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Arnaud Montebourg : rien que des mots, toujours des mots...

François BOUCHON/Le Figaro

FIGAROVOX/TRIBUNE - Arnaud Montebourg tient, ce jeudi, un discours de politique générale économique. Laurent Herblay en profite pour souligner la force des paroles du ministre, et la faiblesse de ses actions.


Laurent Herblay tient le blog gaulliste libre depuis 2007, classé dans les 20 premiers blogs politiques selon ebuzzing. Il a été le porte-parole de Nicolas Dupont-Aignan en 2012 et le Délégué National à l'économie et au budget de son parti, Debout la République


Jeudi, Arnaud Montebourg doit faire ce qui est annoncé comme un véritable discours de politique générale économique où il continuerait à développer la ligne qui est la sienne depuis les primaires du PS et qui l'avait mené au ministère du redressement productif avant de récupérer l'économie il y a 3 mois.

Un constat très juste

Il est attendu que le ministre de l'économie développe son hostilité aux politiques d'austérité, ce qui représente un positionnement logique par rapport à tous les thèmes qu'il développe depuis plus de trois ans. Peu après sa nomination, il était assez logiquement passé de la démondialisation (emprunté à Jacques Sapir, avec une préface d'Emmanuel Todd) à la défense du «fabriqué en France» (en oubliant souvent de traduire «made in France»). Ce faisant, il défend une ligne protectionniste modérée, qui l'a poussé à réaliser une couverture fameuse où il pose en marinière et avec un appareil Moulinex.

L'Europe est l'idiot de la globalisation car tous les autres pays protègent leurs industries et il est temps d'être plus pragmatique

Qu'un ministre soutienne une telle ligne démontre la progression de ces idées dans l'opinion, également défendue par des journalistes de l'Expansion, du Monde et l'Express dans le bon livre «Inévitable Protectionnisme». Le constat est simple: l'Europe est l'idiot de la globalisation car tous les autres pays protègent leurs industries et il est temps d'être plus pragmatique et d'enfin appliquer ce qui est à la base du modèle de développement asiatique, comme même The Economist l'a reconnu alors qu'il a été fondé par opposition aux lois protectionnistes britanniques du 19ème siècle!

Le volet que devrait ajouter le ministre jeudi est totalement cohérent. De nombreux économistes progressistes dénoncent depuis des années les ravages des politiques d'austérité en Europe. On pense à Jacques Sapir, dont les calculs sur le budget 2013 à la rentrée 2012 prévoyaient la non atteinte des objectifs de baisse des déficits et une moindre croissance, ont été vérifiés par les faits. On peut aussi penser aux deux «Prix Nobel d'économie», Joseph Stiglitz et Paul Krugman, qui a consacré son dernier livre à la question. Mieux, même le FMI, pourtant l'avocat de la rigueur, a fini par reconnaître qu'elle pouvait devenir contre-productive du fait de la sous-estimation de son impact sur la croissance.

Ce faisant, Arnaud Montebourg poursuit la construction d'un discours économique alternatif cohérent en y apportant un volet budgétaire, dont il n'a pas la responsabilité cependant, puisqu'elle a été confiée à Michel Sapin. Il pourrait même soutenir que ce discours est cohérent avec celui du président de la République, qui avait fait de la réorientation de l'Europe une de ses priorités, ce qui avait abouti à la signature d'un Pacte de Croissance au sein de l'UE peu après son arrivée à l'Elysée. En outre, son discours entretient l'espoir de l'aile gauche du PS, très tiède à l'égard du nouveau Premier Ministre.

Toujours des mots…

Ce faisant, la ligne Montebourg est comme le fameux Pacte de Croissance Européen de 2012. Les chiffres de croissance de l'année suivante ont démontré qu'il n'était que des mots, ce «pistolet à eau contre un rhinocéros qui charge» pour reprendre la formule de Paul Krugman. Car si Arnaud Montebourg parle beaucoup, non sans un certain talent, on peine à identifier ce qu'il a fait concrètement. Les chiffres du commerce extérieur ou des fermetures d'usine démontrent tous les jours que le redressement productif est resté lettre morte et que rien n'a été fait pratiquement pour défendre le fabriqué en France.

Le redressement productif est resté lettre morte et rien n'a été fait pratiquement pour défendre le fabriqué en France.

Et que dire des dossiers industriels dont le ministre s'est emparé. Sur PSA, après avoir maladroitement et malhonnêtement attaqué la gestion de ses dirigeants, Arnaud Montebourg a piteusement accepté un plan social massif et la fermeture d'Aulnay. Pire, il a permis à Dongfeng de faire une affaire en achetant 14% du capital du constructeur français pour une bouchée de pain. Idem sur Alstom, où après avoir plaidé pour une solution européenne, puis envisagé une solution française, il a fini par accepter un plan qui n'est qu'une version remise à jour du projet de rachat initial de GE, qui cède quelques miettes pour s'assurer d'emporter les beaux morceaux de l'entreprise française. Bref, les actes ne suivent pas les mots.

Si la ligne Montebourg continue à se développer de manière intéressante théoriquement, il reste tout de même effarant de constater l'énorme écart qu'il y a entre cette théorie et la pratique. Comment peut-il dire ce qu'il dit et laisser faire ce qu'il laisse faire? Ce grand écart permanent fait de lui l'un des équilibristes les plus audacieux de la politique, pour le meilleur (la promotion de certaines idées) et pour le pire (une nouvelle illustration de l'incohérence et des promesses non tenues des politiques).

Arnaud Montebourg : rien que des mots, toujours des mots...

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