Le secrétaire d'Etat à la Réforme territoriale, André Vallini, à la sortie du Conseil des ministres le 3 juin 2014 à Paris

Le secrétaire d'Etat à la Réforme territoriale, André Vallini, chiffre à une dizaine de milliards les économies réalisées par la réforme territoriale.

afp.com/Alain Jocard

Le conseil des ministres va adopter ce mercredi la fameuse nouvelle carte des régions. Avec des économies à la clé ? Sûrement pas sur ce chapitre. En revanche, la réforme territoriale pourrait porter ses fruits dans d'autres domaines, dont on parle moins.

Publicité

Si le Parlement suit la proposition de François Hollande, il n'y aura donc plus 22 régions en métropole, mais seulement 14. Il s'agit du prélude à une vaste réforme territoriale qui, globalement, va renforcer les régions et les intercommunalités au détriment des départements et des communes, le couple qui dominait le paysage local depuis la Révolution française.

Moins d'un euro d'économies par Français

Cette réforme est supposée entraîner de très fortes économies, ce que les Français apprécient. "12 à 25 milliards d'euros", a annoncé dans un premier temps André Vallini, le secrétaire d'Etat chargé du sujet. Avant de ramener l'évaluation à une dizaine de milliards d'euros. En réalité, personne n'en sait rien. Voici pourquoi.

La seule chose à peu près certaine, c'est que le passage de 22 à 14 régions, à lui seul, n'aura à peu près aucun effet dans ce domaine. Il y a certes un peu moins d'élus, mais cela ne pèse rien : environ 40 millions, soit moins d'un euro par Français. On est dans le symbole.

Plus sérieuses sont les économies à attendre sur les achats de matériel : la nouvelle Grande Normandie, par exemple, devrait payer moins cher ses TER, puisque les prix baissent quand les volumes augmentent. Mais cela n'ira pas bien loin d'autant que, dans un premier temps, la création de grandes régions va entraîner une hausse des coûts de fonctionnement ! Il va en effet falloir harmoniser les statuts des personnels et, naturellement, cela va se faire par le haut. Ainsi, le régime indemnitaire en Bourgogne est plus favorable aux agents qu'en Franche-Comté et il ne faut pas être grand clair pour deviner que l'on va augmenter les indemnités des seconds.

Il en ira de même pour les dotations aux lycées, les tarifs de restauration scolaire, l'aide à l'achat des manuels. Les Lorrains n'accepteront pas d'être moins bien traités que les Alsaciens, et réciproquement. Là encore, le souci de l'égalité conduira à s'aligner sur le mieux-disant. Avec un surcoût à la clé.

Enfin et surtout, qu'il y ait 14 ou 22 régions, il faudra toujours assurer les services que rendent les Conseils régionaux : construire les lycées, faire circuler les trains régionaux, assurer la formation professionnelle. Trois compétences qui absorbent 90 % des dépenses et qui seront évidemment maintenues, sauf à imaginer une dégradation du service public.

Si la fusion des régions est spectaculaire, elle est donc secondaire, d'autant que les régions ont des budgets très faibles.

Quatre pistes

Si économies il doit y avoir, il faut donc les chercher ailleurs. Voici quatre pistes beaucoup plus sérieuses :

  • La fin de la clause générale de compétences laquelle, en clair, permet aux élus d'intervenir dans tous les domaines. Ce n'est pas toujours inutile _ c'est ainsi notamment que le département de la Vienne a pu créer le Futuroscope. Mais c'est souvent la porte ouverte à des dépenses moins stratégiques. Cela débouche surtout sur une multiplication du nombre d'acteurs sur un même dossier, avec, au bout du compte, des fonctionnaires en plus et des décisions plus lentes.
  • La réforme des intercommunalités, que le gouvernement veut faire passer de 5000 à 20 000 habitants au minimum. Un seuil qui devrait permettre de créer des territoires en adéquation avec les bassins de vie des Français, mais aussi de réduire les doublons entre ces "interco", comme on dit, et les communes. C'est là que la Cour des comptes a pointé le plus de dérives.
  • La suppression des conseils départementaux, avec transfert de leurs compétences aux intercommunalités et aux régions. Logiquement, cela devrait permettre des économies d'échelle. Prenons l'exemple de l'Education. Il y aujourd'hui une direction des lycées à la région Aquitaine et une direction des collèges dans chacun des 5 départements qui la composent. Ce qui en fait six en tout. Demain, si les régions récupèrent la gestion des collèges, il n'y aura logiquement plus qu'une direction des collèges et des lycées. Ou alors c'est à désespérer.
  • Il faut enfin espérer quel'Etat profite de cette réforme pour faire le ménage chez lui. Car ses services doublonnent aussi souvent avec ceux des élus dans des domaines qu'il a pourtant décentralisé (emploi, routes, tourisme, etc)

Bien malin, cependant, qui peut chiffrer ces différents phénomènes. Ce qui est sûr, c'est que le gouvernement a d'ores et déjà décidé de faire des économies budgétaires en décidant unilatéralement de baisser fortement ses subventions aux collectivités locales. Mais ne rêvons pas : si cela va sans doute obliger les élus à dépenser mieux en se réorganisant, cela peut aussi les conduire à baisser les impôts ou à tailler dans leurs investissements. Et là, nous trouverons vous et moi nettement moins sympathiques les économies entraînées par la réforme territoriale ...


Publicité