par Gregory Blachier

PARIS (Reuters) - La réforme territoriale pourrait aggraver la situation des départements déjà confrontés à une hausse du coût des politiques sociales parce qu'elle va ébranler un réseau efficace, estime mardi l'Observatoire national de l'action sociale (Odas).

Selon l'Odas, organe indépendant financé par l'Etat, des associations et d'autres organismes, les départements doivent assumer de plus en plus seuls le coût des politiques sociales, notamment le Revenu de solidarité active (RSA).

Or, à l'heure où les compétences des départements sont amenées à être transférées aux régions ou aux agglomérations selon les voeux du gouvernement, l'Odas estime que la réforme territoriale fait peser un danger à la fois sur les finances et sur l'organisation de l'aide sociale.

"La suppression des départements a été avancée comme une hypothèse utile sans qu'on ait pris la précaution de s'interroger sur leur bilan et ce qu'ils faisaient réellement", estime Jean-Louis Sanchez, délégué général de l'Odas.

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"Ils ont assumé ces trente dernières années avec une rare efficacité leurs responsabilités, ils maîtrisent ces activités de réinsertion, de protection de l'enfance", poursuit-il.

"S'ils sont en danger, ce n'est pas parce qu'ils sont irresponsables mais parce que l'Etat a décidé de leur faire financer en 2004 une allocation (le RSA-NDLR) qui n'est pas de leur compétence. C'est cette décision de l'Etat qui est en train de précipiter les départements vers la catastrophe."

Dans une étude sur le financement de l'action sociale en 2013 publiée mardi, l'Odas juge que la dépense nette d'action sociale des départements a "peu augmenté" sur les trois dernières années, à 3,5% en moyenne par an, compte tenu de besoins croissants.

Il impute cette hausse mesurée à "une maîtrise croissante de certaines dépenses". "En 2013, cet effort se vérifie à nouveau avec une dépense nette d'action sociale des départements qui n'augmentent que de 3,6%" par rapport à 2012, à 33,6 milliards d'euros, souligne le document.

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CHARGE NETTE EN HAUSSE DE 55,2%

Surtout, il relève une augmentation plus forte de la charge supportée par les départements, en raison d'un financement moindre de l'Etat. Ainsi en 2013, cette charge a augmenté de 4,6%, soit un point de plus que la dépense totale.

L'exemple le plus fort est celui du Revenu de solidarité active (RSA), dont le coût total pour les départements a augmenté de 9,8% en 2013, mais dont la charge pour la seule collectivité s'est accrue de 55,2%.

Cela s'explique à la fois par l'augmentation du nombre de bénéficiaires (+7,2% en 2013 selon la Caisse nationale d'allocations familiales) et une baisse des dotations de l'Etat.

Une fois soustraite cette dotation, les départements ont dû apporter sur leurs propres fonds quelque 2,3 milliards d'euros contre 1,5 milliard en 2012.

"Depuis plusieurs années, le taux de compensation financière des départements au titre de cette prestation ne cesse de baisser", écrit l'Odas. Alors que l'Etat supportait 92,2% du coût du RSA en 2004, il en finance 71,3% aujourd'hui.

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Jean-Louis Sanchez rappelle que "la plupart des postes de dépense ne progressent pas, ce qui veut dire qu'il y a une bonne maîtrise. La seule chose qui progresse, c'est le RSA".

PERTE DE 30 ANNÉES DE TRAVAIL

A la précarité des finances départementales s'ajoute, selon le délégué général de l'Odas, le risque de faire éclater par la réforme un tissu social et administratif de proximité, donc d'ajouter un problème opérationnel à celui des comptes.

"Le bilan de l'année 2013 permet de bien voir aujourd'hui que, même si l'on supprime les départements, les problèmes de financement des compétences resteront les mêmes", dit-il.

"Et je ne sais pas si on ne va pas perdre le bénéfice de tout ce qui a été construit ces trente dernières années. Il faut aller en Creuse, dans l'Allier ou même en Seine-et-Marne pour voir l'efficacité de l'action départementale."

A l'appui de son propos, il souligne que les inégalités entre départements en terme d'action sociale "se sont réduites de 30% à 40%", y compris dans des domaines comme la prise en charge des personnes handicapées ou en perte d'autonomie.

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"Les départements sont aujourd'hui de magnifiques acteurs sur la perte d'autonomie, par exemple. Personne ne pense aux dégâts que ça va entraîner sur les systèmes de solidarité, le lien social, le besoin éducatif", déplore-t-il.

"La réforme va entraîner aussi de grands traumatismes dans les populations concernées. Il vaudrait mieux procéder territoire par territoire, car on oublie que les territoires ruraux, c'est la majorité de la population."

(Edité par Yves Clarisse)