EUROPE - Et si l'économie souterraine était moteur de croissance en Italie ? L'an prochain, le pays inclura dans le calcul de son produit intérieur brut les revenus estimés du trafic de drogue et de la prostitution. Une procédure que l'ISTAT, l'équivalent de l'INSEE en Italie, juge "très difficile pour la raison évidente que ces activités illégales ne sont pas déclarées."
Mais selon les prévisions d'Eurostat, l'organisme européen en charge des statistiques de l'Union, cette décision pourrait faire bondir la croissance du PIB italien de 2,4%, un point de plus que les prévisions. Bien sûr, cela n'implique pas un changement de la croissance réelle, on ajoute simplementde nouveaux éléments à l'addition: la prostitution et le trafic de drogue donc, mais aussi la contrebande de tabac et d'alcool.
Des effets dans toute l'Europe
Mais cette "croissance" ne concerne pas seulement l'Italie. En février, le Parlement européen avait demandé aux Etats-membres de comptabiliser les revenus de l'économie souterraine dans le PIB dès septembre 2014, et ce par soucis d'équité. Aux Pays-Bas par exemple, la vente de cannabis est légale, ce qui dope la richesse nationale par rapport à celle d'un pays où ces activités sont illégales. Or, sachant que les contributions nationales au budget de l'Union sont calculées selon le PIB, l'Europe se devait de corriger cet écart, parfois conséquent.
Toujours selon Eurostat, les PIB finlandais et suédois pourraient augmenter de 4 à 5 points grâce à la prise en compte des nouveaux chiffres. Les Etats-Unis, qui ont appliqué ce calcul dès juillet 2013, avaient connu une hausse de 3% de leur produit intérieur brut, tandis que la Grèce avait vu le sien bondir de 25% en 2006, grâce à la prise en considération de la prostitution et du blanchiment d'argent.
En 2012, la banque nationale italienne estimait même que les revenus de la drogue et de la prostitution représentaient l'équivalent de 10,9% du PIB. Dans son calcul, l'Italie prend déjà en compte depuis 2008 les revenus des entreprises qui ne payent pas d'impôt pour un montant qui représente entre 16 et 17% du PIB annuel.
Quantifier la taille de l'échec
Mais cette décision du Parlement européen de quantifier l'économie souterraine est loin de faire l'unanimité. Elle avait été largement décriée en Angleterre à l'annonce de la mesure. Selon le député conservateur britannique Mark Garnier, il s'agissait d’une perte de temps: "On demande aux gouvernements de quantifier la taille de l’échec de leur politique."
Et si cette torsion artificielle du PIB irrite, elle devrait aussi donner plus de crédit aux autres indicateurs de la richesse nationale que tentent de populariser plusieurs organisations internationales. Parmi les plus populaires, l'IWI (indicateur de richesse inclusive), créé par l'ONU, prend en compte le "capital environnemental", c'est-à-dire le respect de l'environnement et des ressources naturelles du pays. Selon cet indicateur, la richesse nationale chinoise aurait diminué de moitié entre 1998 et 2008.
L'IDH -pour indicateur de développement humain- et le Bonheur national brut, ou BNB, sont les deux autres indicateurs atypiques les plus répandus. Le premier inclut la richesse "humaine" d'un pays en considérant l'évolution de l'espérance de vie, du niveau d'éducation et du niveau de vie de la population. Le BNB, lui, prend également en compte des facteurs environnementaux et humains en plus du développement économique.