Santé : tout ce qui va changer pour vos médicaments

Ces trois médicaments vont faire l'objet de nouvelles évaluations.

Ces trois médicaments vont faire l'objet de nouvelles évaluations.

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Le directeur de l'ANSM a accordé un entretien à "La Provence", il revient sur les scandales sanitaires qui ont touché la France ces derniers mois

Mediator, PIP, Diane 35 : Dominique Maraninchi et l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), qu'il dirige, vivent sous pression permanente. Mais le professeur marseillais, ex-directeur de l'Institut Paoli-Calmettes de lutte contre le cancer, garde le cap dans la tempête, malgré sa mise en examen (lire ci-dessous).

Le procès PIP reprend ce matin. Quel a été le rôle de votre agence dans ce dossier ?
Dominique Maraninchi : "Nos inspecteurs, avec les policiers ont fait, il faut le saluer, un travail remarquable d'investigation et d'analyse dans les locaux de PIP. Nous étions face à une fraude hallucinante d'une société dont toute la production de prothèses mammaires était trafiquée, avec des gels non médicaux. Dès mars 2010, une décision de police sanitaire a été prise par l'Agence accompagnée de recommandations de prise en charge. Celles-ci ont été renforcées en 2012, à la suite de la déclaration d'un cas de lymphome anaplasique même si le lien direct n'était pas établi de façon formelle.

"Nous avons invité les femmes à discuter avec leur chirurgien d'une possible explantation préventive. Sur 30 000 femmes porteuses de prothèses PIP en France, la moitié les a fait retirer, 4 000 du fait de complications : le taux de rupture des prothèses remplies de ce gel frelaté et la précocité des ruptures sont très anormaux. Sur 11 000 explantations préventives, on trouve, de plus, des anomalies de la prothèse et du sein dans 20% des cas.

L'ANSM est-elle au procès ?
D.M : Bien sûr, trois témoins de l'agence sont cités : deux inspecteurs et le spécialiste du dispositif de contrôle qui témoignent ce lundi. L'Agence est partie civile dans le dossier. Elle doit traquer les firmes qui ne font pas leur travail et dans ce cas, représenter les intérêts moraux et financiers de l'État dans une affaire grave de tromperie. À ce niveau, et à d'autres, je mène le combat pour les patients.

Que change déjà pour vous l'affaire PIP ?

D.M : Nous avons engagé sans attendre un plan d'action pro actif sur les dispositifs médicaux à risque, c'est-à-dire implantés dans le corps. Il s'agit des prothèses mammaires mais aussi des prothèses de hanche "métal-métal", des valves cardiaques, des défibrillateurs. Ces produits représentent un progrès pour les malades mais les fabricants doivent nous apporter des éléments sur leur vieillissement dans l'organisme, s'assurer de l'innocuité à long terme. Nous devons disposer de données cliniques, mener nos propres expertises et nous faisons des contrôles inopinés dans les entreprises.

Vous parlez d'expertises. Aujourd'hui, votre agence est-elle indépendante des laboratoires pharmaceutiques ?
D.M : L'agence est strictement indépendante de l'industrie pharmaceutique. Il n'y a maintenant plus d'industriels ni au conseil d'administration, ni dans les groupes de travail, ni dans les commissions. J'ai oeuvré depuis mon arrivée pour bâtir des expertises indépendantes. Je m'appuie sur les 1 000 salariés de l'ANSM. Nous avons des talents en interne et interrogeons les experts externes. Ces experts sont nommés pour 3 ans, renouvelables une fois. Ils doivent renoncer pendant cette période à être payés par l'industrie et ne pas être investigateurs leaders deprojets industriels. Et ils ne peuvent se retrouver sur des dossiers sur lesquels ils auraient eu des liens d'intérêts antérieurs.

Peut-on trouver des experts avec de telles conditions ?
D.M : Oui, malgré les rumeurs, les candidatures sont là et les postes sont pourvus. Je ne pense pas que nos exigences soient excessives puisque notre mode de recrutement et nos conditions sont désormais adoptées par les agences européennes.

Comment suspendez-vous un médicament ?
D.M : L'instruction est interne. Nous demandons aux firmes de nous prouver que leur médicament est efficace, qu'il n'a pas de nouvelles toxicités lors de son emploi dans la "vraie vie". Nous nous appuyons sur d'autres données issues des déclarations de vigilance et d'études indépendantes. Après instruction, nos propositions sont présentées en commission. Celles-ci réunissent 14 personnes, 4 experts évaluent le bénéfice d'un médicament, 4 estiment le risque (comme une instruction à décharge et à charge). La commission est complétée par 2 médecins généralistes, 2 pharmaciens et des membres d'associations. Les débats sont transparents, visibles en vidéo. Le but n'est pas d'atteindre un consensus. Le directeur général a la responsabilité finale et doit prendre des décisions dans l'intérêt des patients. Même si c'est l'Europe qui tranche.

Alors, pourquoi la Diane 35 est-elle toujours en vente ?
D.M : Il faut laisser aux femmes le temps d'adopter une autre contraception. La suspension sera effective rapidement. Mais son usage a chuté de plus de 60%. Nous avons eu une action décisive via l'information qui prouve que la parole de l'ANSM pèse. Nous avons interrogé la firme qui n'a pas pu ni voulu nous prouver la fonction contraceptive de la Diane 35. Et sa capacité à traiter l'acné, pour laquelle elle a reçu son autorisation de mise sur le marché (AMM), était insuffisante. Il y a eu une AMM ambiguë, un détournement massif d'utilisation. La suspension s'imposait. Nous avons agi. Les instances européennes vont faire l'arbitrage final.


Myolastan, codéine, Actifed : bientôt des mesures

Le directeur général de l’Agence du médicament doit "agir au quotidien dans l’intérêt des patients, au-delà des crises sanitaires". Après la crise des pilules "3 et 4G", la ministre de la Santé mobilise toutes les agences et l’ANSM s’associe à l’Institut national de prévention et d'éducation pour la santé pour une campagne sur tous les moyens contraceptifs. Au travers des évaluations en continu, de l’étude du marché, l’Agence lance d’autres alertes et propose de suspendre ou d’encadrer certains médicaments.

Le Myolastan ou tétrazépam

"C’est un décontractant musculaire, un myorelaxant mais il est de la classe des benzodiazépines comme le valium dont l’utilisation s’est banalisée, indique le patron de l’ANSM. Il peut y avoir accoutumance. Que des personnes paraplégiques en prennent mais pas des joggers !" Or, il y a des risques chez certaines personnes de réactions cutanées graves, comparables à de grandes brûlures. L’ANSM a donc proposé sa suspension. Il faut un arbitrage européen mais la France a déjà été suivie la semaine dernière par d’autres pays et il est recommandé de ne plus le prescrire.

La codéine
Souvent utilisée dans des sirops, des calmants pour les enfants qui ont subi l’ablation des amygdales, la codéine peut, selon les individus, se "métaboliser", se transformer en morphine dans l’organisme. "Avec notamment un risque d’insuffisance respiratoire", selon l’ASNSM. Et de rares cas observés, aux États-Unis, de détresse respiratoire graves chez des enfants qui "métabolisent" rapidement. L’Agence recommande de ne pas utiliser ce produit pour les moins de 12 ans, de limiter son utilisation pour les autres et que les femmes qui allaitent y renoncent.

Actifed, Dolirhume... et Protelos
L’ANSM alerte sur ces produits anti-rhume en vente libre dont le marché explose et qui ont un effet vasoconstricteur avec risques d’hypertension, de problèmes cardiaques si on en prend trop. Les pharmaciens, conscients du problème ne doivent donner que le strict nécessaire. "Pour ceux qui ont l’effet vasoconstricteur le plus fort, nous allons revenir à une vente sur prescription."

Enfin, le Protelos (ranélate de strontium), très utilisé dans le traitement de l’ostéoporose est réévalué ce lundi, car il peut causer des infarctus selon les études européennes. L’Agence recommande de ne l’utiliser que pour les ostéoporoses sévères, d’y renoncer chez les personnes à risques cardiovasculaires et de ne plus lancer de nouveaux traitements au Protelos.

Mais l’ANSM n’est pas qu’un gendarme. Elle a permis, pour des cancers comme le mélanome métastatique ou des formes de mucoviscidose, aux malades français de bénéficier de produits innovants un à deux ans avant leur mise sur le marché dans le cadre d’autorisations temporaires.


"Mis en examen pour la bonne cause"

Dominique Maraninchi a été mis en examen le mardi 19 mars en tant que représentant de la "personne morale" de l'Agence du médicament dans le cadre de l'affaire du Mediator, sur le versant "homicide involontaire par faute et négligence".

Comment vivez-vous cette mise en examen ?
Dominique Maraninchi  : "Cela peut sembler paradoxal puisque j'ai précisément été nommé en 2011 pour réformer l'Agence après les erreurs et les dérives de l'affaire du Médiator. Je me dis que c'est pour la bonne cause . La justice enquête sur des négligences de l'Agence et l'absence de décision sur le Mediator entre 1995 et 2009. Je serai du côté des victimes à qui on doit la vérité. Cette épreuve renforce ma détermination à mener les profondes réformes que nous mettons en oeuvre et qui s'imposent J'assumerais mon rôle de directeur général devant la justice.

Allez-vous ferrailler contre Servier ?
D.M : Je serais naturellement du côté des victimes en accusation contre Servier qui a abusé l'Agence. Mais je défends aussi les salariés de l'ANSM.

Mais dans l'affaire du Mediator, le Pr Jean-Michel Alexandre, directeur de l'évaluation du médicament à l'Agence jusqu'en 2000 et le Dr Éric Abadie, qui y a occupé plusieurs postes jusqu'en 2012, sont mis en examen. Quelle est votre position envers eux ?
D.M : S'il s'avère, sans préjuger des investigations en cours, qu'ils ont eu des prises illégales d'intérêts, l'ANSM se portera partie civile contre eux.

Comment résumez-vous l'attitude de l'Agence face aux firmes pharmaceutiques ?
D.M : Nous instruisons de manière indépendante avec des décisions qui, parfois, ne sont pas populaires. S'il y a un doute sur le risque potentiel d'un médicament, il doit toujours profiter aux patients et pas aux firmes".

Retrouvez l'intégralité du dossier "Ce qui va changer pour vos médicaments" dans La Provence d'aujourd'hui