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Comment le gouvernement organise en douce l'étatisation des mutuelles

Avec la généralisation du tiers payant, l'Assurance-maladie réglera le médecin et se fera rembourser par la complémentaire dans le dos de l'assuré. JAN BAUER/ASSOCIATED PRESS

ANALYSE - En encadrant l'activité des complémentaires santé, l'exécutif tente de cacher que la Sécu ne suffit plus à rembourser les soins.

Les complémentaires santé remboursent plus de 14 % de vos dépenses de soins. Un poids qui n'a fait qu'augmenter, lentement mais sûrement, ces dernières années. Or elles risquent bien de disparaître de votre vue. Le gouvernement, en tout cas, s'y emploie… Tout a commencé le 20 octobre 2012. Le président François Hollande promet alors, devant les mutuelles rassemblées à Nice, que tous les Français bénéficieront d'une complémentaire santé d'ici 2017. Sur le moment, la déclaration fut très bien accueillie, on l'imagine aisément, par les acteurs du secteur. La suite les a fait déchanter. «Pour la première fois, les pouvoirs publics traduisaient leur prise de conscience de l'importance des complémentaires santé pour l'accès aux soins, décrypte Étienne Caniard, le président de la Mutualité française. Il leur a donc fallu organiser leur intervention».

En matière de réorganisation du secteur, «nous assistons à une étatisation de la complémentaire santé», lance aujourd'hui Jean-Louis Faure, délégué général du CTIP, organisation rassemblant les instituts de prévoyance. Dans le cadre de la redéfinition des contrats responsables, qui bénéficient d'avantage fiscaux, la ministre de la Santé Marisol Touraine entend par exemple plafonner le remboursement maximal des lunettes par les complémentaires. Ce qui revient à balayer d'un revers de main les efforts déployés par le secteur jusqu'à présent pour limiter l'explosion des coûts des lunettes, via le développement des réseaux de soins et d'opticiens. En un mot, en échange de leur envoyer leurs assurés, les complémentaires contractualisent avec des opticiens pour que ceux-ci baissent leurs prix de 30 % en moyenne. «Il ne s'agit pas d'étatiser le système, proteste-t-on au ministère de la Santé. Il s'agit d'améliorer la régulation du marché pour en limiter les dérives inflationnistes.»

Sur le dos de l'assuré

Dans sa reprise en main du secteur, le gouvernement peut compter sur l'Assurance-maladie. Cette dernière n'a en effet aucun intérêt à voir émerger un deuxième financeur de la Santé. En octobre 2012, lors de l'accord sur les dépassements d'honoraire entre médecins, Sécu et complémentaires santé, ces dernières s'étaient engagées à financer à hauteur de 150 millions d'euros les nouveaux modes de rémunération des praticiens. Or, elles ont découvert que le montage financier final revenait à les faire subventionner directement l'Assurance-maladie sans que leurs assurés le sachent. «On ferme les yeux sur le fait que la Sécu ne suffit plus, analyse Étienne Caniard. Il est très dur pour les organisations politiques de faire le deuil d'une protection sociale qui rembourserait les soins à 100 %… même si cela n'a jamais existé.»

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30 commentaires
  • Mag44

    le

    Qui pouvait douter que nous vivons
    une période de soviétisation ?
    Heureusement , il nous reste le bulletin de vote , mais pour combien de temps encore ?......

  • sophquipeut

    le

    cela fait depuis plus de 10 ans (séparation des livres de la mutualité) que la mort des mutuelles est en route par une loi européenne et dans la plus grande indifférence de nos politiques (tous partis confondus). Leur but est clairement de laisser mourir le plus possible les mutuelles et une fois affaiblies d'en faire une mutuelle de sécu (c'est à dire une mutuelle de merde), la même pour tout le monde et à chaque assuré ensuite, s'il en a les moyens, de compléter avec une assurance privé. Nous (les travailleurs de la mutualité) avons tenté d'alerter les grands partis français, PS, UMP, Verts, FN. Nous avons été reçus par des sénateurs, des députés, des maires d'arrondissements, nous avons interpellé une (à l'époque) future ministre de la santé, nous avons écrit: rien: le NEANT. Ils déplorent tous cette situation affreuse, mais aucune aide, NADA, ça ne les dérange pas plus que ça! Aucun ne souhaite défendre la "particularité française" comme ils disent que représentent les mutuelles! En attendant les œuvres sociales sont en faillite, l'offre de soins baisse de manière catastrophique surtout dans le secteur 1 et les salariés des mutuelles sont licenciés à tour de bras! Tout va très bien Madame la Marquise!

  • Sylvain N.

    le

    La cause des problèmes des comptes sociaux est simple : le chômage. Cela fait moins de cotisants pour les mêmes dépenses. Au moment du gouvernement Jospin on parlait de cagnotte car il y avait eu une création de 2 millions d'emploi.

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