Le libéralisme n’existe pas, je ne l’ai pas rencontré !

Aujourd’hui, pas une journée sans qu’un politicien où un article de presse ne constate, en termes souvent dénonciateurs, une évolution “libérale” de la société, souvent qualifiée de “dérive”.

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Le libéralisme n’existe pas, je ne l’ai pas rencontré !

Publié le 31 janvier 2013
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Aujourd’hui, pas une journée sans qu’un politicien où un article de presse ne constate, en termes souvent dénonciateurs, une évolution “libérale” de la société, souvent qualifiée de “dérive”.

Par Vincent Bénard.

L’ancien dissident soviétique Vladimir Boukovski, exilé en Grande-Bretagne à partir de 1976, s’est rapidement étonné des décalages existant entre le capitalisme tel qu’il lui était dépeint par la propagande du régime communiste, et ce qu’il observait dans l’Angleterre pré-Thatchérienne, économiquement en déroute, corsetée de réglementations en tout genre, verrouillée par un syndicalisme omniprésent, et où la taxation marginale de la réussite atteignait des sommets. Dans son ouvrage de 1981, Cette lancinante douleur de la liberté, il avait résumé la situation dans cette formule restée célèbre, “Le capitalisme n’existe pas, je ne l’ai pas rencontré”.

Ils voient des libéraux partout !

Faisons le parallèle avec la France d’aujourd’hui, en remplaçant le mot “capitalisme” par “libéralisme”. Aujourd’hui, pas une journée sans qu’un politicien où un article de presse ne constate, en termes souvent dénonciateurs, une évolution “libérale” de la société, souvent qualifiée de “dérive”. Au point que la presse, et pas uniquement de gauche, s’épanche aujourd’hui sur un prétendu virage “social-libéral” de François Hollande, au motif que celui ci tente de distribuer quelques chocolats aux chefs d’entreprise, après les avoir matraqués de taxes nouvelles.

Il est, selon l’humeur du jour, soit comique, soit navrant de constater que tous les maux de l’économie planétaire sont mis sur le dos bien large d’un libéralisme fantasmé qui n’existe que dans l’esprit de ceux qui ne le connaissent pas. Dans le monde bipolaire de ces personnes n’existent que deux organisations de l’économie, la “socialiste”, ou plus exactement “sociale-démocrate”,  et la “libérale”. Le monde d’aujourd’hui a oublié le nom de la troisième doctrine qui pourtant à largement structuré le tissu socio-économique de bien des pays, à savoir le mercantilisme.

Ne pas confondre libéralisme et mercantilisme

Dans la vision libérale, l’État est considéré comme un garant des droits fondamentaux de la personne, à savoir la liberté, la propriété et la résistance à l’oppression, et de l’égalité de chacun au regard de ces droits, notamment devant les tribunaux. Le libéral sait que chez tout entrepreneur peut naître la tentation de rechercher des rentes de situation ou des faveurs financières de l’État, et considère le résultat global de ces faveurs comme économiquement nocives. Aussi prône-t-il la non intervention de l’État dans le fonctionnement de l’économie, et la primauté de l’initiative et de la responsabilité privées, pour produire non seulement les biens et services dont nous avons envie, mais aussi, à travers le secteur non lucratif ou des assurances, pour prodiguer aux plus démunis ou aux personnes en situation temporaire difficile l’assistance dont elles peuvent avoir besoin.

Par opposition, le mercantilisme postule que le résultat économique et social sera meilleur si l’État et les entreprises collaborent pour “optimiser” leur action, que si l’État observe une stricte neutralité libérale. Le mercantilisme historique connut son essor par la création des grandes manufactures d’État et d’empires coloniaux gérés comme des marchés réservés à la puissance dominante. Aujourd’hui, il se traduit par des législations censées permettre le développement de certains secteurs, comme “l’économie verte”, par des secteurs entiers maintenus sous perfusion publique, comme l’éducation, le logement, l’agriculture ou la santé, par l’explosion des “partenariats public privés”, qui ne sont souvent que des subventions cachées à de grands groupes, ou encore par une imbrication croissante de l’État et du secteur financier, le premier attendant du second qu’il favorise ses objectifs économiques et lui prête toujours plus d’argent, le second obtenant en contrepartie des conditions d’exercice extrêmement favorables à son activité. Naturellement, toutes ces politiques se traduisent par une fiscalité élevée, agrémentée de nombreuses échappatoires et autres niches fiscales. .

Le triomphe très amer du social-mercantilisme

Quoi de moins libéral que ce méli-mélo public privé ? Le libéral n’a de cesse de dénoncer ces mélanges de genres entre État et entreprises, qui ne tiennent pas leurs promesses économiques et favorisent passe-droits et corruption. La crise des subprimes, celle de la dette souveraine, les continuels déficits des assurances sociales ou le chômage de masse sont le produit pour le moins peu appétissant de cette co-gestion de l’économie entre élites corporatistes et État.

Socialisme et Mercantilisme sont les deux facettes de l’interventionnisme de l’État. Le socialisme est, officiellement, dirigé vers les “petits”, salariés, chômeurs et laissés-pour-compte, et lorsque la ponction fiscale qu’il impose aux producteurs devient trop lourde, ceux-ci réclament des contreparties, de nature mercantiliste. Au milieu, les hommes de l’État se veulent tour à tour en pères Noël ou en stratèges, veillant à contenter tantôt les uns, tantôt les autres, sans oublier de prendre une forte commission au passage. Et comme l’avait formulé en son temps le visionnaire Frédéric Bastiat, l’État devient cette grande illusion dans laquelle tout le monde croit vivre aux dépens de tout le monde.

Poussé à l’extrême, le socialisme d’aujourd’hui devient démagogique et aide mieux les déjà bien nantis que les vrais pauvres, alors que le mercantilisme vire à “l’oligarchisme”, notamment financier. Et lorsque la clientèle du socialisme trouve que celle du mercantilisme lui prend une trop grande part du gâteau, elle dénonce le libéralisme en lieu et place du mercantilisme, faisant ainsi le jeu des nouveaux oligarques de la haute industrie ou de la finance qui ont somme toute intérêt au statu quo.

Tous les grands pays, aujourd’hui, balancent ainsi entre socialisme et mercantilisme. La France, particulièrement, est devenue l’une des championnes des interventions économiques et sociales en tout genre, financées par toujours plus d’impôts et de dette. Dans ces conditions, voir un quelconque libéralisme dans l’action des dirigeants politiques actuels relève soit de la navrante erreur tragi-comique, soit du mensonge intéressé.

Le libéralisme n’existe pas, je ne l’ai pas rencontré. Mais au vu des résultats du social-mercantilisme, nous devrions sérieusement lui donner sa chance.


Pour approfondir :
– Les « Partenariats publics privés », pseudo libéralisme, vrai social-mercantilisme
– La crise n’est pas libérale (suivi de) mais les solutions à la crise le sont

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  • Tout à fait d’accord, excellent.

  • Excellent – cette notion de mercantilisme est importante

  • Excellent, mais allez donc expliquer ça à un socialiste, pour qui le libéralisme incarnera de toutes façons tout ce qui ne va pas.

    • Bravo Vincent, très bonne analyse, j’adore!
      Je suis toujours amusé par les propos qui se veulent insultant en prononçant le mot « libéral ».
      Nous nous trompons pas la gauche socialiste et la droite colbertiste souhaitent ainsi évincé du débat toute vélléité.
      Mais ramené à Mr Dupont, l’insulte « ultra-libéral » répété par Psitacisme et par ignorance, un peu comme celle de l’étranger responsable de nos maux.
      Regardons le blogueur « olivier berruyer » du site lescrises.fr et participant aux experts de BFM, il annonce sans vergogne que les différents gouvernements socialiste (mitterand, jospin …) ont été économiquement « ultra-libéraux » car ils ont privatisés après bien sûr les nationalisations et la redécouverte du « real-economics ».

  • On ne vit pas dans un monde liberal. Mais de la même façon qu’on peut entendre des gens dire que l’URSS n’était pas réellement communiste.
    Quand les médias parlent du virage social-liberal de Hollande, je pense qu’ils veulent parler d’une l’orientation. En disant cela il est bien sur impensable qu’Hollande se soit convertit au libéralisme. On peut être completement Etatiste comme Hollande (et donc assez fondamentalement anti-libéral) et tout de même prendre un virage libéral malgré soi. De fait, un abaissement de charges au niveau des entreprises et une réduction de l’Etat pour cause d’austérité limite son champs d’intervention et, en cela, participe indirectement d’un processus de libéralisation partiel.

    • « un abaissement de charges au niveau des entreprises et une réduction de l’Etat pour cause d’austérité (…) participe indirectement d’un processus de libéralisation partiel. »

      Oui, si c’était le cas, on pourrait parler de libéralisation partielle. Mais ce n’est pas du tout la politique menée par Hollande. Les commentateurs qui parlent de « virage social-libéral » ont en tête l’austérité version PS, qui se traduit par une hausse des charges pour les entreprises et une hausse d’impôts pour tous en vue de maintenir le train de vie de l’État. On ne prend donc pas du tout le chemin d’une libéralisation partielle, mais plutôt celui d’une étatisation totale.

    • Karmai : « De fait, un abaissement de charges au niveau des entreprises et une réduction de l’Etat pour cause d’austérité »
      ————————–
      Parler de « réduction de l’Etat » quand le budget de l’Etat est de 54% du PIB et continue toujours d’augmenter, sans compter des centaines de nouvelles lois et réglementations pondues chaque mois, c’est comme prétendre faire régime en prenant de l’aspatame au café après avoir mangé deux plats de cassoulet.
      C’est vraiment se moquer du monde !

    • « L’URSS n’était pas du tout communiste. Par contre, elle était bien 100% socialiste »

      Pourriez vous développer SVP, je ne suis pas sûr de saisir la nuance ?

  • Effectivement, et ce n’est jamais facile d’expliquer à quelqu’un ce que sont vraiment les principes « récurrents » du libéralisme. Pourtant les accusations pleuvent contre l’ultra-libéralisme, qui n’est finalement qu’une chimère face au véritable coupable: le capitalisme de connivence !

    Les seules personnes que j’ai trouvé réceptives sur cette grossière erreur, ce sont quelques anarchistes peut être plus capables de prendre du recul sur la politique dans un sens. Après tout, certains défendent une définition du socialisme plus proche de celle de Proudhon, que ce qu’essayent de nous vendre les pantins du gouvernement…

    • @ Galt17. Psittacisme prend 2 t.

    • Pour les marxistes, capitalisme de connivence = libéralisme. Tout système qui n’abolit pas l’économie de marché, sera considéré comme étant de l’ultra-libéralisme.

      Ils se foutent que ce soit le fruit de l’étatisme, pour eux, s’il y a connivence, c’est parce qu’il y a des riches qui avec le « pouvoir » de leur argent ont capté l’état et donc, il faut empêcher la richesse.
      Bien sur, ils oublient le fait que s’il y a corruption, c’est parce qu’il y a quelque chose à acheter et ils oublient aussi le clientélisme de la démocratie qui est fortement responsable de la situation actuelle.
      Cependant, si le capitalisme de connivence est néfaste et même si un état libéral finit par aboutir au capitalisme de connivence — n’oublions pas que même le meilleur des fruits finit par pourrir –, le monopole du pouvoir absolu de l’État socialiste sera infiniment pire.

      • effectivement, comme s’il suffit de montrer le capitalisme de connivence pour absoudre la connivence encore pire du socialisme.
        C’est la technique de rhétorique de la diversion classique des gauchistes, d’un banal à pleurer mais toujours aussi efficace.

  • Trés bonne analyse

  • Un bon article , bien charpenté , de Vincent , qui fait la différence entre ces deux nions que sont le libéralisme et le mercantilisme et établit que nous sommes actuellement en système mercantile ou social mercantile , notion tjrs amusante , car de nos cours d’économie , il nous était resté que le mercantilisme fonctionnait sous les temps honnis de Louis 14 et de la compagnie des Indes !!!

  • Un plaisir de retrouver ta plume alerte et synthétique. Tu te fais trop rare. 😉

  • Bravo pour cet article

  • Les thèses libérales sont plus probantes sur les sujets purement économiques que sur les sujets de sociétés.

  • Bel article, tellement vrai.

    Dans cette France communiste, il faut comprendre que le curseur de l’analyse politique est complètement pipé et tronqué. Volontaire, ou pas, c’est bien joué !

    Sarkoy, était sans arrêt traité de libéral ! d’ultra-tubo ? la bonne blague ! pourquoi pas de droite tant qu’ils y sont ! Son copain Tony Blair du Labour, pour ne donner qu’ un exemple, à gauche, in fine est plus à droite que lui, raison pour laquelle il fut écarté des instances de l’union européenne. En plus, il avait du charisme, et du talent, horreur absolue, rien de mieux que l’insipide de gauche, Van Rompuy, qui ne comprend toujours pas à quoi correspond son rôle, nous non plus, d’ailleurs.

    Le FN, à la politique immigrationniste appliquée par nombres de démocraties réellement sociale-démocrates à travers le monde, est traité de bête immonde au ventre fécond ! quand on aime, on ne compte pas. Leur programme ‘’ social ‘’ est mélenchonesque ! ouf, on respire ! mais ils restent malgré tout, d’extrêêême droite.

    Pour donner un autre simple exemple, un candidat à la candidature républicaine aux USA, avait dans son programme, le projet de construire deux grandes barrières avec le Mexique, et de mettre au milieu des alligators ! Il fut éliminé, bien sur, car …. Il était infidèle. Imaginez l’avenir d’un dirigeant politique, chez nous qui proposerait la même chose ? Badinter, reconstruirait lui-même une guillotine avec ses petits doigts musclés, pour s’en servir.

    Par glissement, Toumou 1 er, réellement trotskiste avec sa clique de baltringues sont appelés sans arrêt : social démocrates ? Ne soyons pas vulgaires, pourtant cela mériterait, car cela détend les nerfs au moins.

    Oublions, si on peut ! les kmers verts, les cocos, l’extrême gauche, aux cerveaux bloqués irrémédiablement sur la lutte des classe, les escarbilles dans les yeux, et Germinal d’une autre époque révolue.

    Tout naturellement nos centres sont désaxés …. à gauche, mais leurs forces de caractères leur interdit de le dire ouvertement. Cela fait tellement plus ‘’ in’’ de dire, qu ’il faut abattre les barrières entre la droite et la gauche, quand ces lignes sont fictives, là au moins ils ne risquent pas grand-chose, cela tombe bien, le charisme (défense de rire) de Morin, Borloo, Bayrou, Véron soit disant libéral ! (no comments) et consorts, n’y survivrait pas.

    Nous sommes la risée du monde entier, quand celui ci a vu aux dernières présidentielles, sur dix candidats, huit de gauche, ou appelant à voter dans ce sens, et d’ extrême ! même l’extraterrestre Cheminade l’était ! quant au reste, ils étaient à la droite molle et flasque mais bien française.

    Pauvre France ! Vive le libéralisme le vrai.

  • « partenariats public privés”, qui ne sont souvent que des subventions cachées à de grands groupes »

    Je crains que ce soit encore pire : il est vrai que ces contrats portant sur de gros investissements beneficient aux grands groupes qui, ne souhaitant pas travailler a perte, en profitent. Toutefois, je pense que la motivation, c’est tout simplement de faire gonfler la dette sans la comptabiliser car elle est portee par ledit grand groupe. A supposer que la France parvenait a reduire sa dette a neant, elle aurait quand meme des echeances de paiement programmees pour tous les contrats public-prive en cours…

  • Les commentaires sont fermés.

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