Le Premier ministre Manuel Valls lors d'une conférence de presse à Matignon, le 29 août 2014 à Paris

Le Premier ministre Manuel Valls se pose en rempart contre la PMA, mais son annonce semble vide de sens.

afp.com/Patrick Kovarik

Imbroglio sur la gestation pour autrui (GPA). La France doit se conformer à la décision de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), qui l'a condamnée en juin dernier. Manuel Valls semble ne pas l'entendre de cette oreille. Il "exclut totalement" d'autoriser "la transcription automatique" des actes de filiation d'enfants nés de mères porteuses à l'étranger dans une interview à La Croix ce vendredi. Sauf que cette déclaration ne devrait pas être suivie d'effets. Voici pourquoi.

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Pourquoi la CEDH a-t-elle condamné la France?

La juridiction européenne a rendu deux jugements défavorables à la justice tricolore en juin dernier. L'Etat est fautif, selon elle, d'avoir refusé de reconnaître des filiations uniquement car il y avait eu GPA. "On oublie, dans ce débat, un fait essentiel, regrette auprès de L'Express Julien Fournier, avocat spécialiste du droit des familles. C'est que la CEDH se fonde sur l'intérêt supérieur de l'enfant, c'est regrettable de l'oublier au détriment d'une vision politique du débat."

Que veut Manuel Valls?

Le Premier ministre s'oppose ce vendredi à la "transcription automatique" des actes de filiation d'enfants nés par GPA à l'étranger. "Cela équivaudrait à accepter et normaliser" la pratique, selon lui. Il rappelle également l'opposition du gouvernement à la légalisation de la GPA en France.

Ca veut dire quoi?

Que veut Manuel Valls? "Pour moi, sa position n'a pas de sens juridique, estime Julien Fournier. C'est une position politique, une manière de botter en touche" avant la Manif pour tous de dimanche.

Pour bien comprendre la situation, il faut revenir sur le parcours des procédures:

  • d'abord les parents qui souhaitent la reconnaissance de leurs enfants par la France s'adressent au parquet
  • quand celui-ci s'y oppose, les parents peuvent alors contester la décision au tribunal de grande instance. C'est ainsi que, de recours en recours, des affaires se sont retrouvées devant la CEDH
  • la CEDH a donné tort à la France, qui n'a pas fait appel et doit donc, en théorie, se conformer à cette nouvelle jurisprudence

La France peut-elle dire non à la justice européenne?

C'est là qu'interviennent les propos de Manuel Valls, qui semble dire que chaque dossier sera examiné et que rien ne sera "automatique". Or, "il n'y a rien d'automatique en la matière, sourit Julien Fournier. De fait, les juridictions analysent chaque cas, et émettent un refus pour les dossiers incomplets".

Autre point important: "Il faut bien comprendre que les jugements rendus en juin concernent des cas communs. Il s'agit d'enfants nés dans un cadre légal à l'étranger, dont les parents reviennent en France avec des papiers. La CEDH considère que le fait qu'il y ait eu GPA n'est pas un argument suffisant pour refuser un dossier."

L'avocat estime donc que Manuel Valls laisse entendre que l'avis de la CEDH ne sera pas respecté. A l'absurde, la France pourrait à chaque cas de GPA à l'étranger refuser de reconnaître les enfants et laisser remonter la question jusqu'à la CEDH. Mais la France n'a aucun intérêt à recevoir des condamnations à répétition, juge-t-il. "C'est difficilement tenable sur le long terme".

Une "initiative internationale" vouée à l'échec?

Enfin, le Premier ministre a annoncé une "initiative internationale" pour que les pays qui autorisent la GPA n'en accordent pas le bénéfice aux ressortissants des pays qui l'interdisent. Combat qui aurait peu de chances d'aboutir, selon Julien Fournier: "C'est purement politique, c'est un coup d'épée dans l'eau".

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