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Réforme pénale : tous les prétextes sont bons pour éviter la prison

ERIC FEFERBERG/AFP

FIGAROVOX/TRIBUNE - La réforme pénale est examinée au palais Bourbon. L'Institut Pour La Justice met en garde contre l'extrémisme idéologique des amendements déposés par certains sénateurs.


Alexandre Giuglaris est délégué général de l'Institut pour la justice.


«Attention à ne pas envoyer de mauvais signaux». Interrogé hier par Yves Thréard, le sénateur-maire de Lyon Gérard Collomb, indiquait à travers ce message, son scepticisme pour ne pas dire plus quant à la réforme pénale du gouvernement. Il n'a d'ailleurs pas indiqué s'il comptait voter cette loi en invitant à la plus grande prudence compte-tenu de la difficulté du sujet et face à l'augmentation de la criminalité.

La contrainte pénale n'en finit plus d'être une fausse peine cherchant uniquement à réduire le nombre d'incarcérations.

Malheureusement cette posture pragmatique n'est pas du tout celle qui a été adoptée par la Commission des lois du Sénat, autrefois appelé chambre des sages. Bien au contraire, certains sénateurs ont préféré l'extrémisme idéologique à la sagesse et au pragmatisme. Pour s'en convaincre, il suffit de voir les amendements qui ont été adoptés par cette Commission. Il a été voté:

•Le rétablissement de l'aménagement des peines de prison jusqu'à deux ans. Ainsi, on pourra continuer, comme 20 000 personnes chaque année, à être condamné à une peine de prison ferme et à ne pas passer un seul jour en détention.

•L'élargissement des «obligations» de la peine de contrainte pénale à des sanctions aussi lourdes et sévères qu'un stage de citoyenneté ou l'obligation d'aller à l'école pour sanctionner des délits punis aujourd'hui jusqu'à 5 ans de prison. La contrainte pénale n'en finit plus d'être une fausse peine cherchant uniquement à réduire le nombre d'incarcérations.

•La suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs récidivistes qui jugeaient les mineurs récidivistes âgés de plus de 16 ans pour les délits les plus graves et punis de prison.

•La suppression de la rétention de sûreté, qui est une mesure qui permet de maintenir dans un centre de sûreté une personne condamnée présentant un risque très élevé de récidive et considérée comme dangereuse. La rétention de sûreté était limitée aux condamnations pour les crimes les plus graves et reste extrêmement peu utilisée, comme le reconnaît d'ailleurs le rapporteur du texte au Sénat qui a pourtant obtenu sa suppression…

•Enfin, l'interdiction totale d'une peine de prison pour de nombreux délits dont le vol simple, le recel de vol ou l'usage de stupéfiants.

Tout a été fait et voté pour éviter la prison à tout prix et multiplier les mesures dangereuses et laxistes. Mais peut-être est-ce le message revendiqué par certains? Dans le même temps, pas un seul amendement n'a cherché à améliorer le sort des victimes

Ces débats auront aussi permis de mesurer une nouvelle fois le double-jeu de Christiane Taubira, puisque la presse se fait l'écho de son peu d'entrain à s'opposer à ces amendements.

Avec ces amendements qui seront peut-être votés en séance la semaine prochaine, on s'aligne, comme le revendiquent plusieurs sénateurs de la majorité, sur les dangereuses propositions de la conférence dite de consensus, dont même Manuel Valls reconnaissait l'insuffisante légitimité et les risques.

Ces débats auront aussi permis de mesurer une nouvelle fois le double-jeu de Christiane Taubira, puisque la presse se fait l'écho de son peu d'entrain à s'opposer à ces amendements. Mais faut-il s'en étonner? Elle avait revendiqué, il y a quelques mois, ne «pas avoir de patron». On en voit une nouvelle fois la démonstration après son silence complice en Commission des lois à l'Assemblée nationale. S'il faut lui accorder une cohérence idéologique, elle défie François Hollande et Manuel Valls sans gêne et visiblement sans conséquences…

Les amendements adoptés renforcent les caractéristiques de ce texte. Il est impopulaire, inadapté et dangereux. Impopulaire car les Français réclament depuis des années davantage de fermeté et de protection. On continue de manière irresponsable à ne pas les écouter et à les mépriser avec toutes les conséquences que cela peut avoir, notamment l'idée dangereuse qui se répand que les citoyens ne peuvent plus compter sur l'Etat pour les protéger.

Il est inadapté car il revendique de «rétablir» l'individualisation des peines. Or, les amendements votés sont pourtant en totale contradiction avec cette idée d'individualisation, notamment l'interdiction de prononcer des peines de prison pour de nombreux délits. Mais n'était-ce pas qu'un prétexte pour en réalité vouloir à tout prix éviter la prison et la fermeté?

L'idéologie l'a emporté sur le pragmatisme, la connaissance scientifique et la protection de la société et des victimes.

Il est dangereux car il conduira, par la réduction rapide et importante du nombre de détenus et la volonté d'écarter autant que possible la prison, à une augmentation de la criminalité.

Car derrière ces amendements, il y a une réalité. Le dernier condamné à une peine de rétention de sûreté est le jeune récidiviste qui a violé, assassiné puis brûlé la petite Agnès Marin dans un internat du centre de la France en 2011. La rétention de sûreté a vocation à s'appliquer à des crimes particulièrement graves, donc relativement rares, et pour des personnes considérées comme très dangereuses.

Les sénateurs qui ont voté ces amendements, dans une relative indifférence, refusent que l'on puisse mesurer et analyser la dangerosité d'un individu comme le font tous nos voisins européens. L'idéologie l'a emporté sur le pragmatisme, la connaissance scientifique et la protection de la société et des victimes. C'est inacceptable.

Nous verrons bien si ces amendements sont votés en séance la semaine prochaine. Nous ferons tout pour que ce ne soit pas le cas. Mais une fois cette réforme pénale votée au Sénat, il faudra, selon la procédure parlementaire, essayer de trouver un compromis entre les deux chambres. Il faudra donc satisfaire les exigences de quelques dangereux idéologues influencés notamment par le Syndicat de la Magistrature, dont on connaît, à la suite de la découverte du «mur des cons» toute l'empathie qu'ils ont pour les victimes… Jusqu'où ira-t-on? Face à la dérive idéologique de ce texte, la seule option qui reste est son abandon.

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