Publicité

Mariage gay : une bataille stratégique au Sénat

Christiane Taubira, en février dernier, lors de la séance des questions au gouvernement, alors que se tenait le vote sur le projet de loi ouvrant le mariage et l'adoption aux couples de même sexe, texte adopté par 329 voix contre 229. François BOUCHON/Le Figaro

L'opposition dénonce d'ores et déjà les incohérences du texte sur la filiation.

Après la clameur de la rue, la quiétude de l'hémicycle rouge et or du Sénat. Drôle d'entre-deux pour le projet de loi du mariage pour tous. Au plus fort de la contestation des opposants au texte, c'est une bataille plus technique que féroce qui s'ouvre jeudi à la Haute Assemblée.

Difficile d'imaginer un coup de théâtre. Mais le climat feutré du Palais du Luxembourg n'étouffera cependant pas les affrontements. À 16 heures, Christiane Taubira devrait ouvrir le bal pour présenter le texte prévu pour être examiné jusqu'au 13 avril avant de revenir à l'Assemblée nationale. Une intervention très attendue après le fou rire et les discours inspirés qui ont fait de la ministre de la Justice la vedette des députés de la majorité.

Environ 260 amendements seront ensuite examinés. Le premier, déposé par l'UMP, propose d'instaurer un «contrat d'union civile» assorti d'une adoption simple pour accorder plus de droits aux couples homosexuels sans leur ouvrir la filiation. Car c'est bien la question de l'adoption plénière, qui efface la filiation biologique, qui pourrait faire blocage au Sénat. Les séances s'annoncent néanmoins plus courtes. «Nous ne ferons pas d'obstruction», a annoncé Patrice Gélard, orateur du groupe UMP au Sénat sur le texte. «Les arguments échangés au Sénat pèseront dans la décision du Conseil constitutionnel. Nous allons pousser le gouvernement dans ses retranchements», promet pour sa part l'UMP Jean-Jacques Hyest, membre et ancien président de la commission des lois.

Un retournement arithmétique de la situation

Un débat moins long, des discussions moins vives mais un vote plus incertain? Avec la courte majorité du

Sénat, les parlementaires de l'opposition se prennent à rêver d'un retournement arithmétique de la situation. Les uns évoquent les hésitations de Jean-Pierre Chevènement, les autres tablent sur des défections des ultramarins de gauche… Le rapporteur PS du projet de loi, Jean-Pierre Michel, se dit serein «même si l'on dit le Sénat imprévisible». «Il y aura des abstentions dans les deux camps», avance le sénateur, qui fut l'un des pères du pacs.

Son scénario idéal après le passage au Sénat: un vote conforme à l'Assemblée nationale au cours de la deuxième quinzaine de mai puis un feu vert du Conseil constitutionnel qui sera - on le sait déjà - saisi par les parlementaires UMP. Les premiers mariages gays seraient, selon cette hypothèse, célébrés avec l'arrivée de l'été, fin juin.

Reste que le projet de loi pose bien plus de difficultés que prévu. La commission des lois du Sénat ne s'y est pas trompée en abandonnant l'idée d'un vote conforme du texte. «Les sénateurs se sont rendu compte de l'inintelligibilité du texte, notamment en matière de filiation. Le risque d'inconstitutionnalité était trop fort pour ne pas le modifier», pointe Jean-Jacques Hyest. Au cœur des difficultés juridiques: la disposition «balai», un amendement unique adopté par les députés pour éviter de remplacer les innombrables termes «père» et «mère» des différents codes juridiques par «parents». Un symbole majeur de la révolution de la filiation pour les opposants au mariage pour tous. À la place, les sénateurs ont préconisé d'inscrire en tête du Code civil un principe d'égal traitement entre les couples de même sexe et ceux de sexe différent pour ce qui concerne les droits et obligations relatifs au mariage ou à la filiation adoptive. Un amendement pour habiliter le gouvernement à procéder par ordonnance aux coordinations nécessaires pour garantir cette égalité de traitement dans les différents codes - hors Code civil - a été adopté en parallèle par la commission. Une manière de sortir cette problématique du Parlement? «Il s'agirait par exemple d'adapter les dispositions sur le congé parental dans le Code de la famille», explique Jean-Pierre Michel. Un «scandale» pour les parlementaires de l'opposition. «Sur des questions aussi sensibles, c'est insupportable, s'agace Jean-Jacques Hyest. Quel aveu! On n'ose pas nous dire les conséquences de la législation que nous sommes en train d'adapter.»

Mariage gay : une bataille stratégique au Sénat

S'ABONNER
Partager

Partager via :

Plus d'options

S'abonner
426 commentaires
    À lire aussi