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La ministre de la Justice est-elle intervenue afin que le parquet de Paris instruise une plainte contre Bernard Squarcini ? Depuis le 7 mai 2012, la plainte déposée, à Paris, contre Bernard Squarcini, ex-patron de la DCRI, pour "non-empêchement de la commission d'un crime" par Albert Chennouf, père d'une victime de Mohamed Merah, se "promenait" entre le parquet de Paris et celui de Nanterre, dans lequel se trouve le siège de la DCRI, sise à Levallois, dans les Hauts-de-Seine.
Et pour cause : le procureur de la République de Paris, François Molins, ancien directeur de cabinet de Michèle Alliot-Marie, avait senti la patate chaude. Mais, il y a quinze jours, c'est lui qui a finalement hérité de cette plainte. Un retour à l'envoyeur en quelque sorte et... dix mois perdus. C'est en effet le ministère de la Justice qui a tranché par l'intermédiaire de la Direction des affaires criminelles et des grâces. Une immixtion du pouvoir politique dans une plainte pénale ? On pourrait le penser.
Indépendance ?
En effet, les parquets généraux de Paris et de Versailles avaient chacun été saisis de cette question : qui, du parquet de Paris ou de celui de Nanterre, devait instruire la plainte d'Albert Chennouf ? Que le parquet décide de classer la plainte ou d'ouvrir une enquête préliminaire, l'opportunité des poursuites lui revient. Pourtant, c'est le ministère de la Justice qui a décidé que l'affaire devait être instruite par le procureur de la République de Paris.
Les procureurs se sont, semble-t-il, rangés aux desiderata de la ministre. Le 23 novembre dernier, dans un courrier à Claude Bartolone, président de l'Assemblée nationale, Christiane Taubira l'informait de sa position à propos de la création d'une commission d'enquête parlementaire sur les dysfonctionnements de la DCRI, notamment dans l'affaire Merah. Faisant référence au cas de Bernard Squarcini, elle écrit que "ces plaintes [contre Bernard Squarcini et la DCRI, NDLR] devraient donner lieu rapidement à l'ouverture d'une enquête judiciaire". Cette missive sonne comme une consigne de la part de la garde des Sceaux. On imagine mal le parquet saisi d'une plainte contre Bernard Squarcini rechigner désormais à "ouvrir une enquête judiciaire". Alors que le parquet a la liberté de classer sans suite.
N'est-ce pas la Cour européenne des droits de l'homme qui a estimé, en novembre 2010, que le procureur, en France, n'est pas une autorité judiciaire indépendante ? Contacté il y a deux jours, le porte-parole du ministère de la Justice nous faisait savoir que la réponse de la Place Vendôme serait rapide. Le 18 février, nous apprenions que le parquet de Paris avait ouvert une enquête préliminaire après des plaintes déposées par des proches du caporal Abel Chennouf, tué par Mohamed Merah, visant la Direction centrale du renseignement intérieur.
@gust901
«Le garde des sceaux ne doit être ni de droite ni de gauche». Il doit être quoi, transparent, incolore, neutre, inexistant ? Mais bien sûr qu'il peut, et même qu'il doit. Un ministre n'est pas un fonctionnaire, c'est un politique et doit à ce titre conduire, comme tous ses collègues, des actions conformes à la volonté exprimée par le souverain, c'est-à-dire le peuple. La politique menée par le gouvernement sera donc différente en fonction de la décision du suffrage universel, sinon à quoi servirait-il de voter ? Quant à la séparation des pouvoirs (on connaît en effet), à quel moment est-elle mise en cause parce qu'une direction d'un ministère exerce sa mission ? Ne jouons pas à nous faire peur, il n'y a vraiment pas de quoi et surtout il existe des sujets plus sérieux de mécontentement.
La séparation des pouvoirs vous connaissez ?
Les magistrats du parquet ne sont pas indépendants, contrairement aux magistrats du siège. Ils relèvent de l'autorité du garde des sceaux qui peut toujours, le cas échéant, leur donner des instructions. Si en outre il s'est agi, dans l'affaire en cause, de désigner celui des deux parquets qui se renvoient le dossier depuis trop longtemps, c'est plutôt une mesure de bonne administration. C'est en l'occurrence la direction des affaires criminelles et des grâces qui a tranché. La lettre de Mme Taubira, quant à elle, s'adresse au président de l'Assemblée nationale sur la création d'une commission parlementaire relative aux dysfonctionnements de la DCRI ; elle ne « demande » pas qu'une enquête judiciaire soit ouverte mais que celle-ci « devrait » intervenir rapidement. La cour européenne a « estimé » que le procureur en France n'est pas une autorité judiciaire indépendante ; en effet, et alors ? Si c'est un constat de la réalité nous n'avions pas besoin d'elle, si c'est une critique, chacun son système ; chez nous les magistrats ne sont pas élus, la justice n'est pas un pouvoir mais une autorité. Si on préfère le système anglo-saxon, on passera de la procédure inquisitoriale à la procédure accusatoire, on supprimera les juges d'instruction et il faudra évidemment modifier la loi et même la Constitution.