Notre-Dame-des-Landes : les opposants contre-attaquent

Au lendemain des violences qui ont marqué la manifestation contre le projet de l'aéroport Notre-Dame-des-Landes, l'opposition «institutionnelle» - formée par des collectifs d'agriculteurs, d'écologistes, d'élus locaux et par des propriétaires de la ZAD (zone d'aménagement différé) - condamne ces dérives et crient à la manipulation politique.

Ils démentent farouchement soutenir ces activistes, identifiés comme des «Black Blocs» par les forces de police, rejetant les accusations du maire de Nantes et du préfet de Loire-Atlantique qui ont dénoncé la proximité des organisateurs de la manifestation avec ces ultra-radicaux de gauche «sur lesquels ils s'appuient depuis le début». «L'opposition institutionnelle à l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes doit cesser d'être la vitrine légale d'un mouvement armé», avait ajouté le préfet.

«Choqués», les opposants historiques, qui ne «cautionnent absolument pas ces actes», disent ne pas «être dupes de la manœuvre gouvernementale». Car une interrogation se pose à leurs yeux: «Pourquoi Manuel Valls, s'il a parfaitement identifié ce groupuscule depuis des mois, et alors qu'il a montré qu'il pouvait faire interdire un spectacle avant même qu'il ne soit donné et que le dispositif policier à Nantes était énorme, ne les a-t-il pas empêché d'agir?, se demandent les organisateurs de la manifestation. Et à défaut, pourquoi n'en avoir interpellé que 13?».

Dans une lettre adressée lundi matin au ministre de l'Intérieur, Françoise Verchère, élue «rouge et verte» au conseil général de Loire-Atlantique et opposante de la première heure au projet, a écrit: «Pour discréditer notre combat, et tenter de retourner l'opinion publique qui nous est aujourd'hui favorable, on fera appel à la peur du désordre, on utilisera l'image, déplorable je vous l'accorde, des dégradations commises par les méchants casseurs et on justifiera ainsi une nouvelle opération policière pour aller enfin nettoyer la ZAD de ses «délinquants dangereux», en même temps que de ses tritons et de ses paysans».

Pour elle, cette stigmatisation des casseurs et cet amalgame avec les organisateurs de la manif sert intentionnellement à occulter le fond du problème. «Évidemment les images de «la guérilla urbaine» dont vous avez parlé, dit-elle à Manuel Valls, seront reprises à l'envi plus que celles du char-triton, des 520 tracteurs présents ou des nombreuses familles manifestant paisiblement. Évidemment, cela permettra d'occulter une fois encore le fond du dossier, évidemment le chœur des partisans de l'aéroport poussera des cris horrifiés en rejetant la responsabilité sur les organisateurs de la manifestation».

« Évidemment, cela permettra d'occulter une fois encore le fond du dossier »

Françoise Verchère, conseillère générale de Loire-Atlantique

À Notre-Dame-des-Landes, sur la ZAD ou dans le village, personne ne connaît ces casseurs, personne ne sait les identifier, personne ne les croise. «Pour moi, ils ne vivent pas forcément ici, pense Julien Durand, agriculteur membre de l'Acipa, association historique de la lutte au projet. En tout cas on ne les voit pas aux réunions. Ce qui est sûr, et on peut tous en témoigner, c'est que lors de la manif des gens des cités de la banlieue nantaise se sont greffés au mouvement quand les violences ont éclaté». Pour lui, ce sont «des éléments incontrôlables qui se greffent par opportunisme sur les rassemblements», «avec des méthodes inadmissibles», ce qui nous dessert car cela éclipse «le message et l'action de la résistance paysanne». Estimés entre 100 et 200 lors des affrontements fin 2012 - 1000 aujourd'hui d'après la préfecture de Loire-Atlantique - on voyait alors ces «Black Blocs» essentiellement sur les barrages routiers, encagoulés, et lors des heurts avec les CRS quand ils tentaient de rétablir la voirie et les accès à la ZAD.

Les débordements de la manif n'auront en tout cas pas divisé les rangs de la contestation qui est unanime sur «l'unité et la solidarité, aujourd'hui plus que jamais renforcée» dans la ZAD. Dans un communiqué commun signé avec les représentants des militants anti-capitalistes installés dans les squats et les cabanes, les opposants «institutionnels» ont souligné que «les différentes composantes de la lutte restent unies sur le terrain». A la faveur d'une trêve depuis mars 2013 - où il n'y a eu ni démolition ni expulsion ni reprise des travaux préparatoires - les squatters se sont enracinés en nombre. Entre 150 et 200 personnes occupent à ce jour le «maquis nantais» et une vingtaine de petits projets d'exploitation agricoles se sont ajoutés aux 7 fermes toujours en place qui occupent 650 hectares des 1600 en expropriation.