Dimanche au Champ-de-Mars, mardi à l'Assemblée. Les élus UMP, très présents dans le cortège contre le mariage homosexuel, veulent maintenant continuer la bataille au Palais Bourbon. Ils espèrent que l'onde de choc de la manifestation, qui a réuni de 340 000 à 800 000 personnes selon les chiffres, sera de nature à ébranler les certitudes de la majorité. "La gauche ne peut pas ignorer la manifestation car c'est dans sa culture d'écouter ce que dit la rue", estime Hervé Mariton, l'orateur du groupe UMP, dans une interview au Monde.
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Les élus de droite demandent aux socialistes d'organiser un référendum et un débat national sur le mariage et l'adoption pour les couples homosexuels. Le texte du projet de loi Taubira est étudié en commission des lois mardi 15 janvier. Les députés UMP regrettent par ailleurs qu'une commission spéciale n'ait pas été mise en place.
Pour les socialistes, pas question de bousculer le programme. L'Elysée s'est fendu d'un commentaire neutre sur le rassemblement de dimanche, le qualifiant de "consistant". Christiane Taubira a été dépêchée sur les ondes pour réaffirmer la volonté du gouvernement de tenir bon. S'ils ne veulent pas paraître sourds au bruit de la rue, les socialistes n'ont aucune intention de renoncer à une promesse de campagne qui reste populaire dans l'opinion.
L'argument du référendum ne les convainc pas non plus. "Je vois Henri Guaino qui en réclame un, a expliqué Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, proche de M. Hollande. Quand il y avait deux millions de personnes dans la rue contre la réforme des retraites, je ne l'ai jamais entendu demander un référendum." La perspective de nouvelles mobilisations ne préoccupe pas vraiment le gouvernement. "La droite manifeste ? Très bien, ils achèteront de nouvelles chaussures", s'est amusé le ministre, qui s'inquiète beaucoup plus de la relance de la consommation et de la lutte contre le chômage.
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LE PS EN PREMIÈRE LIGNE ?
Le gouvernement trace sa route. C'est au Parti socialiste désormais d'organiser la contre-offensive. Les partisans de la réforme pour le mariage homosexuel ont prévu de défiler dans la rue le 27 janvier, le week end qui précède le début de l'examen du texte de loi à l'Assemblée. "La bataille de la rue n'est pas l'enjeu", prévient M. Le Foll, qui anticipe ainsi une participation moins massive que pour la manifestation des "anti". La dernière mobilisation en faveur du projet de loi avait réuni le 16 décembre entre 60 000 et 150 000 participants.
Cette fois-ci le PS a la pression. Alors que l'UMP, moribonde jusque-là, se refait une virginité sur la question du mariage homosexuel, Harlem Désir a l'occasion d'apparaître pour la première fois depuis sa prise de fonction comme le réel leader du parti majoritaire. Il a confié l'organisation de la manifestation à Marc Coatanéa. Le secrétaire national aux questions de société explique sur le JDD.fr que Harlem Désir lui "a donné carte blanche pour réussir la manif". "Nous pourrons prendre en charge des déplacements en car, ce que nous n'avions pas fait lors de la précédente manifestation. Et dès mercredi prochain, des tracts seront envoyés dans les fédérations."
Les socialistes recevront, une fois n'est pas coutume, l'appui de Jean-Luc Mélenchon et du Front de gauche. L'ancien candidat présidentiel a appelé à "une manifestation de masse", lundi matin sur France Info. Les écologistes feront également partie du cortège. Ils pourraient par ailleurs déposer un amendement en faveur de la procréation médicalement assistée (PMA), auquel les socialistes ont renoncé.
LA PMA, LE COMBAT D'APRÈS
Les députés des deux camps préparent déjà le coup suivant. Certains élus UMP reconnaissent que le combat sur le mariage sera difficile à gagner. "Je ne vois pas le gouvernement bouger là dessus, ils se tireraient une balle dans le pied", confie un élu opposé au mariage homosexuel. En revanche, la droite ne compte pas baisser les bras sur la PMA, qui doit être étudiée dans le cadre d'un texte sur la famille en mars ou avril.
Philippe Gosselin explique le raisonnement des députés UMP : "Avec le mariage et la PMA, on met le doigt dans l'engrenage. Ça fonctionne sur la discrimination. On donne la PMA aux couples de femmes, pour qu'elles soient les égales des couples hétérosexuels. Dans la foulée, c'est logique, les couples d'hommes, qui se sentiront discriminés, demanderont d'avoir l'accès à la gestation pour autrui."
Du côté du PS, si l'opposition à la gestation pour autrui est générale, le sujet de la PMA divise les troupes. Une partie des députés est opposée à la mesure. Le vote en réunion de groupe n'avait pas été unanime. Une soixantaine de voix d'élus socialistes s'étaient élevées contre l'amendement.
"Alors qu'on allait gagner sans problème sur le mariage et l'adoption, on n'a parlé que de nos divisions sur la PMA", regrette un député socialiste opposé à l'amendement. Mais si le groupe est réticent, le parti compte bien mettre la pression. Solférino avait déjà poussé en décembre pour inclure la PMA dans le texte de loi sur le mariage. Harlem Désir s'y était déclaré lui-même très favorable.
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