Victorin Lurel s'attire de nombreuses critiques depuis vendredi. Ce jour-là, le ministre des outre-mer, qui représentait le gouvernement français lors des funérailles du président vénézuélien, déclarait à Caracas que "Chavez, c'est de Gaulle plus Léon Blum" et que "le monde gagnerait à avoir beaucoup de dictateurs comme [lui], puisqu'on prétend que c'est un dictateur [alors qu'il] a, pendant ces quatorze ans, respecté les droits de l'homme".
Lundi 11 mars, le président de l'UMP, Jean-François Copé, a demandé "solennellement" à François Hollande de désavouer Victorin Lurel. "Au ridicule de sa comparaison avec de Gaulle et Léon Blum, s'ajoute sur le fond une insulte à tous ceux qui, au Venezuela, ont été victimes des atteintes délibérées de Chavez aux droits de l'homme, a déclaré le député de Seine-et-Marne et maire de Meaux. Pendant sa présidence, Chavez a conduit des pressions extrêmes sur la presse, la justice et les responsables de l'opposition de son pays."
Le coprésident du Parti de gauche Jean-Luc Mélenchon a lui dénoncé sur son blog "l'arrogance", "le mépris", "l'insulte" que représentait cet hommage. "Le solférinien arrogant et méprisant a vite percé sous le masque de l'homme des Caraïbes. Comment a-t-il pu avoir l'audace de parler d'un mort sur le ton de la blague comme il a osé le faire devant le cadavre d'Hugo Chavez ?", écrit M. Mélenchon, qui reproche au ministre d'avoir également déclaré au sujet d'Hugo Chavez : "Il était tout mignon (…), frais, apaisé comme peuvent l'être les traits de quelqu'un mort. On avait un Hugo Chavez pas joufflu comme on le voyait après sa maladie."
"Quelle arrogance ! Quel mépris ! Quelle insulte ! Est-ce un genre qui est créé ? C'est le style monsieur petite blague qui devient celui de la France ? Doit-on se préparer à commenter la tête qu'aura 'pépère' dans son cercueil le moment venu ? Devra-t-on alors commenter l'état de ses cheveux implantés et celui de ses rondeurs ?", ajoute Jean-Luc Mélenchon, en allusion à François Hollande. "J'espère qu'à me lire vous ressentez un haut-le-cœur. Il vous enseigne ce que nous avons ressenti, nous les amis du Venezuela progressiste et d'Hugo Chavez comme personne humaine en prenant connaissance de ce qu'a été la parole de la France dans cette circonstance de deuil national", continue l'ancien candidat à la présidentielle.
"DÉCLARATION TRÈS CHOQUANTE"
Invitée de France 3 dimanche 10 mars, Laurence Parisot, a dénoncé une "déclaration très choquante". "Comment peut-on dire d'un homme qui était un dictateur, un démagogue, qui incarne le populisme dans toute son horreur, puisse avoir les qualités que prétend notre ministre ?", s'est indignée la présidente du Medef.
Le député UMP de la Drôme et ancien ministre de l'outre-mer Hervé Mariton s'est dit "choqué par ces propos". "J'ai été ministre de l'outre-mer, c'est une responsabilité importante de la République, mais ça n'autorise pas, que ce soit en France de métropole ou d'outre-mer ou à l'étranger pour représenter le gouvernement, de tenir des propos aussi invraisemblables, a-t-il affirmé. Je considère qu'on est là, non pas dans une erreur de communication, mais qu'il s'agit d'une faute majeure, d'une faute grave dont il conviendrait que le président de la République, le premier ministre, s'excusent."
Le président du Nouveau Centre, Hervé Morin, en a lui aussi appelé à l'exécutif, dimanche matin sur Twitter : "J'ai honte pour mon pays quand le gouvernement ose déclarer que #Chavez c'est Blum et de Gaulle. M. Hollande, réagissez !"
"COMPARAISON N'EST PAS RAISON"
A gauche, la sortie de Victorin Lurel a provoqué de la gêne. "Je pense que c'est un peu rapide, un peu abusif, c'est excessif de le dire comme ça, a déclaré Anne Hidalgo, première adjointe du maire de Paris et candidate PS aux municipales dans la capitale. Je pense que tout ça va être corrigé certainement dans la journée, je n'ai pas à le lui demander. Chavez a d'abord tenté la prise du pouvoir par les armes, après il a été élu, donc une élection c'est pas un régime de dictature." "Il a fait des choses fortes, puisqu'il a réduit la pauvreté très fortement au Venezuela, a ajouté Mme Hidalgo, invitée du "Grand Rendez-vous" d'Europe 1, i-Télé et Le Parisien. "Et puis, il y a des aspects de sa personnalité que je condamne totalement, notamment ses amitiés avec le chef de l'Etat iranien ou ses positions sur Israël."
"Comparaison n'est pas raison, comme on dit", a déclaré Julien Dray, ancien député socialiste et vice-président du conseil régional d'Ile-de-France, sur Radio J. "Peut-être que ces comparaisons peuvent paraître, pour un certain nombre d'entre nous, excessives. Mais je comprends aussi la colère de Victorin Lurel au regard de la manière dont, en France, le débat sur le bilan de Chavez a été traité. On a senti la haine de classe de ceux qui ne savent pas ce que Chavez a fait pour son peuple." M. Dray a déploré le fait que la France n'envoie pas "une personnalité de premier plan à cet enterrement", comme le ministre des affaires étrangères.
Voir les contributions
Réutiliser ce contenu