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Les syndicats vent debout contre les annonces de Manuel Valls

Laurent Berger (CFDT) et Jean-Claude Mailly (FO), le 16 juin à Matignon. Alain GUILHOT/Alain Guilhot

VIDÉO - L'ensemble des centrales estime que l'exécutif a cédé au Medef en reportant partiellement le compte pénibilité. Ils veulent marquer le coup, lundi, lors de la conférence sociale.

Un renversement de situation: voilà ce qu'a provoqué l'interview jeudi de Manuel Valls dans Les Échos. Désormais, ce n'est plus le patronat qui menace de perturber la conférence sociale des 7 et 8 juillet, mais les syndicats. Mercredi, l'UPA (artisans) et surtout la CGPME (représentant des PME), qui avait été à l'origine de l'idée de boycott, ont annoncé qu'elles participeraient à ce grand rendez-vous. Le Medef se prononcera vendredi matin. Mais sa présence est très probable. «Les annonces du premier ministre sont susceptibles de lever de nombreuses réticences chez nous», déclare-t-on dans l'entourage de Pierre Gattaz. Il est vrai qu'en décidant un report partiel du compte pénibilité (seuls quatre critères sur les dix prévus seront mesurés en 2015 par les entreprises) et en sécurisant mieux les temps partiels à 24 heures, le premier ministre a répondu aux principales revendications du patronat, celles qui figuraient en tête de la lettre publiée dimanche par huit organisations. Manuel Valls a même outrepassé leur souhait, en évoquant dans son interview une «simplification du Code du travail». Et mercredi sur BFMTV, il est allé encore plus loin en déclarant que «les seuils eux-mêmes (ceux, par exemple, déclenchant la présence de représentants du personnel) ne veulent rien dire».

Mais en tendant ainsi la main aux chefs d'entreprise, le premier ministre a dressé contre lui l'ensemble des syndicats, pour une fois unanimes. La CFDT est furieuse que la réforme qu'elle porte depuis des années - le compte pénibilité - soit reportée. FO ne veut pas d'une simplification du Code du travail, synonyme de plus de «flexibilité», selon Jean-Claude Mailly, son secrétaire général. «Le gouvernement choisi son camp: celui du patronat», dénonce plus généralement la CGT. Qui souligne que le syndicalisme est cantonné «dans un rôle de figuration».

« Cette interview est une rupture en termes de dialogue social »

Laurent Berger, numéro un de la CFDT

De fait, autant que le fond, c'est la méthode employée qui a choqué. «Aucune organisation syndicale n'a été prévenue des annonces du premier ministre. C'est comme pour le pacte de responsabilité, où seul Pierre Gattaz avait été informé du discours du 31 décembre du président. Quel mépris!», tonne Jean-Claude Mailly. Même fureur à la CFDT, où son numéro un, Laurent Berger, estime dans Le Mondeque «cette interview est une rupture en termes de dialogue social». Et d'ajouter: «Le premier ministre fait une erreur.»

Pour tenter de désamorcer la colère des syndicats, le gouvernement leur a fait une concession mercredi. Les points du compte pénibilité seront doublés dès 58,5 ans, et non à 59,5 ans comme prévu, a annoncé Marisol Touraine, la ministre des Affaires sociales. «On réfléchissait à l'aménagement du compte pénibilité depuis une semaine, donc avant la menace de boycott du patronat», ajoute-t-on au ministère, afin de prouver que l'exécutif n'a pas cédé au Medef.

Danger sur les négociations à venir

Pour l'instant, ce geste n'a pas convaincu. FO dit réserver sa réponse pour sa participation à la deuxième journée de la conférence sociale. «Nous allons marquer le coup», prévient Jean-Claude Mailly. La CFDT, elle, ira, mais «avec beaucoup de tension», selon Laurent Berger. Quant à la CGT, elle écrit à François Hollande pour lui demander des «clarifications». Cette colère peut-elle compromettre les prochaines grandes négociations, dont celle programmée sur le dialogue et les seuils en entreprise? Difficile à dire. FO affirme que rien ne garantit sa participation. Plus modérée, la CFDT estime que tout dépendra de la conférence sociale.

Le gouvernement a incontestablement pris un risque avec ces annonces, celui de fâcher une CFDT qui a été un allié de poids dans sa politique de réforme. «Mais il n'avait pas d'autre solution. La pénibilité n'était pas applicable techniquement, et il y avait un vrai risque de fronde, du type “bonnets rouges”, dans le bâtiment», estime Raymond Soubie, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy et président d'Alixio Conseil.

Ce choix est probablement aussi le signe d'une inflexion. Le dialogue entre partenaires sociaux, sur lequel le gouvernement s'est appuyé pour mener ses réformes, ne sera peut-être plus à l'avenir l'alpha et l'oméga de sa politique. Une petite phrase de Manuel Valls en témoigne: «Chacun doit prendre ses responsabilités, y compris le gouvernement, si cela est nécessaire.»

VIDÉO - Report partiel du compte pénibilité, simplification du Code du travail... les annonces de Manuel Valls rassurent le patronat mais pas les syndicats.

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