Amiens : un prêtre condamné à 18 mois de prison ferme pour pédophilie

 

Amiens : un prêtre condamné à 18 mois de prison ferme pour pédophilie

    Un prêtre de 40 ans a été condamné mardi par le tribunal correctionnel d'Amiens à trois ans de prison dont 18 mois ferme pour des agressions sexuelles sur mineurs, commises pendant dix ans. Stéphane Gotoghian a été reconnu coupable au regard «de la gravité des faits commis au préjudice de cinq victimes (ndlr : quatre étaient parties civiles) alors qu'il avait autorité sur elles, sur dix ans (entre 2002 et 2012), et que toute dangerosité ne peut être écartée». Le tribunal a accompagné la peine d'un suivi socio-judiciaire de 5 ans.

    «On aurait pu arrêter ça bien avant», a regretté la procureure Françoise Dale dans son réquisitoire. L'affaire «porte une atteinte majeure aux valeurs défendues par cette Eglise», a-t-elle ajouté, requérant quatre ans d'emprisonnement, dont la moitié ferme.

    «C'est une grande satisfaction», a déclaré l'un des avocat des parties civiles Me Jérôme Crépin. «On a senti une partie de la communauté religieuse, dans ses plus hautes sphères, qui souhaitait continuer, si ce n'est à étouffer ces affaires, à régler ce type de problème en famille. Au-delà des principes qui régissent l'Eglise, il y a la loi qui nous régit tous», a-t-il souligné.

    Jamais suspendu par l'évêque malgré des témoignages

    Outre la parole donnée aux victimes, le procès a vu témoigner l'archevêque de Besançon, Jean-Luc Bouilleret, ancien supérieur hiérarchique du prévenu.

    Malgré des rumeurs persistantes, malgré le témoignage de trois abbés qui ont déclaré avoir prévenu oralement celui qui était alors évêque d'Amiens, ce dernier a simplement retiré Stéphane Gotoghian des fonctions en contact avec des adolescents, mais ne l'a jamais suspendu. Après un entretien avec une famille qui lui a signalé des «faits» entre leur fils et le prêtre, il a prévenu le procureur qui n'a pas lancé d'enquête, faute de détails.

    A aucun moment, l'évêque n'a demandé de précisions sur les faits ni sur l'âge de l'enfant. «Je n'ai pas l'impression d'avoir été léger, j'ai l'impression de ne pas avoir eu suffisamment d'informations», s'est défendu l'ecclésiastique, qui s'est dit «catastrophé» par cette affaire.

    L'accusé a presque tout reconnu

    Les quatre victimes qui se sont portées parties civiles -- dont deux âgées de moins de quinze ans à l'époque des faits -- viennent de bonnes familles amiénoises très pratiquantes dans lesquelles Stéphane Gotoghian «s'est introduit avec sa bonhomie, son statut de prêtre», a de son côté dénoncé l'avocate de trois des victimes, Me Anne-Sophie Baert.

    C'est la plus jeune des victimes, alors mineure, qui a brisé le silence en 2012, alors que sa cousine l'interrogeait sur des messages déplacés reçus du prêtre.

    L'adolescent raconte pour la première fois un schéma qui se révélera récurrent chez les victimes : une invitation au cinéma et des caresses, dans le noir, sous un manteau, par-dessus la toile du pantalon.

    L'accusé a reconnu presque tout. Il a réfuté avoir tenté de passer la main sous le tissu. Il a réfuté surtout les faits les plus graves rapportés par le frère aîné de ce premier témoin, des faits antérieurs : des attouchements dans le lit d'une chambre d'amis du prévenu, chez qui l'adolescent était venu réviser le bac.

    Il renonce à faire appel

    «C'est abominable», a répété Stéphane Gotoghian au sujet de ses actes, se qualifiant même de «monstre», lors de l'audience.

    Il a parlé à plusieurs reprises d'une «attention forte, qui a dérapé», d'un «déraillement complet». Il a dissocié systématiquement son état d'esprit de l'époque de la prise de conscience qu'il a eue lors de sa confrontation avec les deux premières victimes déclarées.

    Jamais, soulignent les parties civiles, le prévenu n'a demandé aux adolescents de ne rien dire, preuve de son ascendant sur eux.

    «On lui a fait un peu payer le fait d'être prêtre», a regretté le conseil de la défense, Me Jacques Trémolet de Villers. L'avocat ne fera pas appel, malgré une peine qu'il trouve sévère.