Les « circonstances » où la Marseillaise est un karaoké d’estrade

Christiane Taubira semble penser comme d’autres, qu’elle peut se dispenser de chanter la Marseillaise lors de commémoration de l’abolition de l’esclavage.

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Christiane Taubira (Crédits Philippe Grangeaud-Parti Socialiste, licence Creative Commons)

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Les « circonstances » où la Marseillaise est un karaoké d’estrade

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 13 mai 2014
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Christiane Taubira semble penser comme d’autres, qu’elle peut se dispenser de chanter la Marseillaise lors de commémoration de l’abolition de l’esclavage. « Il y a des circonstances qui appellent davantage au recueillement… qu’au karaoké d’estrade ».

Par Phoebe Ann Mo$e$

Taubira

Il n’est pas question ici de débattre du fait de chanter ou non l’hymne national, plusieurs personnalités politiques ou non s’étant déjà illustrées à ce sujet. Il convient seulement de remettre dans son contexte la déclaration de Christiane Taubira visible depuis dimanche sur sa page Facebook, et qui relève bien plus de la manipulation de l’opinion que d’un idéal supposé républicain.

Il serait bon de rappeler quelques principes de base à Madame Taubira, née à Cayenne en 1952, 6 ans après que la Guyane est devenue un département français. Elle n’a donc pas connu personnellement l’esclavage, et si elle est devenue un jour ministre de la Justice à la métropole, elle le doit probablement à la « liberté » et à « l’égalité » de son pays.

Christiane Taubira voudrait nous faire croire qu’elle ne chante pas la Marseillaise parce que cet hymne la rabaisserait au niveau des patriotes, qui comme on le sait bien, sont tous d’affreux esclavagistes. Elle semble nous dire qu’il y a deux catégories de Français : les opprimés (qui ne chantent pas) et les oppresseurs (qui chantent). Comment penser que cette femme, dont on dit qu’elle est cultivée, bonne oratrice et rhétoricienne, qui place dans chacun de ces discours une citation littéraire, avec un lyrisme parfois déplacé, comment penser qu’elle aurait commis encore une « maladresse » ou un « couac » ? François Hollande, il y a quelques jours, a relancé la proposition du droit de vote des étrangers. Et maintenant, Christiane Taubira décide qu’il y a des circonstances où, en effet, on peut ne pas chanter la Marseillaise. Tiens donc. Voilà donc où l’on voulait nous amener : à un puant amalgame fait par Christiane Taubira elle-même : la Marseillaise = patriotisme = groupe de ceux qui n’aiment pas les étrangers. Ne pas la chanter = être libre et tolérant = de gauche.

Halte donc au rapt ! Sur l’hymne, le drapeau, la Nation, la République. Halte au hold-up sur l’Histoire par celles-là et ceux-là qui se vautrent dans leur confort de classe, prêchent l’exclusion et le repli, et qui, par ces intimidations et ces traques, affichent des pratiques de miliciens.

C’est navrant d’infantilisme. C’est le contraire des valeurs de liberté, puisque d’elle-même elle oblige les individus à se positionner dans un groupe, dont ils ne doivent pas sortir. La Nation n’a-t-elle donc plus que cette carte à jouer pour montrer qu’elle sait accueillir : titiller les plus bas instincts et attiser le sentiment communautariste ? C’est dire combien on sait en haut lieu donner envie d’être Français. Pour une personnalité politique supposée cultivée et sensible, il semble bien que nous avons plutôt à faire à quelqu’un qui joue avec le feu, et qui n’aime nullement la diplomatie et le tact. Il suffit d’ailleurs de lire les termes qu’elle choisit dans sa déclaration pour se faire une idée de la modération de ses propos (l’allusion à la gégène étant probablement un morceau de choix). En période d’élections, on savourera pleinement la brillante idée de créer une nouvelle polémique.

Madame Taubira, dans la Marseillaise, savez-vous qu’il y a une phrase qui indique justement que c’est un hymne qui rassemble ? « Contre-nous de la tyrannie », savez-vous ce que cela signifie ? Que cet hymne est celui de ceux qui se lèvent contre l’oppresseur.

Mais avec la gauche on est en plein 1984 de George Orwell : la guerre, c’est la paix. La liberté c’est l’esclavage. L’ignorance c’est la force. Et la patrie, c’est le communautarisme ? On peut dire tout et son contraire, c’est ce qui est bien quand on est ministre.

Enfin, dire clairement qu’il y a des « circonstances » où l’on peut ne pas chanter la Marseillaise, c’est valider le fait qu’on peut se sentir Français à certains moments, et pas à d’autres. Certes, il y a des périodes de l’Histoire où l’on peut ne pas être fier de l’attitude de son propre pays. Mais n’est-ce pas le lot de tout pays, d’avoir ses ratés ? Sentir que l’on fait partie d’un pays, ce n’est pas le célébrer quand ça nous chante, et le dénigrer quand cela ne nous arrange pas. Non, c’est même exactement le contraire : c’est assumer son passé, car il fait partie de nous, de ce que nous sommes aujourd’hui. Refuser cela c’est permettre une nation « à la carte » donc divisée.

Alors puisqu’on peut choisir ses « circonstances » où l’on est fier ou pas de son pays, décidément, ma circonstance à moi a commencé le 6 mai 2012 et se terminera – peut-être – en 2017.

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  • Toutes mes excuses. Le contexte de la fameuse soirée « Karaoke d’Estrade » c’était un moment de recueillement sur un lieu commémorant l’esclavage. Dans ces conditions, mais quand même en général, chanter l’hymne national c’est d’une indécence vraiment génante.
    Le 14 Juillet, le président ne chante pas l’hymne. Baste.

    • Je ne crois pas que grand monde reproche à Taubira de s’être tue, après tout, comme Pompidou, elle chante sans doute comme une casserole. Le problème est dans son argumentation qui vise à distinguer, comme le dit bien l’article, les bons qui se taisent des méchants qui chantent. Belle argumentation pour une ministre de la république !

    • Commémorant l’abolition surtout ! Donc que la France se souvienne qu’elle l’avait (enfin) abolit et qu’elle puisse être fière de ses avancées tout en se rappelant ses erreurs, je ne vois rien de choquant à ce que nous chantions. Comme dit dans l’article nous sommes Français. Nous ne sommes ni tout blanc ni tout noir. Et que je sache pour les commemorations (au hasard 8 mai…) on se recueille et on chante non ?

  • De toute façon, pour reprendre H16 : « ce pays est foutu ».

    Je ne sais pas exactement quand le pays est entré en guerre froide civile, mais il n’y a plus grand chose qui rassemble les français aujourd’hui, si ce n’est un Etat coercitif et tout puissant.

    Hier encore, à un jet de pavé de chez moi, une demi douzaine de flics arrêtaient aléatoirement des automobilistes. Ce n’était pas à proprement parlé un barrage parce qu’un dangereux criminel était recherché dans le voisinage, mais seulement une entreprise de suspicion généralisée qui postule qu’en chaque conducteur sommeille un délinquant ou un contrevenant.

    C’est un bon symbole de ce qui se passe dans le pays, où une partie des habitants soupçonnent une autre partie d’être de mauvais citoyens. D’un côté, on pense que « l’ennemi » est un infâme raciste sans morale, tandis que de l’autre côté « les collabos » vendent le pays à l’étranger…

    Dans leur délire de pouvoir, les politiques n’ont que la France à la bouche et oublient régulièrement de s’intéresser aux Français. Pire, ils passent leur temps à les diviser et les opposer entre pauvres et riches, de gauche et de droite, gentils et racistes, etc…

    Je repense au billet « N’aidez pas votre prochain… » et je me dis que si j’étais courageux, si on était plusieurs, si je m’en foutait pas un peu finalement; je pourrais venir en aide aux automobilistes arrêtés aléatoirement en demandant aux flics pourquoi ils ne refusent pas de jouer à la Stasi, pourquoi on peut arrêter quelqu’un sans qu’il ait commis une faute ou un délit…

    Madame Taubira fait partie d’un gouvernement (le précédent n’était pas mieux) qui grignote chaque jour notre liberté d’agir, de se déplacer, de dire ce que bon nous semble, et même de penser. Il ne faut pas qu’elle s’étonne qu’on ne lui reconnaisse pas la liberté de ne pas chanter la Marseillaise.

    En filigrane, sur la vidéo télévisée, Valls, lui, chante. Alors, doit-on croire d’après la Garde des Sceaux, qu’il ne se recueille pas assez en s’adonnant à un « Karaoké d’estrade »…

    • Je suis bien d’accord avec vous, à part sur le fait que je n’ai aucune envie de me battre avec les armes des socialistes afin de les fustiger.
      Pour moi, si elle n’a pas envie de chanter la marseillaise, grand bien lui en fasse et ce n’est pas un libéral qui va le lui imposer.

  • Ce n’est pas que j’apprécie Mme Taubira, et du reste les appréciations personnelles n’apportent rien au débat, mais, en lisant le lien de sa page Facebook, il est difficile d’être en accord avec l’auteur de billet.
    Tout ceci n’est que polémique, de bas étage, vous reprochez à Mme Taubira ce que vous même pratiquez.

  • Jamais une indépendantiste n’aura autant vécu au crochet du pays.

    • … en faisant ce que Jean-Marie Le Pen de mieux …

      Tant qu’il y aura des clébards pour aboyer après la caravane, pourquoi se priver ?

  • elle est parfaite,et je sais de quoi il en retourne « ..

  • Qu’elle n’ait pas chanté la Marseillaise, peu me chaut. Elle peut faire ce qu’elle veut et faire de la provoc comme elle veut.
    Mais le terme « karaoké d’estrade » est insultant pour ceux qui ont chanté. Et pour un ministre, tenir de tels propos, ça ne le fait pas .

    • Tout à fait d’accord : elle n’attaque pas d’éventuels fascistes ni ne se revendique de grand chose avec le choix de ce terme. L’article me semble louper sa cible.

    • Je suis également sur cette ligne.
      Si on se remet dans le contexte, il se trouvait une personne qui chantait la Marseillaise. On pouvait l’accompagner, et on pouvait aussi l’écouter et se recueillir. C. Taubira a choisi la seconde option. Mais en tenant le propos que les autres faisaient du karaoke d’estrade, elle a alimenté un feu une nouvelle fois malsain. Les réactions à sa provocation sont normales. Elle devrait franchement revoir son comportement ou au moins sa communication. Une telle commémoration aurait du être un moment de rassemblement ou de pause dans les anicroches politiciennes, c’est raté.

      • Alors dans le monde civilisé, celui du web, un troll on ne réagit pas tous en même temps en alimentant sa provocation. C’est dommage de ne pas appliquer ces règles avec les plus gros trolls du monde… on peut d’ailleurs se demander si leur crainte du web ne vient pas de là.
        Taubira n’a pas chanté, voilà, derrière on la provoque à moitié, elle répond en provoquant totalement… il n’y a pas scandale si on se contente de ça, si on passe à autre chose.

        • – « Elle n’attaque pas d’éventuels fascistes »
          la « gégène » et les « miliciens » pour évoquer ses détracteurs, c’est quand même légèrement connoté …
          – « il n’y a pas scandale si on se contente de ça, si on passe à autre chose » : je suis d’accord, c’est l’escalade dans la provocation. Mais alors on laisse dire tout et n’importe quoi à des gens qui font nos lois ?

          • Elle n’attaque pas d’éventuels fascistes en parlant de karaoke d’estrade. Ce n’est pas parce qu’elle parle de fascisme par ailleurs que tout ce qu’elle dit est systématiquement contre le fascisme. Et, encore une fois, en disant n’importe quoi sur cette déclaration on se retrouve finalement à ne pas la condamner réellement : le commentaire de Pascale, en une phrase, est plus fort contre la déclaration que tout un article qui ne cesse de vouloir la prendre comme prétexte pour parler d’autre chose.
            L’escalade de la provocation se fait parce qu’il y a une caisse de résonance. Si plus personne ne rediffusait les petites phrases des politiques peut-être qu’il s’y amuseraient moins. Après… si vraiment on veut condamner des choses insignifiantes plutôt que de s’occuper des choses importantes qui nécessitent de trouver des raisonnements un peu plus travaillés, qu’à cela ne tienne. Enfin l’attaque sur la légitimité des responsables par rapports à des conneries qu’ils peuvent sortir est du même domaine que l’argument inverse d’autorité : en fait si la moindre connerie était éliminatoire on ne pourrait plus rien faire. Ce qui ne va pas c’est que les politiques se retrouvent à être payés pour faire de telles provocations parce que c’est la seule chose qu’on retient d’eux et que nous passons du temps à discuter dessus… ça ou la non-sélection soit-disant scandaleuse de Nasri en équipe de France : c’est du même tonneau. Faut-il tendre le micro aux trolls ? non, et pourtant c’est ce que font de plus en plus les journalistes, parce que ça fait du buzz à moindre frais. C’était la stratégie de comm’ de Lefebvre par exemple sous Sarkozy, à donner des os à mordre à tout le monde, et ma foi ça marchait parfaitement, il aurait eu tort de s’en priver.

  • La France a le mérite de l’avoir aboli cet esclavage et ce fut même la première nation qui osa le faire. Elle fut donc pionnière et ouvrit la voie pour les autres. Qui, bien souvent, n’ont pas eu ce courage ou bien, si tardivement.

  • Elle aurait dû répondre : « je n’ai pas chanté la Marseillaise car on ne m’a pas donné de micro », ça aurait mis fin à toute cette stupide polémique.

  • Karaoke d’Estrade » c’est une honte
    mais on sait que si les socialistes se gargarisent de citoyen et de République, ils honnissent la nation et la Patrie
    CQFD

  • « Christiane Taubira voudrait nous faire croire qu’elle ne chante pas la Marseillaise parce que cet hymne la rabaisserait au niveau des patriotes » Alors je ne sais pas ce que pense Taubira en général et je m’en moque un peu. Mais je comprends de sa tirade tout l’inverse : à savoir qu’elle ne considère pas que chanter la Marseillaise devrait être du domaine du spectacle télévisuel comme ça l’est devenu aujourd’hui. Personnellement j’y vois une certaine hypocrisie dans la mesure où la politique nationale est devenu mécaniquement une partie du divertissement proposé par le mass-media et où Taubira y participe particulièrement, plus que certains autres en tous cas, et qu’elle y participe encore ici.
    « Ne pas la chanter = être libre et tolérant = de gauche » Je ne crois pas qu’elle dise ça encore une fois, puisqu’elle parle de recueillement… pour un peu elle parlait d’une sensibilité personnelle tandis qu’elle était présente en tant que responsable et représentante.
    « la Marseillaise = patriotisme » non, elle dit « la Marseillaise = karaoke » : c’est discutable mais encore faut-il en discuter. Ici on discute d’intentions qu’elle aurait peut-être exprimées une autre fois (j’aurais aussi des choses à dire sur l’interprétation qui est faite de la citation), de quelque chose qui n’a rien à voir avec ce qu’elle a dit et sans doute avec ce qu’elle a voulu dire.
    Pourquoi ne pas lui faire dire « la Marseillaise = manger des frites » quitte à dire tout et n’importe quoi ?

  • Ca censure sec… 🙁

  • Qu’elle démissionne si elle n’est pas fière de notre hymne et de son histoire. Oui, la France a commis des horreurs, comme tous les autres pays (et Taubira ferait bien de se taire vu son propre passé d’activiste).
    Le sang impur n’était pas aristocratique en 1792, d’où les paroles que des bobos devenu parisiens, veulent assimiler à un quelconque racisme absurde.
    La Marseillaise DOIT être chantée par TOUS les membres du gouvernement. Notre constitution est assez explicite pour que cette femme qui se veut garante de nos lois, l’applique et fasse ses plus plates excuses au Peuple français.
    Plutôt que de ne fredonner que le refrain , qu’elle relise l’intégralité des paroles de cette Marseillaise, de Notre Hymne qu’elle méprise, peut-être prendra t-elle conscience que oui, cet hymne là est fort et mérite le respect, comme le Peupke de France qui ne cesse d’être méprisé. Honte à cette femme et honte à « notre » président qui ne défend pas notre Hymne, honte à ce lâche.

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