicateurs du chômage sont au rouge: nombre brut des sans-emplois, allongement de la durée, enlisement des seniors et courbe désormais inversée (mais dans le mauvais sens!) du chômage des jeunes. Et l'on reste un peu interdit devant la tentative de minimisation faite par certains, à travers la diminution du nombre de chômeurs à temps partiel (catégories C et D). Car il y a là ni plus ni moins qu'un sophisme. En effet, comme les reprises d'emploi ont encore baissé en février et comme l'intérim a encore reculé, l'explication de cette diminution est aussi simple qu'inquiétante: des milliers de chômeurs «B» et «C» ont basculé dans la catégorie «A»: autrement dit, le chômage partiel est tout simplement devenu pour eux un chômage total! Et cela malgré une nouvelle envolée des radiations administratives.

N'est-ce pas d'abord à cette détérioration indiscutable qu'il faut attribuer l'inexistence de tout «ressaisissement» de la gauche ce dimanche? Ressaisissement pourtant annoncé par tant d'observateurs, jusque dans les «indiscrétions» révélées par les médias étrangers au cours de la journée d'hier.

Le résultat du 26 mars, répercuté directement dans celui du 30, aura sanctionné plusieurs mécomptes de la politique actuelle: échec définitif de la promesse d'«inverser la courbe» du chômage ; incertitudes du pacte de responsabilité, toujours non finalisé ; voile sur les économies budgétaires annoncées et reportées à avril, élections obligeaient: trop d'habileté peut nuire!

Enfin et surtout, ce qui vient d'être sanctionné, c'est l'impasse de la politique économique d'ensemble menée depuis deux ans, fondée sur la hausse continue des impôts, sans que les résultats en termes de réduction des déficits ne soient évidents (trop d'impôt tue l'impôt). Mais avec un effet bel et bien dévastateur sur l'emploi, malmené par l'envolée des charges et, au moins autant, par l'absence de cap clair et affiché, faute de consensus politique dans la majorité.

Ce que la hausse continue du chômage représente, ce dont elle est à la fois la cause et la conséquence et ce qui constitue le plus grand obstacle à tout rebond de l'action gouvernementale se résume à un fait: une perte redoutable de crédibilité.

Comment, dans ces conditions, les classes populaires, les plus touchées par ce chômage de masse, auraient-elles pu se «remobiliser» en faveur de la gauche?

Et lorsque l'on sait que la fiscalité constituait la première préoccupation des électeurs pris dans leur ensemble pour ces élections «locales», comment pouvait-on penser que, dans le contexte fiscal actuel, «la gauche limiterait les dégâts»?

Le dilemme du président n'en est que plus dramatique : soit « donner des gages à la gauche » (comprendre par là le relâchement de l'effort budgétaire et le durcissement du pacte de responsabilité) et se couper de l'Europe et surtout des marchés financiers ; soit en donner à la droite, par des économies sérieuses sur les dépenses publiques, et se couper de son électorat : ou de ce qu'il en reste…

Un peu partout, les chiffres de la hausse du chômage depuis mai 2012, et non seulement depuis janvier 2013, commencent à fleurir: 454.000 chômeurs de plus, soit un rythme bien plus fort que sous le quinquennat précédent qui avait pourtant connu en 2008-2009 une crise d'une tout autre ampleur que l'actuelle. Que plusieurs commentateurs au soir du deuxième tour des municipales aient encore cru devoir entonner le refrain de «l'héritage» n'est donc pas seulement un déni des faits, mais une erreur politique majeure, car elle «abuse de notre patience», comme aurait dit Cicéron.

Il va falloir, au-delà du remaniement gouvernemental, qui sera bien vite considéré comme un épiphénomène, changer de discours et surtout de politique. Là-dessus, tout le monde est d'accord, mais comme chacun sous-entend des options radicalement différentes, le dilemme du président n'en est que plus dramatique: soit «donner des gages à la gauche» (comprendre par là le relâchement de l'effort budgétaire et le durcissement du pacte de responsabilité) et se couper de l'Europe et surtout des marchés financiers ; soit en donner à la droite, par des économies sérieuses sur les dépenses publiques, et se couper de son électorat: ou de ce qu'il en reste…

Il est vrai, comme toujours en politique, qu'une autre solution est théoriquement possible: la réalisation, sous une forme ou sous une autre, d'une union nationale contre le chômage.

Le président de la République dispose de plusieurs moyens pour y parvenir: un «vrai» changement de gouvernement ; la dissolution de l'Assemblée sur ce thème ; ou encore - bien plus simple - un référendum sur le pacte de responsabilité.

Encore faudrait-il que, dans son camp comme dans celui d'en face, l'on veuille bien renoncer à nos mœurs adorées, à la fois intellectuelles et politiques: l'esprit de système et l'esprit partisan.

La France y est parvenue à quelques reprises dans son histoire, mais seulement par la guerre ou par la révolution. La guerre - économique -, nous y sommes. La révolution, qui peut l'exclure?

Le chômage, clé de la réussite ou de l'échec de François Hollande

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35 commentaires
  • CROISSANCE PLUS

    le

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  • NANE 75

    le

    encore une clé! mais la clé du problème est avant tout le chômage et là ils n'ont pas trouvé la bonne! mais plus il y aura de clés plus de temps il faudra pour ouvrir la bonne serrure.

  • PAPANG13

    le

    Et ainsi....tout comme Mitterrand avait fait rêvé une certaine partie des Français, 2 ans après, c'est boum badaboum, un Programme en panne, un autre Gouvernement, un 1er Ministre bien aimé ! Cela augure de bientôt une cohabitation....

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