Les jeunes et Internet: attention, danger(s)!
Une étude statistique menée en Brabant wallon pointe des risques majeurs. Elle débouche aussi sur des conseils aux parents et enseignants.
- Publié le 13-10-2009 à 11h21
- Mis à jour le 13-10-2009 à 11h27
Il est dangereux de laisser un jeune adolescent surfer sur internet seul dans sa chambre, sans contrôle! Il faut s'interroger dans les écoles sur l'utilisation abusive des GSM qui permettent de transmettre à n'importe qui des séquences filmées sur la vie en classe! De jeunes enfants sont confrontés à la pornographie diffusée sur internet! Qui pousse ces cris d'alarme?
Christophe Butstraen, médiateur scolaire pour le Brabant wallon. Il a présenté en primeur à La Libre, une enquête qu'il a réalisée sur la manière dont les jeunes de 12 à 18 ans s’approprient les médias portables et en réseaux.
Et il s'inquiète des dérives qu'il a pu mettre en évidence. "J(étais la semaine passée dans une classe de 5è primaire pour un exposé sur l'utilisation d'internet: 45% des enfants présents ont avoué avoir déjà été confrontés à des sites pornographiques! Les parents savent-ils cela?", s'interroge-t-il.
Son étude statistique qui porte sur 2.800 jeunes, révèle des différences de comportement entre les garçons et les filles, mais aussi des pratiques qui ne sont pas sans danger pour les jeunes et leur entourage. Intéressant à découvrir, pour les parents notamment, mais aussi pour tous ceux qui sont amenés à accompagner les jeunes dans leur utilisation de ces nouveaux médias. Après analyse des résultats de son enquête, son auteur a en effet conclu que des mesures s'imposent dans les établissements scolaires, ou qu'à tout le moins, il est nécessaire de définir un cadre clair à propos de l'utilisation des nouveaux médias. Il conseille aussi aux parents d'encadrer de manière sérieuse leurs enfants pour ne pas avoir à encourir des poursuites judiciaires liées à l'utilisation illégale de ces outils, fût-elle accidentelle.
Que révèle cette étude?
- Presque tous les répondants disposent d’un ordinateur et d’une connexion Internet (99,61% de l'échantillon).
- 32 % des adolescentes et 38 % des adolescents ont cet équipement installé dans leur chambre,
- Le GSM. s’est généralisé chez les jeunes adolescents, ils sont 95 % à en posséder un, parfois deux.
- Ces GSM sont aussi des appareils photo numériques (83 %), lecteurs MP3 (76 %) et dans 63 % des cas, permettent potentiellement de surfer sur internet.
- 74 ,6% des jeunes filles surfent entre 1 et 10 heures par semaine. Pour les jeunes gens, ce chiffre est de 68,3%.
- Elles sont 7,44 % à y passer entre 20 et 35 heures par semaine pour 12,18 % des garçons.
- Quand ils sont sur Internet, filles et garçons sont égaux devant la recherche d’informations. Par contre, en ce qui concerne les autres activités, les filles sont majoritairement sur MSN (77,5%) et sont 3 fois plus nombreuses à avoir leur page « Facebook » (25,2% des filles pour 8,14% des garçons).
- Même si les garçons chattent également (63,4%), ils sont nettement plus nombreux à jouer ou à télécharger de la musique ou des films. Filles et garçons ont été touchés de la même manière par les virus informatiques (32 %). Par contre, les jeunes filles ont été plus souvent victimes d’insultes (27,7%) ou de propositions obscènes (9,32%) alors que les garçons ont été plus souvent confrontés à des images pornographiques, à des pertes financières ou à de la vente forcée.
A l’analyse des « bêtises » commises sur le net, c’est la pornographie active qui domine chez les garçons au même titre que les insultes proférées envers autrui. Les filles sont plus nombreuses à avoir diffusé sans autorisation des photos d’amis ou d’amies. 18 % des adolescents avouent avoir menti sur leur identité et s’être fait passer pour quelqu’un d’autre alors qu’ils chattaient sur Internet. Enfin ils sont près de 2 % à avoir diffusé la photo d’un de leurs professeurs sans que ce dernier n’en ait été averti.
Quelles conclusions Mr Butstraen tire-t-il de cette enquête? Il constate d'abord que la "fraction numérique" n'est plus sociale, l'équipement internet se retrouvant dans les différentes couches de la société, mais qu'elle est "générationnelle", beaucoup de parents n'étant pas à même de "suivre" l'évolution de leurs enfants dans le monde des réseaux. Il note qu'un jeune sur trois surfe dans sa chambre sans contrôle sur les contenus ni sur les horaires. "Cette solitude face à l’écran, est la porte ouverte aux abus et aux problèmes (sites malveillants, insultes, diffamation, usurpation d’identité, perte financière, manque de sommeil, problème technique…). Il est peut-être utile de rappeler ici les recommandations des spécialistes qui conseillent d’installer l’ordinateur dans une pièce commune (jusqu’à 16 ans) afin que les jeunes s’autocensurent dans leurs pratiques d’internautes". A noter encore que si 70 % des jeunes interrogés surfent de manière raisonnable, 7,5% des filles et 12, 2 % des garçons peuvent être placés dans la catégorie des « cyberdépendants ». "A cette cyberdépendance sont également associées des problématiques scolaires et des problèmes sociaux", explique encore M. Butstraeten dans son analyse.
Il retient aussi que 65 % des jeunes disposent d'un GSM qui leur permettra tôt ou tard de faire circuler par internet des informations relatives à ce qui se passe dans les classes, à l'insu des personnes concernées, profs ou élèves, avec les dérives que l'on peut imaginer.
Filles et garçons, même attitudes? Non. Sur internet, explique encore Christophe Butstraen, les filles sont plus attirées par des activités sociales et relationnelles (MSN, Skyblog et Facebook) alors que les garçons, même s’ils sont nombreux à chatter, semblent plus enclins à pratiquer des activités de type ludiques (jeux en ligne, téléchargement de musiques et de films). A noter ici, l’émergence du site de socialisation « Facebook », très prisé des jeunes filles (25 % des filles de 12 à 15 ans possèdent « leur page » pour seulement 8 % des garçons du même âge). Mais dans les classes terminales, "ces chiffres explosent avec 95% des jeunes filles et 75 % des garçons inscrits sur ce site et le consultant au moins 3 fois par semaine". Et puis, si les filles sont plus souvent confrontées à des insultes ou à des propositions obscènes pendant qu’elles surfent, les garçons sont plus souvent victimes de pertes financières liées à des ventes forcées.
A l’analyse des « bêtises » commises, la pornographie attire toujours plus les garçons que les filles (24,08 % pour 2,6%), mais avec une proportion quasi identique (17 et 19 %), ils reconnaissent avoir falsifié leurs données personnelles afin de se faire passer pour quelqu’un d’autre, souvent dans le but d’insulter.
Au final, une foule d'infos à digérer, par les parents, les enseignants, et les jeunes eux-mêmes.
Méthodologie: M. Butstraen s'est basé sur la méthodologie utilisée dans le cadre de l'enquête « Mediappro » (http://www.mediappro.org) qui a été réalisée en 2005/2006, et qui portait sur 9000 jeunes Européens. Il s'est intéressé à la question pour étayer les sessions d'informations sur les nouveaux médias dans les écoles, réalisées à titre de prévention. "J'ai moi-même trois ados à la maison, qui surfent comme des malades. Je suis donc aussi concerné en tant que parent". Ex-enseignant devenue médiateur scolaire, il s'est intéressé aux problèmes lié à l'utilisation d'internet dans le cade scolaire, dans le cadre d'intervention de médiation, insultes sur internet, diffusion de photos sans autorisation, etc. Il s'est d'abord inspiré d'une présentation réalisée par une cellule de prévention de la délinquance lyonnaise, puis a décidé de se baser sur une étude plus personnelle. Il a donc réalisé à son échelle et à titre personnel (sans budget), une enquête ambitieuse puisqu'elle lui a permis au travers de 11 écoles du Brabant wallon (et une du Hainaut), de récolter les réponses de 2.800 élèves, filles et garçons (50/50). 483 élèves ont également participé à un entretien visant à confirmer les réponses obtenues sur l'échantillon. La cible de l'enquête? Les élèves des trois premières années de l’enseignement secondaire général, technique et professionnel, soit des jeunes de 12 à 15 ans. Ils ont eu à répondre à 10 questions à choix multiple. Les questions ont permis de distinguer la part des jeunes disposant d'un accès internet, d'un ordinateur dans leur chambre ou ailleurs, d'un GSM assorti ou non de fonctions étendues jusqu'à la connexion internet, sur leur utilisation d'internet, sur les problèmes survenus pendant des activités internet, sur les bêtises volontaires ou non commises derrière leurs écrans. « Une fois les questionnaires récoltés grâce à l'aide des enseignants et des écoles, mon épouse et moi avons encodé les 28.000 réponses avant de procéder à l'analyse des résultats », conclut-il.