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Tribunal populaire

Catch. Quand un plateau de télévision se transforme en tribune pour les procureurs de la nouvelle Inquisition…

Denis Tillinac face à Aymeric Caron. Que serait-il advenu du premier si le second avait été magistrat ? Photo ©
Denis Tillinac face à Aymeric Caron. Que serait-il advenu du premier si le second avait été magistrat ? Photo ©

Samedi soir de goguette au Moulin-Rouge où Ruquier plante les pénates de son émission On n’est pas couché. M’y voilà convié au titre d’auteur d’un libelle où je tâche de montrer qu’un “réac” n’est pas un diable cornu et fourchu. Également invité pour un livre qu’il vient de publier, Field commente brièvement le mien avec une bienveillance amusée. Il n’est sûrement pas d’accord mais il a pigé le sens de mon propos.

Natacha Polony, qui a de la culture et du jugement, s’est évertuée à entrer dans le vif du sujet. Nos vues divergent souvent, Natacha est plus entichée de “laïcité républicaine” que moi, mais ses arguments sont fondés en raison, et elle examine ceux d’autrui sans les diaboliser.

Invitée politique de l’émission, Emmanuelle Cosse, la patronne des Verts, a répondu fort courtoisement à une question que je lui posais sur la pertinence de son parti. Ruquier ayant présenté mon livre sans acrimonie, avec son humour pétillant et des réserves plausibles, j’envisage l’hypothèse d’un échange d’idées serein entre gens de bon aloi avec en prime des tranches de rigolade.

Or, me voilà soudain en butte à un “journaliste” obtus, confus et haineux dont l’objectif manifeste est d’empêcher que le contenu de mon livre soit abordé. L’a-t-il lu ? Cela se peut. Qu’il n’y ait rien compris, cela ressort sans équivoque des amalgames, insinuations, citations hors contexte visant à me caricaturer en un hérétique de sa propre démonologie. Elle procède du brouet idéologique gaucho, bobo et écolo le plus bas de plafond.

Il n’est pas étonnant que l’intéressé m’ait perçu comme un adversaire et il eût été dans son rôle en me critiquant. Mais il m’a livré en bouc émissaire à la vindicte de tous ceux qui, peut-être sincèrement, donnent dans le manichéisme opposant le bon gaucho au vilain réac.

C’était du lynchage médiatique et en temps de géhenne historique, ça aurait pu me valoir une balle dans le dos ; à preuve, la teneur des insultes sur Internet consécutives à l’émission. En l’écoutant vitupérer sans humour ni recul, je me suis dit qu’on n’aimerait pas tomber dans ses pattes s’il était flic ou magistrat. Je me suis dit aussi — j’avoue ce trait de poujadisme — que ce butor est rémunéré avec mes impôts, puisque sévissant sur une chaîne publique.

Le comble fut atteint lorsque j’évoquai la traque endurée par Finkielkraut, philosophe nuancé à tous égards, pour avoir simplement fait état des “Français de souche”. De toute évidence, à l’aune de mon triste procureur, leur existence même est une incongruité. Un chanteur de rock venu présenter son CD crut devoir rajouter une couche de mépris “multiculturel” et je fus sommé de regagner illico ma campagne pour y touiller ma franchouillardise.

De nombreux “Français de souche”, présents le lendemain au Salon de l’agriculture, m’ont assuré de leur sympathie, ayant compris qu’au-delà de ma personne, leur rusticité, leur enracinement sentimental, la texture de leur patriotisme étaient mis au rebut. Le surlendemain, dans une intervention courageuse, Lozès, le fondateur du Cran, a légitimé l’appellation “Français de souche” avec des arguments de pur bon sens, signalant au passage l’ineptie de ma caricature en un beauf stupidement hexagonal.

Certes, on ne s’attend pas forcément à une fantasia de subtilités mallarméennes sur un plateau de télévision ; le raccourci est la loi du genre dans l’audiovisuel. Tout de même, en me retrouvant sur le boulevard de Clichy parmi des Français ordinaires — “de souche” ou pas —, j’avais l’impression de m’être évadé d’un tribunal populaire à la botte d’un Politburo.

Les fantômes des personnages de Simenon rôdaient dans ces parages et je me suis demandé si le plus grand romancier du XXe siècle aurait aujourd’hui le simple droit de publier ses livres, tant la police des idées embusque des indics à tous les carrefours.

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