Le gouvernement a décidément du mal à faire entendre un message clair sur le calendrier de l'ouverture de la procréation médicalement assistée aux couples de femmes. Les déclarations de Jean-Marc Ayrault recadrant la ministre de la famille Dominique Bertinotti ont fait les délices de l'opposition criant dimanche au "couac" à l'Assemblée.
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Question complexe, la procréation médicalement assistée (PMA), actuellement réservée aux couples hétérosexuels qui ne peuvent pas avoir d'enfant pour des raisons médicales, fait l'objet de flottements depuis des semaines au gouvernement et dans la majorité. L'épisode de ce dimanche 3 février montre un nouveau flottement dans la communication et un délai supplémentaire par rapport à l'agenda annoncé.
- D'où est partie la polémique ?
Au député Sergio Coronado (EELV) qui exprimait ses "doutes" et demandait des précisions sur "le calendrier, la méthode, le périmètre" d'un texte famille annoncé pour le 27 mars en conseil des ministres, la ministre déléguée à la famille, Dominique Bertinotti, a évoqué, dimanche devant les députés, un texte famille contenant la PMA "avant la fin de l'année" au Parlement.
Interrogée ensuite par le président des députés UMP, Christian Jacob, sur ce sujet, Mme Bertinotti a précisé que "la procédure du comité national d'éthique, y compris celle des états généraux, n'est pas incompatible avec le calendrier annoncé par le gouvernement pour cette loi famille".
Mais une heure plus tard, des déclarations de Matignon ont souligné l'importance d'attendre l'avis du comité consultatif national d'éthique (CCNE) et laissant entendre que cela prendrait du temps.
Des propos qui ont semé "le trouble", selon les mots de l'écologiste Sergio Coronado.
- Quel calendrier a annoncé Ayrault ?
La réflexion sur la PMA durerait probablement jusqu'à l'automne 2013, a expliqué au Monde Jean-Claude Ameisen, président du CCNE. L'avis de cette instance ne sera probablement rendu que "début octobre", a déclaré sur iTélé le ministre Alain Vidalies (relations avec le Parlement).
L'UMP s'est immédiatement engouffrée dans la brèche pour dénoncer avec force un "couac", un "recul" du gouvernement après le "recadrage" de Mme Bertinotti par Jean-Marc Ayrault.
Interrogé par la presse, en marge d'un déplacement à Phnom Penh, le premier ministre a répondu : "Elle ne peut pas dire cela dans la mesure où elle [Mme Bertinotti] ne connaît pas la date de réponse du CCNE."
Devant les multiples questions des députés, y compris dans les rangs de la gauche, Alain Vidalies s'est employé à clarifier : "Je précise qu'il y aura une seule loi portant sur l'ensemble des questions sur la famille, que cette loi comprendra la proposition du gouvernement sur la PMA, que le débat n'interviendra qu'après la connaissance de l'avis du comité national d'éthique et donc avant la fin de l'année."
- Que dit l'UMP ?
Jean-François Copé préférait y voir au contraire un signe que la PMA ne passerait pas, lundi 4 février sur RTL : "J'espère que c'est l'ébauche de la prise en compte du message de l'opposition qui est de dire : stop, stop, arrêtons cela !" Pour le président de l'UMP, les débats actuels "montrent des divisions très intenses entre les ultras de la majorité [de Jean-Marc Ayrault] et même de son gouvernement, et lui-même."
Christian Jacob (UMP) a lui dénoncé "la cacophonie du gouvernement et de la majorité". "La garde des sceaux refuse de répondre à nos questions, Mme Bertinotti se fait tacler par le premier ministre depuis Phnom Penh et Le Roux défie le premier ministre !", a-t-il lancé. "On ne peut pas continuer à discuter avec une majorité qui est comme un canard sans tête !" En fin d'après-midi, de très nombreux députés disaient "ne plus rien comprendre".
- Comment ont réagi les députés ?
Peu de temps après, le président des députés PS, Bruno Le Roux, prévenait que si le projet de loi gouvernemental sur la famille ne comprenait pas l'ouverture de la PMA aux couples de femmes, comme promis au groupe socialiste, celui-ci "prendrait ses responsabilités".
M. Le Roux persistait et signait un peu plus tard sur BFMTV, estimant que la loi sur la PMA serait "bien entendu votée", car "c'est la position du Parti socialiste depuis des années, la PMA ouverte aux couples de femmes". Lundi, il relativisait tout l'épisode du week-end, une "péripétie de calendrier".
"J'ai l'impression qu'on assiste à un enterrement de la PMA", a pourtant commenté M. Coronado (EELV). La députée PCF Marie-George Buffet parlait, elle, de "brouillage" et appelait aussi M. Ayrault à "des éclaircissements".
Erwann Binet, rapporteur PS du projet de loi sur le mariage homosexuel, a lui parlé d'"un déni de démocratie", à propos de la consultation préalable du CCNE sur la PMA. Avant de préciser qu'il s'adressait à l'opposition, selon laquelle la majorité devrait abandonner cette mesure en cas d'avis négatif du conseil . "Bien évidemment, ce n'est pas le comité national d'éthique qui va faire la loi", a voulu rassurer Alain Vidalies.
Lire : "Le récit de la nuit de dimanche à lundi"
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