Depuis sa fondation, Montréal a vu se succéder plusieurs styles d'architecture plus ou moins marquants. Des spécialistes identifient six points distinctifs de l'habitat des Montréalais.

La pierre de Montréal

Jusqu'en 1918, on construisait les maisons de Montréal avec de la pierre calcaire grise extraite à même ses entrailles, dans des carrières situées le long de la rue qui en porte aujourd'hui le nom. « C'était rentable à l'époque d'extraire, tailler, finir la pierre : les coûts de main-d'oeuvre étaient très faibles », note David Hanna, professeur au département d'études urbaines de l'UQAM. La brique a repris le dessus après la Seconde Guerre et l'épidémie de grippe espagnole, quand la main-d'oeuvre s'est raréfiée et que le prix de la pierre a monté en flèche.

Le plex

Montréal est l'une des villes d'Amérique du Nord qui comptent, toutes proportions gardées, le plus de « plex ». « Dans les villes plus riches, le besoin d'avoir des revenus de location n'était pas aussi important pour permettre l'accès à la propriété », remarque Philippe Lupien, professeur à l'école de design de l'UQAM et architecte. Or, « malgré le fait qu'ils étaient mal construits (fondations de mauvaise qualité, acoustique déficiente, isolation insuffisante, etc.), ils ont bien duré dans le temps et s'adaptent encore bien aux besoins des familles d'aujourd'hui ». Leur toit plat, par exemple, se transforme bien pour accueillir une terrasse ou un jardin, note François Racine, professeur au département d'études urbaines de l'UQAM.

Archives La Presse, Marco Campanozzi

Même si les ventes de plex ont connu une forte baisse en juillet de cette année par rapport à 2016, les autres types de propriétés ont trouvé bon nombre de preneurs sur le marché à Québec.

L'escalier extérieur

Rien de plus illogique, dans un pays nordique où la neige est abondante, de construire un escalier extérieur qu'il faut déblayer tout l'hiver. « Et pourtant, Montréal est champion des escaliers extérieurs, à l'avant comme à l'arrière », note David Hanna. On l'a fait pour gagner plus d'espace, mais cela a profondément marqué notre façon de vivre au quotidien. « Grâce aux balcons aussi, qui sont aussi très populaires, nous sommes beaucoup plus en relation avec les voisins, il y a un espace pas tout à fait public, pas tout à fait privé, qui permet d'échanger et de tisser des liens. »

Photo Robert Skinner, La Presse

Le salon double

Une proportion importante des plex de Montréal affiche une largeur de 25 pieds, bâtis sur une base de deux solives qui mesuraient en moyenne 12 pieds. Ce faisant, le salon double s'est imposé comme la solution de choix pour permettre de faire pénétrer le plus de lumière possible dans la maison. « On prend ainsi de la lumière à partir d'une autre pièce pour maximiser la luminosité », explique François Racine. Pour les mêmes raisons, les fenêtres sont typiquement deux fois plus hautes que larges, à l'avant :  « Elles sont assez hautes pour qu'on puisse voir le ciel », précise l'expert.

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

La ruelle

La ruelle - ou la « lane », d'origine écossaise -, qui s'est tranquillement imposée dans les ensembles résidentiels de l'île au début du XXe siècle, est un autre exemple de l'adaptabilité de l'architecture montréalaise aux réalités actuelles. Plusieurs ont été transformées en ruelles vertes, extension de la cour arrière dont profitent petits et grands. « Mais ce seraient aussi de beaux espaces pour brancher les voitures électriques. Plusieurs villes ne pourront pas s'y adapter [faute de place pour installer suffisamment de bornes de recharge], mais Montréal, oui », croit Philippe Lupien.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

La tour d'appartements

L'immeuble à appartements s'est difficilement imposé à Montréal, remarque Francine Vanlaethem, professeure émérite à l'école de design de l'UQAM. On a vu les premiers apparaître au lendemain de la Première Guerre mondiale pour les familles bourgeoises à la taille réduite par le conflit ou la grippe espagnole : Le Château, 1321, rue Sherbrooke Ouest, est l'un des premiers (1925) avec l'îlot Trafalgar-Gleneagles (1931), très chics. « Les perceptions ont changé dans les années 60, et il y a eu un engouement tant des promoteurs que des acheteurs : près de 2000 unités ont été mises en chantier en 1964, dit-elle. Malgré son cadre uniformisé, l'immeuble à appartements en hauteur devient dès lors le symbole d'un nouvel art de vivre pour les célibataires et les mieux nantis. »

Photo Martin Chamberland, La Presse