La Droite forte, mouvement lancé par plusieurs jeunes sarkozystes qui soutenaient Jean-François Copé pour la présidence de l'UMP, est arrivée largement en tête (28 %) du vote des adhérents du parti dimanche 18 novembre sur la reconnaissance inédite des courants. Il fait partie des six "mouvements" de l'UMP qui présentaient une motion aux suffrages des adhérents du parti.
Selon les chiffres officiels de la commission interne (Cocoe), qui a validé mardi soir le résultat de ce scrutin, la Droite forte devance la Droite sociale du filloniste Laurent Wauquiez (21,7 %), les Humanistes de Jean-Pierre Raffarin (18 %), et les Gaullistes (12,3 %), réunion des différentes chapelles gaullistes.
La Droite populaire (10,8 %), emmenée par l'ex-ministre Thierry Mariani et représentant l'aile droite du parti, a subi un revers, dû notamment à la concurrence de la Droite forte. Elle s'était fait connaître dans la seconde moitié du quinquennat Sarkozy en réclamant un "retour aux fondamentaux" de la droite et des prises de position musclées sur la sécurité et l'immigration.
Malgré des soutiens prestigieux (Alain Juppé, Edouard Balladur...), la Boîte à idées, motion "antidivisions", qui a vue le jour grâce à quatre trentenaires et qui avait fait campagne en se démarquant de la Droite forte, n'a réalisé que 9,2 % des voix, et n'est donc pas reconnue.
"UN SÉISME MILITANT"
"C'est un séisme militant et la preuve d'un attachement au sarkozysme", a déclaré Geoffroy Didier, l'un des trois chefs de file de la Droite forte avec Guillaume Peltier (passé un temps au FN) et Camille Bedin, eux aussi sarkozystes et pro-Copé. Ils ont viré en tête dans des départements aussi bien copéistes que fillonistes.
La Droite forte, clin d'œil à "La France forte", le slogan de Nicolas Sarkozy à la présidentielle, avait mené une campagne très active avec des propositions choc : interdiction du droit de grève pour les enseignants, faire du 1er mai "une grande fête de la droite" au Trocadéro, création d'une "Charte républicaine des musulmans de France"...
Parrainés par Brice Hortefeux et soutenus par Jean Sarkozy, le fils cadet de l'ex-président, ces trentenaires, "fiers d'être Français, fiers d'être de droite et fiers d'être sarkozystes", ont été accusés par leurs concurrents de vouloir capter l'héritage sarkozyste quand ils ont essayé, en vain, de s'adjoindre l'appellation "Génération Sarkozy" et de s'engager dans "une fuite en avant populiste".
La reconnaissance des "mouvements", autre grand enjeu de l'élection de dimanche, constitue une première à l'UMP, là où les courants existent depuis longtemps au PS. Les adhérents étaient en effet invités à concrétiser leur existence, une disposition inscrite dans les statuts fondateurs du parti, en 2002, mais jamais appliquée.
OBJECTIF 10 %
Pour l'UMP, il s'agit d'une nouveauté aux enjeux multiples : la motion (un courant proposant une idéologie qui lui est propre) qui est sortie en tête du scrutin devient la motion majoritaire, et ses signataires ont des chances d'être mieux valorisés dans la hiérarchie de l'UMP. Ils se verront ainsi proposer des postes au sein de l'exécutif.
Chaque motion était soutenue par au moins dix parlementaires, et chacune doit recevoir une dotation financière proportionnelle à son score. Pour ces six courants de pensée, tout l'enjeu du scrutin de dimanche était d'obtenir au minimum 10 % des voix afin d'obtenir des moyens financiers et peser dans les instances dirigeantes du parti.
Lire : "UMP : six motions soumises au vote des militants"
Jean-François Copé s'est déclaré favorable à cette multiplication des tendances qui, selon lui, font "vivre le débat". Pour le nouveau patron de l'UMP, laisser coexister différents courants de pensée au sein du parti est aussi une manière de limiter les départs de militants pour d'autres formations politiques, notamment l'UDI de Jean-Louis Borloo et le Front national de Marine Le Pen. De son côté, François Fillon s'était montré très réservé, redoutant une "balkanisation" du parti, avec "sept ou huit chefs de courant qui seraient des petits chefs de parti".
SUR LES PLATES-BANDES DE LA DROITE POPULAIRE
La Droite forte crée la surprise en s'imposant en tête de ce scrutin. Née au lendemain de l'élection présidentielle, cette formation est venue marcher sur les plates-bandes de la Droite populaire, emmenée par l'ancien ministre Thierry Mariani, et qui, depuis deux ans, exerçait un certain monopole sur la frange la plus radicale du parti.
Reprenant les thèmes de la "droite décomplexée" prônée par Jean-François Copé, la Droite forte s'est petit à petit imposée dans le cœur des militants en tenant des positions inhabituelles, parfois raillées par ses concurrents, comme la proposition d'imposer dans les médias un quota de journalistes de droite. Dès la fin de septembre, un sondage Atlantico-Opinion Way auprès des militants la donnait déjà première, avec 42 % des intentions de vote. D'après les résultats partiels de l'élection, la Droite populaire arrive en dernière place, avec seulement 10 % des voix.
Lire la note de blog : "UMP : la Droite populaire ne veut pas perdre de parts de marché"
La Droite forte doit probablement une bonne part de son succès à son effort à se poser en premier défenseur du sarkozysme, un héritage très cher aux militants. Cette communication appliquée a été crédibilisée par le parrainage de proches de Nicolas Sarkozy, comme Brice Hortefeux, dont Geoffroy Didier a été le collaborateur. Le président déchu a également reçu à déjeuner les deux jeunes animateurs de la motion.
Les fondateurs de la Droite forte, eux-mêmes, sont deux secrétaires nationaux du parti ayant participé à la campagne de Nicolas Sarkozy pour la présidentielle de 2012. Guillaume Peltier était le porte-parole adjoint de sa campagne, Geoffroy Didier, le coordinateur de sa cellule Riposte.
Au moment de la création de leur motion, ils ambitionnaient tous deux de la nommer "Génération Sarkozy", un hommage que l'ancien président de la République a préféré décliner.
La ressemblance s'arrête là. Si Geoffroy Didier se définissait en 2006 comme un "sarkozyste de gauche", Guillaume Peltier est, quant à lui, passé par différentes couleurs politiques, d'abord dans les rangs des jeunesses frontistes, puis au MNR de Bruno Mégret et au côté de son "mentor", Philippe de Villiers, avant de se couvrir du bleu sarkozyste.
DE VILLIÉRISTE CONVAINCU À UN "BÉBÉ SARKO"
Avant de rejoindre l'UMP, il y a un peu plus de trois ans, Guillaume Peltier était un villiériste convaincu, qui savait prendre ses détracteurs à contre-pied, comme il l'a montré lors de son passage dans l'émission On a tout essayé, le 27 février 2006, où il déclarait : "Enfant de la République, je suis contre toutes les formes de communautarisme. En ce sens, je me sens plus proche des déclarations d'un Manuel Valls que des projets d'un Nicolas Sarkozy en la matière."
Dès son adhésion à l'UMP, il parvient à se rendre utile. C'est lui qui souffle à Jean-François Copé les formules d'"hyper-Parlement" et de "Ve République bis". En trois ans, cet ancien professeur d'histoire de 36 ans est devenu un "bébé Sarko" (comme l'écrivait un journaliste de Valeurs actuelles le 24 mai 2012) spécialisé dans les études d'opinion et les sondages, comme son autre mentor, Patrick Buisson.
Ainsi que l'écrivait Le Monde, il y a un an : "L'ascension de Guillaume Peltier ne plaît pas à tout le monde au sein d'un parti majoritaire où l'émergence de nouvelles têtes est surveillée de près." A l'époque, un cadre de l'UMP notait : "Il a du talent, mais, à force d'être partout, il risque d'être soumis à un grand écart."
> Lire Guillaume Peltier, le nouveau chouchou de l'UMP
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